vendredi 28 octobre 2011

Nicolas Sarkozy le 27 octobre 2011


J'ai écouté hier soir la prestation du Président de la République. Ma première réaction à l'écouter a été « il est bon » ; calme, pédagogique, équilibré, intelligent. D'une certaine manière, je ne renie pas cette impression, que beaucoup ont du avoir. Mais un peu de réflexion suggère quelques remarques.
Comme l'arrivée au pouvoir de Pétain en 1940 à la suite de la victorieuse offensive allemande fut une « divine surprise » pour une large part de la bourgeoisie, chaque crise est une opportunité pour certains : cela permet de « justifier » le transfert de plus de valeur vers les plus riches, ceux-ci devant conserver leur compétitivité alors que le peuple peut bien se serrer un peu plus la ceinture ; la seconde opportunité est le discours de l'irremplaçable rempart contre l'adversité.
Le Président a dit que les banques et les spéculateurs avaient fait « n'importe quoi » en sorte de provoquer la crise des subprimes. Je pense qu'une autre analyse est plus pertinente : ces acteurs – puissants, « honorables » et honorés et non quelques margoulins – ont utilisé une situation où une large partie du peuple américain ne pouvait plus se loger qu'en se finançant par l'anticipation de l'augmentation perpétuelle des prix immobiliers ; ces acteurs ont prélevé une large part des efforts du dit peuple américain, jusqu'au moment où les prix ont cessé de monter (les vieux boursiers disent que les arbres ne montent pas jusqu'au ciel) et où ils n'ont plus pu rembourser leurs échéances. Ce n'était pas « n'importe quoi » mais l'exploitation efficace à court terme d'un déséquilibre systémique. En dévalorisant la rationalité de ces acteurs (n'importe quoi), on fait l'économie d'une vraie critique de leurs comportements.
Une seconde question est : deux mesures prises naguère par les socialistes sont présentées comme responsables de notre relatif déclin par rapport à l'Allemagne : la retraite à soixante ans et les trente cinq heures. S'il est clair que l'allongement de la durée de la vie exige celui des cotisations et que cette constatation n'empêche en rien d'autres facettes de l'évolution du système de retraites, comme la prise en compte de la pénibilité, la réduction du temps de travail a eu et a toujours plusieurs justifications : l'augmentation de la productivité du travail peut être utilisée de plusieurs manières : augmenter les dividendes versés aux actionnaires, augmenter les revenus des travailleurs, faciliter la formation, exiger moins de temps dédié à l'économie marchande pour en laisser davantage aux autres aspects de la vie, y compris dans l'économie non marchande de services, de culture, d'entretien du patrimoine familial, enfin mieux répartir le travail marchand vers des personnes sans emploi et cependant qualifiées. Si l'on peut discuter l'opportunité de la réduction du temps de travail à tel moment de l'évolution économique – que ce moment soit dans un cycle ou dans une évolution de fond, que l'on appelle alors systémique – nous continuons à préférer un avenir où l'on gaspille moins et travaille moins dans la sphère de l'économie marchande à un avenir de perpétuelle fuite en avant avec réduction perpétuelle et irréversible du temps et de l'espace laissé aux valeurs non marchandes. Ne vous y trompez pas : l'économie marchande n'est pas pour nous le diable, mais, pour continuer la métaphore théologique, son service peut ne pas être la seule source de nos « Allah akbach ».
Il reste que la dette est excessive, et que le Président a raison de dire que la grande ancienneté du dernier budget français équilibré est clairement à déplorer. Si la « règle d'or » interdisant tout déficit est une stupidité, le maintien de déficits permanents même quand le cycle économique est en phase positive n'est plus soutenable, dont acte. L'introduction des BRICS dont la Chine dans nos créanciers signe la fin de la domination économique exclusive de l'occident. L'attention que pouvons porter avec raison aux positions de Joseph Stiglitz ne justifie pas de tenter de vivre durablement au dessus de nos moyens.
Mais qu'est-ce qui explique ce consensus mou entre tous les gouvernements des trois dernières décennies ? A mon humble avis, ces gouvernements n'ont trouvé que cette « méthode » pour concilier le soutien – ou la non agression – envers les « marchés » c'est à dire ceux qui ont accumulé les profits acquis par l'extraction d'une part croissante de la plus-value créée par le travail, et le peuple qui conserve dans nos imparfaites démocraties un pouvoir de sanction des gouvernants : les inégalités s'accroissant, surtout lorsque la Droite gouverne, la seule manière relativement aisée de modérer la colère potentielle du peuple est de financer par la dette diverses mesures mettant quelque baume sur ses plaies.
Jusqu'au moment où le pouvoir ainsi abandonné aux marchés devient incompatible avec les dépenses dites de « état providence ». Les agences de notation ne sont bien sûr que l'instrument de mesure des « marchés ». La lutte contre la dette, qui peut d'une certaine manière être l'objet d'un consensus entre la gauche et la droite est essentiellement un Janus à double face : d'un coté, elle satisfait les marchés qui craignent l'incapacité des États d'assumer les remboursements (intérêts et principal), d'un autre coté elle est une manière de se libérer du poids des remboursements et du pouvoir des créanciers. Une manière ou la manière ? Plusieurs bons esprits pensent que l'on ne pourra à terme que dégrader la valeur de cette dette, d'une manière ou d'une autre. Une certaine Ségolène Royal – qui existe encore – remarque que l'Argentine des deux Kirchner a réussi à effacer une partie de sa dette et n'en est pas morte. Sarkozi-Merkel ont réussi cette fois-ci à vendre aux banques que mieux valait abandonner volontairement la moitié des créances grecques que risquer d'en perdre la totalité. Je ne sais plus quel commentateur « s'amusait » en remarquant que si tous les États occidentaux abandonnaient volontairement le triple A, les prêteurs ne pourraient pas les punir tous en montant à des taux d'intérêt à deux chiffres.
Pour ma part, je pense qu'il faut jouer sur trois cordes : réduire la dette en empruntant moins, réduire la dette par une forme ou une autre de dégradation de son en-cours, enfin ou surtout, réduire la nécessité de l'emprunt en réduisant les inégalités que l'on camoufle ou soigne par l'endettement.
Le Président actuel ne choisit pas un discours ultra-libéral disant que la seule solution est « plus de marché » comme le candidat texan aux primaires Républicaines des États-Unis ; il reconnaît même des excès de gains (les traders, tiens, ce sont aussi des salariés) ou des spéculateurs. Vraisemblablement, un discours ultralibéral ne tiendrait pas face à l'écoute de l'opinion au discours de gauche, et il y a aussi la tradition gaullienne qui n'admet pas facilement l'effacement des responsabilités de l’État. Mais il est très modéré dans cette critique et n'évoque pas la possibilité d'un excès autre qu'anecdotique et caricatural dans les inégalités. Il est aussi possible que cet homme ne soit pas sur le fond convaincu de la nécessité du renard libre dans le poulailler libre.
En revanche, il insiste sur le thème « c'est moi ou le chaos ». Ceci appelle deux remarques : la première est que je pense que François Hollande est capable, y compris compte tenu de son entourage, de sa propension à la synthèse ayant parfois une odeur de compromis, y compris compte tenu de ses promesses, y compris compte tenu du PS, de faire face à la crise, et ceci, je pense, en jouant sur les trois leviers que je viens d'évoquer. La seconde est que la posture d'homme providentiel du Président actuel n'est pas acceptable. Les décisions difficiles n'exigent pas le pouvoir personnel mais au contraire le débat démocratique ; certes il faut distinguer les décisions d'orientation qui exigent le débat et les décisions opérationnelles, qui nécessitent la réactivité.
Madame Merkel accepte de fait le contrôle de son parlement, seule instance démocratique européenne à être consultée à chaud. Est-ce acceptable ? Bien sûr que non. Il faut à l'évidence construire (et non reconstruire) un processus démocratique de contrôle a priori des orientations économique, voire de contrôle a posteriori des décisions opérationnelles d'urgence ainsi qu'un exécutif capable d'action avec une constante de temps se comptant en jours sinon en heures et non en mois.
Les moyens sont multiples : construire un exécutif européen dans une géométrie adéquate – assurément avec les pays en comprenant la nécessité – et construire une instance démocratique d'orientation et de contrôle adéquate, qui est assurément un mélange entre l'assemblée européenne et le conseil des chefs de gouvernement concernés. Personnellement, je donnerais plus de poids à la première qu'au second, mais là n'est pas l'essentiel.
Est-ce un abandon de souveraineté ? Pour l'essentiel, assurément non : c'est le transfert d'une part de « souveraineté » des marchés irresponsables (d'un point de vue démocratique) vers un espace certes plus large que la Nation mais contrôlé démocratiquement. Les efforts fusionnels bilatéraux avec l'outre-Rhin ne peuvent être qu'un point de passage transitoire, au demeurant non sans danger.

Les « Lois de l’Économie » nous laissent-elles une réelle liberté, un réel espace pour décider de notre devenir, comme peuple, comme habitants d'une planète aux ressources limitées ? Ou ne pouvons nous décider démocratiquement que de la frimousse d'un « chef » (ou d'une cheffe) dont le rôle est de nous rappeler les lois de l'économie vues comme des lois de la nature ?
En quelques mots : les « lois de l'économie » de la vulgate néolibérale, présentées comme des lois de la nature, ne régissent qu'un « homo oeconomicus » rationnel calculateur qui n'est pas l'homme réel. Les économistes compétents actuels le savent.
Je vous suggère à ce sujet la lecture du livre « Les vraies lois de l'économie » de Jacques Généreux (professeur à Sciences Po), publié chez Point en 2005, coûtant 9 euros, lisible avec un peu d'effort et beaucoup de plaisir par toute personne ayant le niveau culturel d'un lycéen. On y lit par exemple la remarque qui suit, page 52 : « La victoire politique du néolibéralisme ne peut s'afficher comme une victoire des puissants sur les faibles, des riches sur les pauvres. Il lui faut donc maquiller sa victoire politique en nécessité scientifique pour décrédibiliser et décourager la contestation. »
Cette croyance dans les Lois indépassables établissant la domination économique ignore des facteurs essentiels des lois de l'économie parmi lesquelles les institutions, les croyances et les comportements ; les uns comme les autres peuvent bouger et bougent en effet. La croyance dans les lois de l'économie comme lois naturelles indépassables – comme les lois de Newton régissant la chute des pommes – est une des sources d'une forme de cynisme désespéré d'une part du peuple, voire de chacun d'entre nous, qui ne croit pas à la possibilité d'un changement autre que cosmétique. Le Président actuel n'est pas primaire de ce point de vue ; il n'est donc pas sans objet d'avoir une forme de débat avec lui ou les idées qu'il porte et représente. Mais avec quelques précautions, il tient le discours du réalisme incontournable de la nécessité de se soumettre aux lois des marchés. Pas nous ; pas aux lois qui n'en sont pas.


Ce Monsieur a été moins convaincant s'agissant des problèmes de quelques-uns de ses proches. Son respect affiché de la Justice serait plus crédible sans son pouvoir sur le processus d'accusation.
Voir aussi un entretien avec F.H. après l'intervention de N.S.
Écoutons les petites ou les grandes musiques et conservons les yeux ouverts ainsi que les neurones actifs.

lundi 17 octobre 2011

Au lendemain des primaires citoyennes


François Hollande est premier, Martine Aubry reste seconde, et François sera investi dans quelques jours comme candidat du Parti Socialiste pour les présidentielles de 2012 ; vraisemblablement la personne incarnant le futur changement. La bataille n'a pas été facile : un gros travail d'organisation, un gros travail d'explication, un gros travail pour maîtriser non pas ses nerfs, mais ses pensées : éviter la caricature de l'autre, la confiance excessive dans ses préférences d'hier ; ça a été difficile pour plusieurs, F.H. a sans doute bénéficié d'une bonne maîtrise sous cet aspect. Dès l'entre deux tours pour les candidats éliminés, dès le soir du second tour pour M.A. le ralliement à F.H. s'est exprimé. La décision des participants au vote est claire, sans être un score écrasant manifestant l'absence de démocratie. La participation des citoyens au vote est massive : certes une minorité du peuple de France, mais incommensurablement plus nombreuse que les comités directeurs de partis et même leurs militants. Est-ce à dire que le travail des uns et des autres a été nié, voire liquidé ? Non, ceux-ci (dirigeants, militants, adhérents) se sont exprimés ; mais ils n'ont pas décidé à la place des citoyens concernés.

Pour ma part, j'ai pris mon temps pour choisir pour qui voter, non par hésitation mais par volonté de choisir – dans la mesure de mes moyens de compréhension – en connaissance de cause. J'ai voté pour A.M. au premier tour, pour M.A. au second ; j'ai dit pour qui je votais avant le premier tour, après le second. J'ai même été tenté de mettre les deux bulletins, mais bien sûr, cela annule le vote et est donc contre-productif. J'ai vu des points forts chez les deux finalistes, des questions restées pendantes chez les deux. Globalement, j'étais prêt à me rallier à l'un comme à l'autre, dans l'action, et je me rallie à F.H. sans peine, restant – comme je l'aurais été avec M.A. - libre et vigilant.
Que dire maintenant ? Cela dépend à qui. Non pas que je sois tenté de tenir des discours ad-hoc (et plus ou moins contradictoires) aux uns et aux autres, mais parce que les mots et les articulations d'idées qui sont adaptés aux uns ne le sont pas toujours aux autres. Rassembler ces différents fragments en un seul message peut être intéressant et préfigurer les débats des élections de 2012, Présidentielles et Législatives, du moins tels que je les vois. A vrai dire, chacun de nous peut être concerné par plusieurs des paragraphes qui suivent : nous ne sommes pas toujours simples, même quand il nous arrive d'être naïfs.
Nous avons choisi un homme, pas une femme. Il n'est pas certain que ce soit un hasard. Celles et ceux qui résistent aux préjugés de sexe et de genre se demandent la part de préférence masculine dans ce choix. Je connais des femmes qui ont voté François pour éviter que la préférence masculine ne joue en faveur de Nicolas s'il était opposé à Martine. Nous devons pour le moins appeler François à contribuer de manière active à l'égalité et à la justice entre les sexes. Dans la suite, je dis « ceux » et « ils » ; entendez « celles et ceux » et « ils et elles ».
A ceux qui ont choisi François tôt : bravo ; peut-on vous demander le respect sans soupçon des ralliés ? Peut-on vous demander de conserver votre esprit critique et votre liberté ? Peut-on vous demander d'aider François – et nous tous – à gagner non seulement le match qui vient mais la bataille réelle contre la paupérisation, contre la domination de la finance, pour le retour du progrès ? Non seulement je l'espère mais je le crois et, quoi qu'il en soit, je prendrai ma part. Aucun leader ne peut faire grand chose d'utile s'il est entouré surtout de courtisans.
A ceux qui ont choisi Martine dès le début ou au second tour, à ceux qui ont voté Ségolène ou Arnaud ou Manuel avant de se rallier : que votre ralliement ne soit pas d'opportunité mais mû par la volonté de travailler ensemble ; que votre ralliement ne soit pas le reniement de vos idées mais continue à porter les bonnes idées de celui ou celle avec qui vous avez lutté et de ses équipes; que votre ralliement soit cependant aussi une écoute de François et de ses équipes ; que votre esprit reste libre et critique, que votre effort converge avec celui des autres citoyens voulant retrouver le chemin du progrès.
A ceux qui se sentent à gauche du PS parce qu'ils ne croient pas à la sincérité et/ou à la force des socialistes lorsqu'il faut lutter vraiment pour défendre le peuple. Conservez votre volonté de résistance, conservez votre esprit critique contre la social-démocratie enfermée dans des interdits idéologiques. Écoutez aussi les questions que nous nous posons, souvenez-vous de la difficulté et du caractère aléatoire de la prise des armes, du caractère parfois hasardeux de la démocratie, de la faible utilité d'avoir raison dans une salle enfumée et close, du caractère insuffisant des slogans de rue, des incertitudes de la société à construire ; quoique nous soyons aussi parfois dans la rue ou dans des salles closes. Ne vous reniez pas mais acceptez d'agir avec nous parfois et même de réfléchir avec nous.
A ceux qui pensent que la question majeure est maintenant écologique et que les mecs buveurs de bière, amateurs de gros seins et de gros 4x4 sont aussi parfois de gauche, nous disons notre volonté croissante d'articuler la lutte pour la planète et celle pour le peuple ; notre conviction que le marché ne peut que réagir trop tard à la décroissance de certaines ressources naturelles ; notre revendication de réfléchir à deux fois à la condamnation du nucléaire ou des OGM : l'énergie solaire est d'origine nucléaire (lointaine en kilomètres, il est vrai) et les OGM peuvent être utiles : tout dépend des objectifs, prudences et compétences de ceux qui les développent et les manipulent. Nous voulons vous écouter davantage, assurément ; être écoutés, aussi.
A ceux qui pensent que la vérité est dans le juste milieu entre la volonté du bien du peuple et les réalités du marché, donc que la vérité est dans le centre politique, aussi parce que la gauche soit manque de réalisme ou de compétence soit est démagogue et insincère, je dis que mon rêve post-capitaliste où le marché reste ouvert à un grand nombre d'acteurs indépendants mais où le pouvoir économique, dans l'entreprise, est partagé entre tous les porteurs d'enjeux, pas seulement les actionnaires, je dis que ce rêve là, nous pouvons peut-être le partager. Je dis que la difficulté principale est l'organisation de la gouvernance équilibrée. Je dis que les mesures concrètes pour nous défendre contre les excès du capital financier, nous pouvons les prendre ensemble aujourd'hui et que c'est déjà un pas vers cette société tout simplement humaniste.
A la droite que je qualifie d'honorable parce qu'elle respecte ceux qui ne font ni les mêmes analyses ni les mêmes choix de priorités qu'eux, je dis : nous resterons assurément adversaires, au moins pour ce qui est de la conquête des divers segments du pouvoir politique ; mais il y a quelques évidences, qui étaient souvent des absurdités hier, qui peuvent faire consensus, lorsque l'intérêt du peuple crève les yeux, si l'on ose dire. Je pense à une taxe sur les transactions financières, à la maîtrise de certaines formes de spéculation par exemple.
A la droite de la haine, de la mauvaise foi, du cynisme et de la défense des privilèges, par exemple celle qui accuse les socialistes de trahison de la citoyenneté parce que nous avons choisi d'ouvrir le débat et même le choix de candidats à quelques européens et quelques jeunes engagés politiquement (aucun à Bièvres par parenthèse), la plupart des gens comprennent que ces gens cherchent, aujourd'hui avec difficulté, des arguments pour nous mettre hors jeu. Il convient de répondre brièvement à leurs arguments, sans perdre trop de temps.
A la droite de la préférence nationale, je dis : une part de votre discours, celui qui tend à défendre le peuple français, repose sur des réalités subjectives et même objectives. Toutefois, bien que les uns soient sur le même trottoir et les autres hors de votre vue (?), les principaux responsables de nos problèmes ne sont pas des migrants du sud ou de l'est mais des financiers d'ici (Frankreich) ou d'un autre bout de la planète.
Est-ce que je suis en train de dire « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » ? ou de me placer abusivement et soi-disant au dessus de la mêlée ? A vrai dire je suis surtout méfiant vis à vis de tous, y compris de mes amis... et de moi-même : on peut se tromper, on peut manquer de courage, on peut être inavouablement acculé à « devoir » tromper les autres pour sauver ses « amis », ce n'est pas que « littérature » ou plutôt c'est une opportunité de bonne littérature. Mais je comprends aussi que dans presque tous les secteurs de l'opinion, il y a au moins de bonnes questions – parfois à reformuler ou transformer -, et parfois même quelques réponses dignes d'analyse. Surtout, je pense, j'espère, que au delà des visions globales ou futuristes qui portent un nom (souvent en -isme) et pendant qu'un effort se développe pour en reconstruire sur les décombres du communisme réel et du libéralisme actuel, effort auquel je participe modestement, nous pouvons ici et maintenant trouver de larges consensus pour des progrès peu discutables pour préserver notre avenir sur cette planète, l'avenir de notre jeunesse, l'avenir de notre pays, de notre Europe. Probablement quelque-chose qui ressemblera à l'abondance frugale, à terme ; on n'échappe que difficilement à l'oxymore, confert le développement durable. En tous cas pas aux marchés financiers sans foi ni loi.
J'estime qu'aujourd'hui, tout social-démocrate qu'il est (ce que les uns jugent trop et les autres pas assez à gauche mais souvenez-vous, ce n'est pas vraiment le problème), François Hollande est assez intelligent, honnête, ouvert et de bonne volonté pour nous aider à nous engager dans des voies qui ne sont pas des impasses, à la différence du Président sortant.

dimanche 16 octobre 2011

Résultats du second tour à Bièvres

Au second tour des primaires citoyenne, le 16 octobre 2011 les résultats à Bièvres sont :
inscrits 3491 ; votants : 270 soit 7,73% ; 2 blancs et 3 nuls, soit 265 exprimés.
Ont obtenu :
Martine Aubry        116 voix soit 43,77 % des exprimés,
François Hollande  149 voix soit 56,23 % des exprimés.
Merci à tous les citoyens concernés qui sont venus voter, aux assesseurs et aux scrutateurs.
Merci également à la municipalité qui a coopéré normalement à cet évènement citoyen.
Les résultats à Bièvres sont très proches des résultats nationaux.
Nous avons recueilli 217,75 euros à titre de participation aux frais de la primaire citoyenne, lors du second tour (seules les personnes n'ayant pas pris part au premier tour ont été invitées à participer financièrement).
Nous ferons bientôt quelques commentaires plus politiques ; ce soir, dodo.

samedi 15 octobre 2011

Finalisez votre choix et venez voter dimanche

Finalisez la comparaison entre les candidatures de François Hollande et Martine Aubry grâce au site de Terra-Nova http://www.debats2012.fr/

Venez voter et invitez vos proches à venir voter dimanche 16 octobre.

Voici une photo du bureau de vote de Bièvres à 9:30 au début du premier tour.

vendredi 14 octobre 2011

Le débat du second tour


L'unique débat télévisé entre François Hollande et Martine Aubry s'est tenu mercredi soir. Des experts disent que ces débats ne feraient que rarement évoluer les opinions : il renforceraient l'admiration pour son champion et provoqueraient haussements d'épaules si ce n'est des quolibets pour l'autre. Chez moi, ça ne fonctionne pas de cette manière : j'écoute vraiment. Mercredi soir, plutôt que d'aller écouter chez un ami ou la famille - ma ligne ADSL n'a récupéré un bon débit que le lendemain -, j'ai choisi d'aller écouter au « Players » rue Montmartre à Paris, parmi les soutiens de François. Histoire de voir aussi l'ambiance et comment ils (et même elles) réagissent. J'ai croisé Jack Lang, Manuel Valls, Michel Sapin et même François Hollande, bien sûr, à cinq mètres cinquante : il venait causer un moment avec ses amis et supporters, après le grand débat.
Nous avons regardé le débat, que vous pouvez revoir (pendant une semaine) sur ce lien si vous l'avez raté . Fidèle à ma démarche, j'examine avec vous ce que j'ai compris des questions posées et des réponses de l'une et de l'autre. On s'intéresse aussi aux inflexions par rapport à ce qu'on avait entendu ou cru comprendre auparavant.
A l'occasion du premier débat du premier tour, nous nous sommes posé des questions économiques, concernant la dette, la crise, la possibilité de réguler. Plusieurs questions d'Arnaud Montebourg, dans sa lettre à F.H. et M.A., portent sur ces thèmes. Quoi de neuf ?
Les deux sélectionnés du second tour ont d'abord parlé d'Economie, déjà abordée précédemment. Ils ont débattu de la répartition de nos trop rares ressources entre le désendettement et la relance ; Martine évoque 50% de nos ressources disponibles pour chacun, estimant inadapté de donner des chiffres absolus dans l'ignorance où nous sommes de l'évolution de la crise et du PIB ; elle estime aussi inadapté de mettre tout le paquet sur la dette, au détriment d'un soutien à l'activité par la consommation et le soutien à l'investissement des PME. François dit que le saut le plus difficile est à faire en 2013 (de 4,7% à 3% de déficit), puis que l'on doit passer sous 1% en 2017. Il donne donc une plus grande priorité à l'effort de désendettement, tant pour réduire notre dépendance à la finance que pour réduire la charge annuelle de la dette (rappelons que les seuls intérêts nous coûtent plus que ce que rapporte l'impôt sur le revenu, et que la « maturité » de la dette est telle que l'on en rembourse actuellement environ 3% par an, en sorte que ce niveau de déficit stabilise l'en-cours, ce que l'on doit). Autrement dit, Martine est plus flexible, propose de s'adapter à une conjoncture ou sortie de crise peu prévisible, alors que François propose une marche plus volontariste vers le désendettement).
Pour ce qui concerne la régulation des banques, Martine propose que le soutien nécessaire aux banques (qui fond appel aux fonds publics quand elles sont en difficulté et distribuent leurs bénéfices quand tout va bien) se traduisent par une prise de contrôle partiel (acquisition d'actions à hauteur de l'aide apportée). François fait remarquer que l'aide à apporter immédiatement – sous la Présidence de Nicolas Sarkosy – n'ayant pas de contre-partie, sans doute faudra-t-il entrer de droit – par la loi – dans leurs conseils d'administration, et acquérir une forme de contrôle. F.H. adopte là une position plus offensive, peut-être en réponse à l'interpellation d'Arnaud Montebourg. La séparation entre banques de détail et banques d'affaires, les unes étant dédiées à prêter pour le logement ou l'économie réelle, les autres pouvant être plus spéculantes et praticiennes du billard à trois bandes, cette séparation, donc, déjà imposée notamment aux États-Unis, est consensuelle. Comme l'est la limitation des produits dérivés les plus aventureux ou toxiques par leurs effets de levier parfois inversés, conçus par des mathématiciens débridés et utilisés par des spéculateurs dénués de toute éthique.
Les questions fiscales, particulièrement travaillées par F.H. sont l'objet d'un large consensus qui apparaît une réforme permettant de sortir du bricolage et de dégager une part importante des ressources nécessaires.
Pour les questions sociales, nous avons déjà parlé du contrat de génération propose par F.H.. Martine maintient sa prédiction de faible efficacité pour cause d'effet d'aubaine alors que l'absence de réponse de François à cette mise en garde m'inquiète. Peut-être considère-t-il que ce sont des détails techniques en deçà du niveau Présidentiel, mais le diable caché dans les détails est capable de pervertir une bonne intention. Ceci est une occurrence d'un échange qui s'est répété entre une Martine valorisant son expérience (en entreprise et comme Ministre), François répondant par la revendication de la nouveauté, d'une sorte de virginité (bien qu'il exprime aussi que notamment sa proximité avec Lionel Jospin l'a frotté aux problèmes). Nous voyons là une rencontre entre l'expérience et la fraîcheur. En fait, il s'agit d'évaluer dans notre cas le rôle de l'apprentissage : l'apprentissage peut nous figer dans des plis d'intérêt médiocre, voire toxiques (par exemple on peut « apprendre » que l'autre ne mérite pas notre attention), ou nous entraîner à affronter des situations diverses de manière intelligente et créative. Je ne développe pas, menacé par le didactisme. Mais je ne pense pas que l'expérience de Martine soit une glaciation ; et François sait apparemment écouter, et même apprendre.
Quant aux licenciements dits boursiers, c'est à dire déclenchés par la décision des actionnaires de fermer ou déplacer un morceau de force productive (une usine, mais aussi une plate-forme téléphonique par exemple) rentable mais remplaçable par une autre plus rentable, François propose d'instituer une taxe qui déplace le seuil d'opportunité de cette fâcheuse manœuvre : si ça coûte cher de faire des licenciements boursiers, il y en aura moins. On parle aussi de permettre aux syndicats de saisir le tribunal de commerce, dont je ne suis pas sûr qu'ils trouvent dans la loi ou leurs motivations propres des motivations suffisantes pour bloquer les licenciements abusifs. On parle aussi d'accélérer les procédures, notamment par un usage renforcé des référés, afin d'éviter un jugement trop tardif, « après la bataille ».
En ce qui concerne l'Europe, si Martine reste attachée comme la quasi-totalité des chefs d’État actuels ou impétrants à la confédération des États-Nations, François est moins effrayé par l'idée – et le mot – de fédéralisme ; les deux reconnaissent le besoin de passer à des modes de décision majoritaires plutôt que par unanimité, même si cela implique certains transferts de souveraineté ; ça s'appelle la subsidiarité. Peut-on accepter que l'honorable Slovaquie bloque la décision commune de faire payer aux peuples les errements des banques ? On préférerait qu'une majorité qualifiée décide de faire payer aux actionnaires les conséquences de leurs erreurs de jeu. Comme le dit Finance Watch, on ne pourra pas éternellement privatiser les gains et collectiviser les pertes.
En termes de mesures de protection de notre économie, Arnaud a contribué à dé-diaboliser cette démarche ; les deux finalistes acceptent de faire un effort de protection, au nom de la réciprocité, de la protection de la planète ou des règles du BIT (protection des travailleurs). Je note toutefois qu'ils n'intègrent pas (pas encore?) l'idée de rapprocher la production de la consommation ; aux États-Unis, au moins dans certains États, les cantines scolaires doivent fournir des produits locaux aux enfants. Il est vrai que Obama est un dangereux socialiste, comme le disent divers Républicains. Mais je remarque aussi une capacité de François à intégrer des mesures qu'il n'a pas inventées tout seul. Je ne pense pas que ce soit une faiblesse, au contraire ; si du moins il n'intègre pas trop de mesures des vautours auxquelles il n'avait pas pensé tout seul ; le lobbying est souvent efficace. Enfin, je confirme la nécessité, comprise par eux, d'avoir quelque-chose à offrir aux autres. Le « juste échange » est-il un concept suffisant ? Les mots ne le disent pas.
Sur le terrain des institutions, tous deux ont insisté sur une vraie indépendance de la justice ; l'Europe considère que les procureurs, dépendant du pouvoir exécutif, ne méritent pas le nom de Magistrats : changeons cela. Le cumul des mandats apparaît parfois aux électeurs comme une question professionnelle des élus qui les concerne peu. Quand on y réfléchit, on voit que c'est un facteur important de renouvellement, d'égalité entre les sexes, de représentation de la diversité, de renforcement de la capacité de nous représenter, de lutte contre le clientélisme. Une petite différence : Martine ne veut pas de cumul des mandats dès les prochaines législatives, François vise la fin 2012 ; l'une veut que les socialistes s'auto-appliquent cette règle sans attendre une loi, l'autre veut la mettre en œuvre après l'avoir votée (ce que le passage à gauche du Sénat permettra si l'Assemblée suit).
Les mots et les choses. Une gauche molle, dure, forte, sectaire ? Martine n'est pas satisfaite par la gauche molle, François veut rassembler et ne veut donc pas de gauche sectaire, le peuple après la droite dure ne veut pas de gauche dure, on se fait presque la bise sur la gauche forte. Les jeux de mots expriment les deux craintes classiques : pas assez fort, trop différent. Des solutions courageuses, inhabituelles, allant contre des intérêts minoritaires en nombre de personnes mais non en nombre d'euros, exigeant des efforts de tous sont nécessaires et acceptables par les personnes de bonne volonté, sur un large spectre d'identification politique sur la ligne gauche – droite. La responsabilité plutôt que la demande irresponsable de toujours plus ? Certes ; cela signifie que même participants au pouvoir économique (comme, dès maintenant, dans une coopérative), les travailleurs peuvent perdre leur travail, l'entreprise peut avoir à lutter pour sa survie et perdre la bataille. Mais pas simplement pour augmenter les profits des actionnaires. Quelle est la « responsabilité » des dirigeants protégés par des parachutes en or massif si ils « plantent » l'entreprise ?
Les règles et les volontés. Il est possible (et nécessaire) d'établir des règles telles que en recherchant son profit personnel, on contribue aussi au bien commun (c'est beaucoup plus douteux sans règles). Mais il est aussi intéressant que des acteurs y compris économiques pensent directement au bien commun. Certes, il ne suffit pas de le dire, et les investissements « responsables » doivent avoir plus qu'un affichage. Mais il reste que des vrais gens veulent le bien commun et parfois s'organisent à cet effet dans le cadre de l’Économie Solidaire et Sociale. Il y a même des cours à HEC sur le thème. Je pense qu'il faut marcher sur deux pattes : établir des règles et faciliter l'émergence des acteurs « responsables », qui pensent aussi au bien commun. Pas des copains, mais de ceux qui le prouvent dans leurs actes. Ce n'est pas le Président de la République le principal acteur dans ce domaine : ce sont les acteurs économiques concernés aux-mêmes.
Pour ma part, je persiste à désirer construire dans les têtes et dans les faits une société post-capitaliste où le pouvoir économique ne soit ni centralisé par l’État ni confisqué par les seuls actionnaires mais partagés par les porteurs d'enjeux : actionnaires, travailleurs, la société globale représentée par l’État ou une autre collectivité, et sans doute les clients ou utilisateurs eux même. Je rêve ? Certes. Mais la participation de l’État à la gouvernance des banques est plus attractive vue comme un pas vers cette société post-capitaliste (ou appelez la comme vous voulez, la marque n'est pas déposée) que vers le retour à je ne sais quel dirigisme étatique ou une parenthèse pour sauver les plus riches. On construit déjà des indicateurs équilibrés de bonne gouvernance. Une autre voie est dans l'économie sociale et solidaire (ESS) et le mouvement coopératif. On ne compte pas sur un homme ou une femme pour changer seul(e) la société ; si possible pour comprendre et faciliter son évolution. Un jour (après ma pomme, sans doute), cela fera rire de lire dans les livres que tout le pouvoir économique était dans les seules mains des actionnaires, j'en suis persuadé. Fin du paragraphe de rêve perso.
« Mais c'est quoi, ce mec (l'auteur de ce message), pour qui il se prend ? Il s'imagine qu'il va changer quelque-chose ? Tout ce qu'on lui demande c'est de choisir un(e) candidat(e) et de lui donner un coup de main ». Bonne question : sommes nous là pour adhérer à un paquet d'idées et projets à peu près cohérents et voter en conséquence ? Oui, mais pas seulement. On peut aussi faire dans une certaine mesure son marché sur le vaste étalage des idées et projets ; bien sûr on ne peut voter que pour un candidat à la fois, notamment aux Présidentielles, et en picorant des idées, on risque un caddie hétéroclite. Si, au hasard, je fais mon marché parmi les idées de plusieurs leaders socialistes, ce ne sera pas si hétéroclite : il y a des convergences importantes, naturelles et organisées par le fonctionnement du PS. Mais il y a plus : le peuple, certaines personnes du peuple, individuellement ou en mouvements : clubs, think-tanks et autres groupes « sociaux », peut aussi élaborer et assembler des idées. Ce n'est pas facile, mais c'est possible et à partir de là, on peut faire bouger les lignes, apporter de nouvelles idées, soit focalisées sur une question précise, soit plus générales. La nouvelle Démocratie que nous voulons promouvoir laisse aussi au peuple – dont font partie petits et grands intellectuels - la possibilité de construire des idées, d'en débattre, et pas seulement d'émettre des youyous (culture arabe), des booh (culture américaine), des grumble-grumble (culture britannique), des cris de joie ou de colère (culture française) ou des applaudissements (culture russe). La voie représentative muette n'est plus la seule forme de démocratie.
Revenons à l'ambiance pendant le débat : même dans une salle partisane, il y avait un (relatif) respect de l'autre, dans la conscience que l'unité se fera dès la semaine prochaine. Il y a aussi une camaraderie du type « supporters de club sportif » et d'authentiques mouvements d'adhésion. Allant à ce meeting, j'ai été agréablement surpris par l'énergie et la capacité d'écoute de François, qui ne tombe pas pour autant dans l'attrape-tout. Mais je suis sûr que j'aurais aussi apprécié un meeting de Martine, que j'ai bien sûr déjà écouté directement, par exemple dans quelques salles du sous-sol de l'Assemblée Nationale. Mercredi soir, j'ai même été brièvement interviewé par je ne sais quelle équipe de télé, sur le thème « quels sont les trois critères importants pour choisir un Président ? » ; à titre de militant anonyme.
Bon alors, pour qui tu votes ? Des tas de gens expliquent pour qui voter ou ne pas voter. De mon coté, j'ai plutôt tenté de vous accompagner dans votre réflexion. C'est vous qui décidez. Si on a fait progresser le débat, si on fait en sorte que le sortant sorte et que son successeur ou la Dame ne nous mettent pas encore plus dans la mouise, on n'aura pas perdu notre temps.

mardi 11 octobre 2011

Réponse à un discours de droite


Bien sûr, il y a des gens de droite honnêtes et honorables, qui pensent que l'économie ne peut fonctionner que par le moteur du désir d'enrichissement personnel et que la gauche est à coté de ses pompes ;  parfois, ils aimeraient un autre candidat de droite que le sortant pour 2012.
Mais il y en a aussi qui cultivent pour eux-mêmes et pour les autres le mépris, la haine, le mensonge à l'égard de la gauche. Ces temps-ci, ils sont souvent ridicules. Mais il émerge aussi un discours qui peut être plus audible, et dont j'estime utile de dire un mot. Voici en substance ce discours d'une partie de l'UMP : « Plusieurs indices, dont le principal est l'émergence d'Arnaud Montebourg comme force significative, montrent que le Parti Socialiste devient, ou au moins risque de devenir excessivement influencé par sa gauche (interne ou externe), voire l'otage de cette gauche extrême. Par exemple, le choix de la démondialisation par Arnaud Montebourg est grotesque et fait exploser de rire tous les étrangers. Cette régression, quand elle n'est pas ridicule, est dangereuse et il faut donc voter pour Nicolas Sarkozy».
Voici ma réponse. Il y a sans doute encore des nostalgiques du Léninisme, mais il faut les chercher avec une loupe. Jean-Luc Mélenchon, par exemple, qui à mon humble avis n'a pas tout compris - mais qui peut le prétendre ? - n'est pas léniniste, et est peut-être même en train d'achever le travail commencé par François Mitterand consistant à vider le PCF non pas de toute substance mais de ses cotés les plus ambigus ou dangereux. Quant à ces personnes qui veulent – ou simplement aimeraient - changer de société ou changer la société, parce qu'elles pensent que nous sommes dans une impasse sociétale et économique, il en a beaucoup, y compris quelques patrons petits ou non, y compris des croyants, y compris des socialistes comme A.M., S.R., M.A. et votre humble serviteur, y compris des paysans en difficulté, y compris des artisans, y compris des ouvriers, y compris des individualistes, y compris des fonctionnaires, y compris des cadres, y compris des employés de banque. Ces personnes sont-elles d'une dangereuse extrême-gauche, par inconscience ou perversité ? Non. Ou plutôt dangereuse, ça dépend pour qui. Ces personnes sont en effet dangereuses pour l'UMP et la finance débridée. Pas pour le peuple, pas pour les classes moyennes, pas pour la France, pas pour l'Europe. Au contraire, elles sont à mon avis un espoir, sinon le seul. Comme je l'ai déjà dit, je refuse que soient renvoyés à l'extrême-gauche ceux qui comme moi constatent la toxicité du pouvoir de la finance internationale et souhaitent une société où tout le pouvoir, y compris économique, ne soit pas confié aux seuls actionnaires. On peut tout à fait par exemple être Gaulliste et penser cela. Mais en reste-t-il plus que de léninistes ?
La stigmatisation de tout ce qui apparaît à gauche de F.H. comme dangereux extrémistes – dangereux par inconscience, jalousie, méchanceté... – a deux aspects : un aspect de fond : ces personnes (genre F. Copé) désignent en effet celles et ceux qui menacent leur pouvoir ; un aspect d'opportunité : agiter le spectre de dangereux irresponsables qui risquent de semer le désordre d'une manière ou d'une autre peut leur faire gagner les élections, espèrent-ils. Nous pensons, nous, pouvoir et devoir pour le moins modérer le désordre des marchés et des dettes.
Est-ce à dire que plus le discours est « de gauche », mieux c'est ? Pas du tout en ce qui me concerne. On connaît historiquement les saisissants contrastes entre discours de gauche et actions concrètes ; ces contrastes ne signifient pas qu'il faut tenir un discours de droite mais qu'il ne suffit pas de tenir un discours de gauche pour mériter notre confiance. On sait aussi qu'une partie des « militants » ne comprend pas l'économie et/ou ne s'en soucie pas. Je pense, pour parler par exemple de notre posture vis à vis de la mondialisation que nous devons nous défendre collectivement, surtout au niveau de l'Europe, contre le dumping social destructeur, rapprocher dans beaucoup de cas les lieux de production des lieux de consommation, diminuer notre consommation d'énergie. Nous devons aussi, bien sûr, renforcer notre effort pour avoir quelque-chose à offrir au Sud, à l'Asie, au reste de l'Europe, aux Amériques. Nous devons aussi nous mobiliser pour améliorer notre productivité, autrement qu'en baissant les salaires. Nous devons nous mobiliser pour que la génération qui vient soit formée, pour inventer, pour produire et même pour vendre et échanger, dans le cadre du juste échange. Pour cela nous avons aussi besoin de P.M.E. qui grandissent, et même de grandes entreprises ; de préférence non soumises à la dictature d'une finance qui veut concentrer ses moyens sur ce qui rapporte 15 % par an, et donc détruire le reste. Cela n'est pas extrémiste : c'est même la seule voie raisonnable, difficile mais porteuse d'espoir et de solutions durables.
Dernière minute fantastique : non, ni François Hollande ni Martine Aubry ne se sont montrés en string à la télé. Après avoir publié le présent message, je lis - comme chaque matin - ce quotidien économique d'extrême gauche nommé "Les Echos" et je vois le gros titre : Comment l'Europe aide la vente d'Airbus chinois (en lui donnant les mêmes aides à l'exportation que les appareils fabriqués en Europe). Et le quotidien de s'interroger sur la pertinence de cette aide. Les Echos se donneraient-ils le "ridicule" de s'interroger sur la mondialisation ?

lundi 10 octobre 2011

à propos de l'usage de ce blog


Les habitués du web ont sans doute remarqué que l'adresse (l'URL en langage technique) affichée lorsque l'on navigue dans le blog reste figée à http://primairesps2012bievres.fr/ ; cela peut être gênant lorsque l'on veut enregistrer ou transmettre à un ami l'adresse spécifique d'une page ; il y a un moyen de contourner ce trait de notre blog : utilisez l'adresse http://primairescitoyennes2012bievres.blogspot.com/ et vous verrez l'URL évoluer classiquement en naviguant d'une page à l'autre.
Où en sont les statistiques ? Il y a ces temps-ci une cinquantaine de pages consultées par jour (sans compter ma propre navigation) ; il y a des pics de consultation d'une bonne dizaine de pages simultanément. Cela est modeste mais non négligeable, et croissant.
Enfin, notons qu'il m'arrive régulièrement d'ajuster une page lorsque je remarque (ou que l'on me fait remarquer) une erreur de forme ou une information manquante. Par exemple, je viens d'ajouter au post sur les résultats du premier tour la somme d'argent collectée à Bièvres pour participer aux frais.
La facilité de recherche "à la Google" dans le blog ne fonctionnait pas comme plusieurs l'ont remarqué : elle fonctionne maintenant, cela peut être pratique pour rechercher où nous débattons d'un thème. 

Du premier au second tour, préférences


Quoique depuis longtemps intéressé par plusieurs aspects de l'action et du discours de S.R. comme de A.M. et même des autres leaders, je me suis bien gardé de me laisser séduire trop vite par un quelconque candidat et ce n'est que la semaine dernière, après une longue réflexion, que j'ai décidé de voter pour Arnaud.
Pourquoi ? Il porte (je n'ai pas dit il portait) à mon sens la plus forte dynamique vers une société de liberté et de justice sociale, non pas idéalisée sur le plan économique mais au contraire réfléchie ; d'abord réservé sur le thème de la démondialisation, au moins en tant que mot et concept central,  ce qu'il en dit en terme de positions concrètes m'est apparu intelligent et modéré. Par ailleurs, je considère qu'il porte comme Martine, mais davantage qu'elle, un authentique projet d'alternative - plus que d'alternance - ; j'estime nécessaire de dépasser le capitalisme sans quitter l'économie de marché, disons simplement en ne donnant pas « le pouvoir » économique sans partage aux actionnaires, mais en construisant une gouvernance plus équilibrée entre les différents porteurs d'enjeu, notamment pour sortir de la dictature des marchés financiers. A ce titre, l'économie sociale et solidaire, le « capitalisme coopératif » sont des voies à renforcer. Une social-démocratie "bloquée" sur ce thème ne m'intéresse guère et je pense que ce "blocage" n'est pas étranger à la déréliction de la gauche vécue par une part du peuple.
Et le second tour ? Je n'ai aucune haine contre François mais considère Martine comme plus accessible aux nécessaires efforts de « nouvelle civilisation », pas seulement sur l'intéressante base du care. A suivre.
Ceci est la photo de ma réflexion aujourd'hui ; j'écoute encore.

Résultats du premier tour à Bièvres, en Essonne et en France


A Bièvres : inscrits 3 491, votants 273, nul 1, exprimés 272 soit 7,79 % des inscrits.
Ont obtenu :
François Hollande : 99 voix soit 36,40 % des suffrages exprimés
Martine Aubry : 80 voix soit 29,41 %
Arnaud Montebourg : 47 voix soit 17,28 %
Manuel Valls : 33 voix soit 12,13 %
Ségolène Royal : 12 voix soit 4,41 %
Jean-Michel Baylet : 1 voix soit 0,37 %.
Ces résultats ne font pas contraste avec les résultats nationaux. A Bièvres comme en France en général, le nombre important de votants exprime une forte mobilisation et un fort désir de changement. A Bièvres, au moins par les rencontres que nous avons faites avec diverses personnes que nous connaissons, nous pouvons affirmer que le spectre des votants a été large, incluant au delà de l'électorat stable des socialistes tant des personnes de centre gauche que des personnes de sensibilité à la gauche du PS.
Il y aura donc un second tour dimanche prochain 16 octobre 2011 entre François Hollande et Martine Aubry. Les candidats non présents au second tour s'exprimeront, naturellement. Toutefois, les votants  choisiront assurément en toute liberté de jugement, et le second tour sera serré : les jeux ne sont pas faits, ce qui a un aspect positif : le vote « utile » étant incertain, chacun votera plus en fonction de son propre jugement qu'en fonction d'une attitude consistant à voler au secours de la victoire.
Nous invitons les votants du premier tour et d'autres électeurs à venir voter dimanche prochain afin d'établir la légitimité de celui ou de celle qui incarnera le changement en 2012. Non seulement pour que le sortant sorte, mais surtout pour donner au futur Président la force de contribuer à résoudre les difficiles problèmes auxquels nous sommes et serons confrontés et de prendre les bonnes options dans notre intérêt  individuel et collectif.
Pour la petite histoire : à Bièvres, l'intendance a suivi, grâce à la coopération efficace d'une douzaine de citoyens concernés ; la Mairie a normalement coopéré à cet évènement citoyen, qu'elle soit remerciée. Le PS avait fait un gros travail pour assurer le bon fonctionnement et la sincérité du scrutin. Tout a bien fonctionné, sauf le dimensionnement du service audiotel censé servir à la centralisation provisoire des résultats, insuffisamment dimensionné. Il a donc fallu s'embouteiller à Evry, mais peu après 22 heures, nous avons pu aller boire un verre offert par Manuel Valls, comme Maire d'Evry. Plus de gravité que de youyous : la situation est modifiée par ce vote et chacun y réfléchit.
La participation aux frais des votants de Bièvres s'est élevée à 402,32 euros, virés ce jour au compte de gestion des frais occasionnés par les primaires.
Voyez les résultats en Essonne sur le site de la fédération 91 et les résultats nationaux sur le site des primaires.

samedi 8 octobre 2011

Energies


On va manquer d'énergie, surtout si ces braves pays émergents continuent à émerger et parce que la production d'hydrocarbures va au mieux stagner. C'est sûr. Suivez par exemple un des sites parlant du peak-oil (pic de production de pétrole, probablement passé). En gros, dans cinquante ans au mieux, plus de pétrole. Le nucléaire ? Il va falloir décroître (supprimer, ce sera difficile, et long quoi que l'on choisisse de faire). Les hydrocarbures « nouveaux » et non conventionnels comme les schistes bitumineux ? Pas très propre. On a encore du gaz pour un moment, merci les Russes.
Il reste les négawatts (l'économie d'énergie ; isoler les maisons, mais aussi moins transporter – tiens, j'ai entendu cela dans la bouche d'Arnaud), la biomasse, les énergies renouvelables (soleil, vent, courants marins). Nous n'aurons pas le choix : la consommation d'énergie par habitant va décroître, les sources vont changer. Mieux vaut y travailler maintenant qu'attendre et subir. Bien sûr il y aura plein d'argent pour expliquer que ce sont des délires d'écolos. Mais ce n'est pas vrai.
Le problème est que si l'on se réveille seulement quand le prix de l'essence aura triplé, il sera trop tard, on aura beaucoup de mal. En tous cas, le libre marché ne s'en sortira pas tout seul.

Dernière (?) note avant le premier tour


Je viens de faire moi-même ce que je suggérais hier à nos lecteurs : (re)lire les positions de plusieurs candidat(e)s sur quelques thèmes importants, en m'appuyant sur le site debats2012. Voici quelques remarques.
Thème : régulation financière.
Arnaud a je pense raison pour l’essentiel de vouloir mettre la finance sous tutelle avant qu’elle ne nous mette complètement sous tutelle. La question difficile est : on ne peut faire cela que si on est prêts à moins emprunter !
L’interdiction des CDS « nus », sans contre-partie, est une évidente nécessité, Arnaud montre là sa compétence.
Quant aux agences de notation, s’il peut être utile de réduire les possibilités de manipulation, il est ridicule d’empêcher les prêteurs d’évaluer la solvabilité des emprunteurs : s’ils ne le font pas ouvertement, ils le feront discrètement.
Je m'étonne de ne rien voir sur ce thème de la part de Manuel.
La séparation des banques d'affaire et des banques de dépôt est une claire nécessité et semble quasi consensuelle entre nos candidats ; est-il exact que F.H. ne l'envisage pas ? De même pour la taxation des transactions financières et la lutte contre les paradis fiscaux, ainsi que l'interdiction des ventes à découvert.
Le plus gros problème est l'horizon des diverses mesures : en disant qu'il doit être mondial, F.H. les renvoie sans doute aux calendes... grecques. Le débat sérieux est entre le niveau national et le niveau européen ; sans doute faut-il jouer « au mieux », habilement, sans s'excuser de ne rien pouvoir faire par la faute des autres ni s'imaginer pouvoir tout faire seuls ; dans la pratique, une part nationale et une part européenne seront incontournables.

Thème : mondialisation.
J'ai peu de commentaires à faire sur l'excellente synthèse de debats2012. Notons simplement qu'au delà des mots, les positions ne divergent pas tant qu'il ne paraît. S.R. n'est pas éloignée de A.M.. La bonne position est assurément de ne pas imaginer qu'une dose de protection européenne va nous dispenser d'efforts de productivité et compétitivité. Mais l'effort de compétitivité ne peut être centré sur la réduction des salaires. L'expression de juste échange, si elle n'est pas un alibi (pipeau) est bien adaptée.

Thème : éducation

La remise en haut de la pile de nos priorités de l'éducation est partagée, par exemple l'annulation de l'incroyable suppression de la formation des enseignants. Le degré de priorité est variable ; François ne lésine pas, en cohérence avec son idée de priorité claire pour la jeunesse.

vendredi 7 octobre 2011

Comparer les candidats thème par thème

Le site des débats construit par Terra-Nova permet de comparer les positions des candidats aux primaires thème par thème. Même si vous savez déjà pour qui vous allez voter, cela peut être intéressant pour les thèmes que vous estimez les plus significatifs ; cela peut confirmer notre jugement, ou... nous étonner.
Oh la la ! C'est fatigant d'être un citoyen informé et qui sait ce qu'il veut.

Une élue de Bièvres dit sa préférence


Merci à Jean-Luc à la fois pour l'animation de notre soirée de mercredi soir et pour ses analyses vis à vis des débats et orientations prises par nos différents candidats.
L'apport de chacun une fois notre candidat désigné me semble déterminant pour continuer. Le travail de terrain nous mènera, je l'espère et je l'attends, à notre victoire en 2012.
Cependant mon choix pour ce premier tour ira sans conteste vers M.A. qui me semble représenter de manière forte, dynamique et crédible, de par son travail précédent, une politique où enfin les personnes qui se retrouvent sur des valeurs de justice sociale peuvent espérer que demain un peu de leurs droits leur sera rendu et qu'ils seront entendus.

jeudi 6 octobre 2011

Bon, finalement, pour qui on vote ?


Ici, je vais tenter de réfléchir tout haut : tout ça c'est bien beau, mais pour qui vais-je voter ? Il ne s'agit pas d'un « come-out » mais bien de finaliser, bon gré – mal gré et pour un temps, une réflexion, qui est pour moi passionnante et ne s'arrête pas ce soir. Vous pouvez lire la page « Histoire et pedigree » pour comprendre d'où je sors et d'où je parle, si vous voulez.
Quelqu'un disait : « nous avons le choix entre un candidat de l'alternance, F.H. et un candidat de l'alternative ». Du coté de l'alternative, je vois M.A. et A.M..
M.V. parle vrai, dont acte, mais son parler vrai revient trop, à mon goût, à se résigner à limiter notre action à ce qui ne dérange pas trop les marchés. S.R. conserve à mes yeux une réelle attractivité, elle a de bonnes idées, un bilan réel sur le terrain, une attitude plus coopérative avec ses pairs (qui, eux, l'ont maltraitée plus qu'à son tour), mais un je ne sais quoi de trop mystique m'éloigne d'elle. J-M B. est aussi utile au débat, son accent terroir me plaît plus qu'il ne me fait sourire, mais je ne le vois pas trop aux commandes.
Il me reste donc à choisir entre François, Martine et Arnaud.
Alternance ou alternative ?
Disons que l'alternance se fait par le mouvement de balancier de la lassitude des peuples, souvent plus par rejet que par adhésion, ou par cette intuition de bon sens que toutes chose égales d'ailleurs, mieux vaut ne pas laisser les gouvernants trop s'incruster, ils pourraient en prendre trop à leur aise. Mais l'alternance n'est pas l'adhésion à un « vrai » changement, tous les sortants menacés vous diront d 'ailleurs qu'elle menace la mise en œuvre complète des bonnes solutions, les leurs, qui étaient le changement, la modernité, il y a quelque temps.
L'alternative, c'est un changement plus systémique, c'est « changer le logiciel », non pas faire plus ou mieux de la même chose, c'est changer de logique. Martine parle d'une nouvelle civilisation, Arnaud parle d'un moment historique où il faut se libérer de la dictature de la finance, François parle de retrouver le rêve français, ce n'est pas le même discours. Bon, tout ça c'est des mots. Pour moi, ce qu'il faut conserver, ce n'est pas nécessairement le capitalisme, mais l'existence de multiples acteurs économiques indépendants, d'entrepreneurs distincts (qui peuvent même être collectifs, c'est à dire plusieurs à décider ensemble), par opposition à un centre de décision soit disant unique, l’État. On ne croit plus dans le dirigisme à la papa, mais en l'existence, en superposition des marchés, de stratèges régulateurs aussi cohérents que possible mais sans doute multiples (Régions, États, Europe) qui donnent des perspectives, des incitations, des bornes. Qui laissent la place au contrat cher à la pensée de droite (de droite honorable), mais ne laissent pas imposer des contrats inégaux, léonins (le contrat du lion avec la gazelle : ne cours pas trop vite, je ne te mangerai que si j'ai faim) ; empêcher de tels contrats se fait entre bailleurs et loueurs de logement, merci à la République. Le droit du travail, ces horribles contraintes (comme le disent les "modernes" libéraux) joue aussi un rôle de ce type.
Bon, je crois vraiment que François est plus du coté de l'alternance, parce qu'il ne semble pas très désireux de contribuer à construire un autre « logiciel ». Pourquoi je préfère l'alternative ? Parce que je crains que l'alternance, n'ait que des effets correcteurs fugitifs, le temps que la phynance ne corrige sa stratégie et que le peuple se fatigue des efforts demandés. Parce que je crois qu'on ne peut faire l'économie de réduire le poids dominant des marchés, parce que je crois que taper sur les agences de cotation est ridicule (en tous cas illusoire), les marchés dérégulés conservant le pouvoir en construiront d'autres plus discrets. L'existence durable d'acteurs économiques indépendants et capables d'initiative n'exige pas que le moteur dominant de leurs décisions soit l'intérêt des seuls actionnaires, comme on veut nous le faire croire. Il est nécessaire de construire des mécanismes où, dans l'esprit de la phrase précédente, on permette et même favorise la mise en œuvre d'acteurs plus responsables, plus équilibrés, plus humains, et ça, ça s'appelle l'alternative.
Donc, exit François de la tête de ma liste de choix. Restent Martine et Arnaud. Bon, zut alors, je les aime tous les deux. Faisons un petit détour.
Un peu plus à droite ou un peu plus à gauche ? Alors là, franchement, ce n'est pas mon problème : je lis « Les Échos » tous les jours et j'ai vu le regard horrifié d'un leader socialiste (une dame) à qui je disais ça. Comprendre le business n'est pas une tare ; être cupide en business (dirigé par un indicateur unique : les dividendes aux actionnaires) en est une. Le « balanced scorecard » (tableau de bord équilibré, cherchez sur Google) est déjà moins primitif. L'ignorance ou le mépris du business n'est pas une vertu. Centrisme ? Oui, au sens où je pense que des personnes de culture centriste, voire d'origine de Droite peuvent comprendre que le libre-échange déréglementé devient aussi dérégulé (fou) parce que les marchés ne sont pas toujours – c'est un euphémisme – efficients, et assurément pas bien régulés pour le ou les peuples. Je pense que nous pouvons dans des domaines importants coopérer même avec des gens à qui la gauche donne des boutons ; sur ce point, Manuel a raison, ainsi que Ségolène ; Arnaud le dit aussi, d'ailleurs. En revanche, penser que le capitalisme est aménageable mais indépassable n'est pas ma tasse de thé. Imaginez-vous que même dans les Échos, il y a des gens qui évoquent un tel dépassement ; il y en a aussi dans des cercles chrétiens, pas seulement du coté de la « théologie de la libération ». Alors les sociaux-démocrates qui sacralisent le capitalisme, et considèrent comme du gauchisme irresponsable de critiquer plus que les excès de la finance, je ne suis pas d'accord, y compris en constatant que la Chine a adopté une sorte de capitalisme. Autrement dit, ce n'est pas mon problème d'apparaître droitier aux uns, gauchiste aux autres : dépasser nos repères anciens n'est pas nécessairement source de pensée chaotique ou incohérente. Lisez Yunus, par exemple, ou Gaëtan Gorce. Si la pensée ne valait que par sa projection sur un axe mono-dimensionnel unique, gauche-droite, ce serait trop facile. Donc : lorsque je compare François, Martine et Arnaud, mon problème n'est pas de les classer sur un axe gauche-droite. Mon problème est d'examiner s'ils apparaissent plus porteurs d'avenir et de progrès social durable.
Martine est ouverte à une vraie alternative, comme le prouve notamment son bouquin « pour changer de civilisation » (voir notre bibliographie) ; elle a fait un bon travail à la tête du PS et en fera encore, là ou ailleurs, j'espère. J'apprécie aussi son travail sur le care (le soin). Mais il me semble que sa proximité avec Dominique (SK) , bien qu'elle ait pris des distances, jette un doute sur sa volonté de lutter vraiment contre les marchés financiers ; peut-être veut-elle seulement lutter contre leurs « excès » ?
Arnaud fait parfois des approximations trop rapides, comme plusieurs notes de la rubrique désintox de Libé l'ont fait remarquer (par exemple sur la mesure de l'insécurité ou la situation de EADS) ; mais je pense que c'est lui qui est le plus porteur de ma conviction : l'existence durable d'acteurs économiques indépendants et capables d'initiative n'exige pas que le moteur dominant de leurs décisions soit l'intérêt des seuls actionnaires.
J'ai voté oui comme Martine et non comme Arnaud au référendum sur la constitution européenne, parce que je pensais qu'il valait mieux donner du pouvoir à l'Europe, même dirigée par des libéraux quasi ultras. Mais je pense maintenant deux choses : Arnaud a raison de dire que nous autres européens sommes les seuls à nous abstenir naïvement de défendre nos forces productives – nos entreprises – et je crois que sa pensée fondamentale n'est pas de conserver une autonomie nationale illusoire ; il vise une Europe capable de décision, il vise de sortir de notre situation de géant économique et nain politique. Il connaît la finance (souvenez-vous de son travail sur les paradis fiscaux). Il est capable de prudence, de tactique, de patience. Il nous ouvre, je crois, la perspective de changer de logiciel. J'estime que ce choix est plus durable qu'un choix plus « modéré » qui ne peut manquer de décevoir à terme.
A moins qu'un ange ne passe dans mon sommeil dans les trois jours qui viennent, je voterai pour Arnaud Montebourg.
Je refuse absolument que mon choix exclue mes amis, mes camarades qui font un autre choix : nous allons nous battre ensemble, non seulement pour que le sortant sorte, mais surtout pour retrouver le progrès solidaire. Je continuerai d'écouter quoi qu'il arrive, et de lire les écrits de plusieurs leaders socialistes. Les bonnes idées ne viendront pas d'un seul endroit. Mais mieux vaut choisir une source que l'on estime plus féconde. J'ai et j'aurai encore des amis qui feront un autre choix (j'en connais même qui voudraient voter Juppé, les pauvres, ils vont devoir attendre, mais ceux là ne sont pas mes amis politiques). Terra-Nova a tenté de proposer une procédure moins centrée sur une personne unique. On n'a pas réussi cela. Peut-être faudra-t-il attendre la sixième République. Dès aujourd'hui, les primaires sont un progrès dans le débat ouvert à tous les citoyens.

Troisième et dernier débat à la télévision


Juste après notre débat biévrois, j'ai assisté au débat des six à la télé.
Une troisième et dernière fois à la télé, nos six candidats se sont exprimés et ont mis en évidence leurs différences, d'une manière qui nous informe utilement de ce qui est consensuel entre eux - entre nous – et de ce qui fait difficulté. Ils ont évité de s'écharper inutilement. Quelques uns ont par moments rêvé de voir un futur conseil des Ministres restreint. Comme disait Le Point sur son site ce matin, le gagnant est le Parti Socialiste.
Comme nous le faisons d'ordinaire, examinons quelques différences.
Chacun constate et déplore la désertification médicale de certaines régions. Face à cela, François propose des mesures incitatives, comme Manuel, alors que Martine, Ségolène et Arnaud proposent de rendre obligatoire un temps d'activité dans ces déserts aux jeunes médecins. Je me permet de penser une fois de plus que l'un n'exclut pas l'autre : rendre obligatoire un service médical à la campagne par des gens à qui la collectivité a payé dix ans d'études n'est pas un scandale, ce qui n'exclut aucunement de les aider pendant cette période. Un effort particulier en direction d'un Hôpital Public bien maltraité sur l'autel de la « bonne gestion » est consensuel.
Au sujet de l'Europe, chacun déplore la confiance excessive de cette institution – et de la majorité des gouvernements – dans l'efficience des marchés. Chacun appelle de ses vœux une gouvernance économique européenne. De là, on retrouve la distinction entre les réalistes qui disent « il faut faire avec Madame Merkel » – et les volontaristes qui disent comme Martine et Arnaud « il faut discuter pied à pied, quitte à se comporter comme Madame Thatcher (pas dans le même sens) et user de toute notre force pour que l'Europe redevienne un facteur de progrès. Personne, et notamment pas Arnaud, ne voit de salut dans un « splendide » isolement français. Je sais bien que cela ne trace pas un boulevard facile, mais il faut certes faire avec le rapport de forces arithmétique et mental actuel mais aussi travailler à le modifier. Pour la première fois, j'entrevois une articulation positive entre ceux qui ont voté oui (dont le suis) et ceux qui ont voté non (dont A.M. est) au référendum constitutionnel : nous devons donner enfin à l'Europe les moyens de décider et d'agir, dans l'intérêt de ses peuples.

à propos de François Hollande


F.H. Est le favori des sondages. J'ignore ce qu'ils valent, ces sondages et propose de ne pas se laisser influencer par eux : notre avenir collectif est trop important. Est-ce à dire que F.H. est trop lisse et trop consensuel ? C'est à voir : ayant lu son principal bouquin dans le contexte des primaires – voyez notre bibliographie -, je pense qu'il est solide et non pas opportuniste au sens d'adapter sa pensée aux calculs de communication : il dit ce qu'il pense et, s'il est élu, il agira en conséquence.
Certes, lorsqu'il indique qu'il ne remet pas en cause le capitalisme, en disant notamment « même les chinois s'y sont ralliés », je trouve cet argument bien faible : les chinois, pas bêtes du tout, n'en sont pas pour autant un modèle économico-politique attractif. Et nous devons, je crois, travailler à « dépasser » le capitalisme. Libé de ce matin rappelle un mot d'Antonio Gramsci : « Il y a crise quand l'ancien monde ne veut pas mourir et que le nouveau monde ne peut pas naître ». Parmi les italiens, je préfère Antonio à Berlu.
F.H. est un « réaliste ». Il pense que nous, les français, ne sommes pas prêts à une coûteuse lutte solitaire contre la finance internationale, et n'a pas une vue claire de son résultat possible ; à vrai dire il pense sans doute qu'une telle lutte aurait pour résultat une victoire de la gauche trop courte (dans la durée). Mais il pense qu'il y a cependant beaucoup de choses utiles à faire ici et maintenant, dans le rapport de forces tel qu'il est. Il n'a pas tort sur ce dernier point et les primaires ont bien montré, je crois, que sur une large part des mesures concrètes à prendre, l'ensemble des socialistes – et des radicaux de gauche – ont un large consensus, qui peut aller bien au delà des sympathisants stables de ces formations.
Un point caractérise la pensée et la stratégie de F.H. : plutôt que d'user à tout propos, voire hors de propos, de l'autorité présidentielle, il convient de laisser une large place à la négociation entre les partenaires sociaux, notamment dans deux domaines importants : les salaires et les retraites. Laisser toute sa place à la société civile, ne pas user de manière excessive et illusoire du pouvoir politique est certes pertinent. Mais peut-on oublier que les négociations inégales entre les détenteurs du pouvoir économique et ceux qui craignent pour la pérennité de leur emploi ne peuvent que difficilement donner lieu au progrès ? Peut-on oublier les « one Euro jobs » (emplois payés un Euro par heure) obtenus en Allemagne par la négociation ? Le pouvoir politique est aussi un moyen de rétablir quelque équilibre dans la capacité de négociation de ceux qui n'ont que leur travail pour vivre. Se débarrasser de certaines questions en confiant la réponse au Contrat issu de la négociation entre partenaires sociaux n'est pas la voie royale pour les résoudre.
Sa priorité à la jeunesse est sincère : il est stupide de penser qu'il souhaite généraliser à tous les domaines le coup de pouce budgétaire qu'il propose pour l'éducation.
Prétendre qu'il est inexpérimenté parce qu'il n'a pas été Ministre est un bien faible argument : il a pris part à bien des décisions, même si ce n'est pas comme Ministre. Qu'il ait un coté "neuf" n'est pas un handicap. Ceci dit, sa gestion du secrétariat du Parti Socialiste apparaît à beaucoup, dont l'auteur de ces lignes, moins convaincante que celle de M.A..
F.H. est honnête, jusqu'à preuve du contraire – pratiquons au moins le crédit d'intention - intelligent (de beaucoup de choses, pas de tout), et il cherche vraiment à redynamiser « le rêve français » plutôt qu'à le brader. Si nous, les votants aux primaires citoyennes, le choisissons, nous travaillerons avec lui.
Petite note personnelle ; une de mes soeurs vit (depuis dix ans) en Corrèze, venant plutôt d'une culture versaillaise. Elle témoigne de la réalité et de l'intérêt de l'action en Corrèze de F.H. en faveur de la jeunesse.

Notre réunion publique du mercredi 5 octobre


Le premier quart d'heure a été dédié à la description précise de la procédure de vote aux primaires ; après avoir vérifié son inscription soit sur les listes électorales classiques soit sur une (très courte) liste complémentaire de jeunes ou d'étrangers proches du PS et pré-inscrits avant le 13 juillet, payé au moins un Euro pour participer aux frais, signé la déclaration d'orientation générale (voir notre page « comment ça marche »), pris plusieurs bulletins de vote, être passé dans l'isoloir, avoir déposé son enveloppe dans l'urne, les personnes seront invitées à laisser leurs coordonnées si elles souhaitent recevoir des informations ou invitations pendant la campagne électorale des présidentielles. Cette inscription est bien sûr une option librement consentie et ne constitue pas un comité de soutien : elle n'est pas publiée.
L'heure qui suit a été partagée entre un exposé – de votre serviteur – et un débat. J'ai exprimé que notre effort dans cette campagne et notamment dans ce blog n'était pas de s'amuser d'une épuisante course de chevaux, ni de chanter les louanges de notre préféré(e) et de dire des vacheries sur les autres, mais d'identifier les questions auxquelles une réponse collective est donnée et celles où des différences s'expriment, le plus souvent pour constater que ce sont des questions difficiles au sujet desquelles nous nous grattons la tête nous-même, et auxquelles au delà des réponses attendues, apparaissent des réponses créatives et intéressantes.
Le débat n'était pas du type questions-réponses, mais les libres interventions des participants. Une personne – loin d'être isolée – désire et espère des médias, notamment une télévision moins orientée sur les jeux télévisés (qui est le ou la meilleur-e ?, de qui faut-il se gausser ?), plus intéressante, comme un bénéfice désiré de la possible victoire de la gauche en 2012. J'ai répondu timidement qu'en cherchant un peu, on trouvait dès maintenant sans problème des médias intéressants, qu'on n'était pas obligés de tomber dans la trappe « panem et circenses ». Je dois toutefois reconnaître que la difficulté de créer une télé moins « pub et divertissement », plus orientés vers l'exploration des solutions aux nombreux problèmes auxquels nous autres êtres humains sommes confrontés, a peu été abordée dans nos réflexions. Comme personne ne regarderait une chaîne de commissaires politiques et que les médias, comme le reste, sont aussi largement dominés par la phynance, la réponse à cette bonne question ne semble pouvoir venir que de bons professionnels ou de libres collectifs de citoyens, de chercheurs, de personnes cultivées pas nécessairement constipées qui ont envie de partager leurs craintes, leurs désirs et leurs découvertes. Est-ce là davantage le programme de la littérature que celui de la télévision ?
On a aussi remarqué que nous n'avions pas nécessairement besoin d'un super charisme, mais plutôt d'une personne capable de comprendre, notamment en écoutant les autres, et de coordonner une politique de progrès cohérente, qui n'ira pas sans lutte ni difficulté. Le pouvoir personnel ne garantit pas la cohérence.
J'ai persisté à inviter à continuer à réfléchir, que nous ayons déjà choisi notre candidat(e) préféré(e) on non : dans les deux cas, et même quel que soit l'élu-e in fine, il restera légitime et nécessaire de continuer à pousser la roue dans le bon sens, celui de la création et de la solidarité.
Enfin, vers 20:15, nous nous sommes dispersés pour aller écouter le troisième débat télé.
Finalement, cette heure inhabituelle de 19:00 pour une réunion publique n'a pas été si malcommode ; l'audience a été significative et intéressée-intéressante.

mardi 4 octobre 2011

Arnaud Montebourg, dimanche 2 octobre


J'ai pris part dimanche 2 octobre au meeting de A.M. dans le 12° arrondissement de Paris, écouté avec soin, acheté puis lu le petit livre « votez pour la démondialisation » (deux euros, quatre vingt six pages). Comme je l'ai déjà dit, j'avais des sentiments mélangés : il a du souffle, le bourguignon, mais mettre la démondialisation au premier plan...
Je résume : plusieurs fois dans l'histoire, le peuple français a du se mobiliser pour prendre ou reprendre la main face à un pouvoir illégitime : l'aristocratie (1789), l'Eglise (1905) entre autres. Nous somme maintenant face à une situation de ce type : la finance internationale dérégulée et hypertrophiée, gonflée du décalage durable entre la stagnation du niveau de vie des peuples et la croissance à deux chiffres de leurs profits, la finance internationale, donc, a pris l'essentiel du pouvoir, au détriment des pouvoirs politiques élus ; nous devons et nous pouvons reprendre la main. Cette reconquête exige un certain protectionnisme au niveau de l'Europe, contre le dumping social et le dumping environnemental, dont nous avons déjà en partie les moyens, lesquels doivent être étendus. Dans la foulée, reconstruisons une Europe moins dépendante, réindustrialisée, démocratique et capable de prendre ses décisions sans marchandages médiocres et interminables, reprenons une juste place dans le monde, par l'échange juste, où chaque partenaire gagne. Sortons d'une logique de libre échange où les acquis sociaux européens régressent rapidement tandis que les peuples du sud sont confinés dans un quasi-esclavage, sortons d'une logique incapable de faire face aux limites de la planète. Pour cela, il faudra se retrousser les manches, comme la génération de l'après guerre l'a fait ; ça va peut-être pour un temps être aussi dur que de passer complètement sous la loi des marchés dérégulés et dominés par la finance, mais on construira une société plus libre de ses mouvements, notamment donnant plus de place au capitalisme coopératif, on saura pourquoi on en bave, on retrouvera le progrès, une meilleure vie pour nos enfants.
D'une certaine façon, il dit comme Manuel Valls, plus nettement que ceux qu'il appelle « les fils jumeaux de Jacques Delors », que ça va être dur ; mais il n'a pas la même vision de la manière de s'en sortir que M.V..
La différence avec F.H. et A.M., c'est à mon sens l'acceptation d'un affrontement plus direct avec la finance internationale, affrontement vu comme inévitable ; il ne s'agit pas de les suspendre à la lanterne, mais de cesser de dépendre d'eux. J'ai du respect pour Jacques Delors ; mais les compromis historiques qu'il a passé ne fonctionnent plus beaucoup. A.M. est-il plus à gauche ? Trop à gauche pour gagner, trop à gauche pour beaucoup d'entre nous ? Je n'en suis pas sûr : bien des cadres, bien des paysans, bien des dirigeants de PME se retrouvent au moins dans le diagnostic. Sans parler de la part du peuple travailleur qui ne croit plus dans la gauche. C'est plus vigoureux en quelque sorte ; à chacun de voir.

samedi 1 octobre 2011

Le second débat télé

J'ai raté le début. Dans ce que j'ai entendu, j'ai surtout noté deux questions.
Première question : que penser de la proposition de contrat entre les générations de François Hollande : exonérer pour trois ans de charges sociales les entreprises qui embauchent un jeune en CDI et ne débauchent pas un senior, le second étant utilisé pour former le premier ?
On voit les intentions, les avantages : sortir une part de la jeunesse d'impasses professionnelles aux conséquences parfois difficilement réversibles, donner une réalité à l'emploi des seniors : si on continue à les pousser dehors à cinquante cinq ans, à quoi bon rallonger les durées de cotisation ? (la triste réponse est : à réduire leurs droits).
Martine Aubry a dit « je n'y crois pas ». Plusieurs ont souligné l'intérêt des formations en alternance (où l'Allemagne, encore elle, excelle). F.H. a dit si j'ai bien compris qu'il se félicitait qu'il y a ait plusieurs bonnes idées  et « on va réfléchir ensemble » ; ça me semble plus intéressant que de dire « le chef décidera ». Mais allons un peu plus loin : comment Martine justifie-t-elle son scepticisme ? Elle dit « cela constituera un effet d'aubaine ».
C'est quoi, un effet d'aubaine ? C'est la situation où des règles sont établies pour bien faire et vidées des effets positifs attendus par détournement des ressources affectées. Prenons par exemple l'idée « plafonner les haut salaires », voire les hauts revenus venant de l'entreprise, à un certain nombre de fois les bas salaires. Interviennent alors la quantité et la qualité adéquate d'experts et autres conseils qui vont chercher comment tourner à notre avantage, à l'avantage de nos clients, cette fâcheuse mesure ? Réponse : externalisons davantage les activités à bas salaires. Cela diminuera nos coûts et nous permettra d'avoir de bons revenus, puisque on les comparera à des salaires minima plus élevés. La réponse est facile, ici, bien que tous ne l'aient pas encore compris.
Les vrais libéraux en concluent qu'il ne sert à rien de donner des règles qui seront contournées, vidées de leur substance, voire contre-productives. Laissons faire le marché ; si des dirigeants ou des traders sont payés plusieurs centaines de millions par an, ils le méritent (le marché, Dieu ou les deux l'ont ainsi voulu).
En ce qui concerne l'effort – souvent couronné de succès – des grandes entreprises pour transformer en aubaine une mesure dont ce n'était pas l'objet, notons plusieurs choses : les PME ayant moins accès au conseil savent moins bien en profiter. L'autre point est que ce que j'en dis n'est pas le fruit d'imagination : je connais ou ai connu, directement ou par des circuits très courts et privés, tant le coté des dirigeants de grandes entreprises que celui du conseil ; ça se passe comme je dis ; souvent.
Devons-nous dire que Martine a raison et qu'il vaut mieux utiliser d'autres voies pour faciliter l'emploi des jeunes et des seniors, ou que l'idée de François reste bonne ? Posée comme le choix entre deux solutions, la question n'est pas pertinente. La bonne démarche n'exige pas d'encenser l'un et de disqualifier l'autre ; si l'on veut mettre en œuvre l'idée du contrat de génération en minimisant le risque d'effet d'aubaine contre-productif, il faut s'assurer de trois conditions :
  1. le senior conservé est vraiment menacé d'un « package » de départ (par exemple, on peut effectivement exhiber une proposition de départ mieux compensée que ce qu'indique la convention collective),
  2. le jeune embauché n'est pas éloigné mais en dessous du seuil d'utilisabilité immédiate (par exemple, il lui manque au moins six mois de formation),
  3. le senior passe vraiment un temps significatif à former ou accompagner le jeune.
Ainsi l'aveugle et le paralytique – toutes proportions gardées - chemineront vraiment ensemble pour un temps : ce ne sera pas une simple manipulation d'indicateurs. Si on ne parvient pas à vérifier ces trois conditions sans créer une usine à gaz ou des commissaires politiques, alors, il faut abandonner cette idée. La délibération est supérieure à l'arbitrage par exclusion. Il convient aussi d'écouter les acteurs du lobbying, notamment pour identifier les voies des possibles effets d'aubaine et les barrer autant que possible.
Mais comment se fait-il que Martine ait soulevé cette question, et non François ? Voici plusieurs propositions de réponse : M.A. a été dirigeant d'entreprise, alors que F.H. en a surtout entendu causer. M.A. a été confrontée aux travaux créatifs pour vider les trente cinq heures de leur contenu (ceci sans préjuger du degré de pertinence de cette mesure, alors et maintenant).
Mais il est pourtant intelligent, F.H. ! Disons qu'il y a deux sortes d'intelligence :
  • l'intelligence potentielle : je peux comprendre (au prix de temps, de travail, d'informations complémentaires ; formation, réflexion, expérience),
  • l'intelligence actuelle : je comprends.
La première s'applique à un espace plus vaste que la seconde ; en sorte que lorsqu'on me dit que quelqu'un est intelligent, je me demande souvent « il comprend quoi, au juste ? ». Personne ne comprend tout (au sens de l'intelligence actuelle), mais on peut comprendre tout ce qui est intelligible (intelligence potentielle) ; certains comprennent surtout comment acquérir ou conserver « le » pouvoir, moins bien comment résoudre les problèmes. Cette réflexion n'est pas une allusion perfide : elle nous indique simplement que la séduction qu'opère un(e) candidat(e) n'est pas le meilleur guide pour le choisir ; la bonne question étant sa capacité à résoudre les problèmes et à prendre les bonnes décisions, à les faire comprendre et approuver aussi.
A mon humble avis, une personne en charge de décisions importantes doit être « intelligente », c'est à dire comprendre déjà pas mal de choses, mais aussi savoir qu'elle a besoin des autres pour étendre ce qu'elle comprend. Non seulement être conseillé, mais aussi délibérer. La décision, que ce soit par arbitrage du « décideur » ou par vote intervient après. Parfois il faut faire vite, trop vite pour avoir le temps de tout comprendre. On appelle cela « décider en situation d'information incomplète » ; c'est lorsque on ne peut éviter ces situations – généralement en situation de guerre d'une sorte ou d'une autre - qu'un arbitre est nécessaire ; encore faut-il qu'il ne s'illusionne pas sur le caractère magique ou divin de son inspiration et travaille pour intégrer le plus possible de connaissances utiles : factuelles, de raisonnement, d'articulation des objectifs et des risques.
Prenons comme hypothèse que Martine et François ont la même intelligence potentielle, et la même (bonne) volonté. Du coté des entreprises et de l'impact social de leur fonctionnement, M.A. est plus expérimentée et a donc probablement une meilleure intelligence actuelle : par exemple, elle identifie mieux les possibles effets d'aubaine ; mais François sait écouter et ajuster.

Seconde question : revenons aux questions d'éthique, dans le contexte où le pouvoir actuel est, au moins en partie, l'objet d'attention soutenue concernant certaines de ses pratiques, notamment financières, et où tous les socialos ne sont pas au dessus de tout soupçon.
Arnaud Montebourg et Ségolène Royal insistent sur la nécessaire sévérité contre toute forme de corruption : les élus doivent être exemplaires, faute de quoi ils font du mal directement, mais aussi en décrédibilisant leurs pairs. On parle d'inéligibilité à vie lorsque les infractions sont susceptibles de peines de privation de liberté (également connue sous le nom de prison). Jean-Michel Baylet a dit en substance « Doucement, vous êtes vraiment pour des peines éternelles et irréversibles ? ».
Disons d'abord ce qui semble parfaitement clair, quoique trop souvent ignoré : les fautes des uns ne justifient en rien celles des autres. Tout argument du type « il n'a rien à dire, celui-là, il a aussi commis des abus » est nul et non avenu. Au passage, j'ai en conséquence la plus grande méfiance pour la loi du talion (il m'a crevé un œil, donc j'ai le droit de lui en crever un). Cette logique là est une logique de bandes primitives.
Arnaud a dit, avec raison, qu'il peut y avoir, et qu'il y a effectivement des pourris partout. Il dit aussi qu'il faut faire le ménage. Il reproche à Martine d'avoir toléré des pratiques inacceptables à Marseille. A quoi celle-ci répond « quand la justice s'en mêle, je n'interfère pas et respecte la présomption d'innocence ; quand la justice n'est pas dans le le paysage, il m'arrive d'intervenir pour mettre de l'ordre, et même de faire appel à la justice ». Que penser de cette discussion ? Je vais réfléchir tout haut avec vous.
En ce qui concerne les peines de mort politiques (inéligibilité à vie), je constate que « les électeurs » ont trop souvent la mémoire courte, voire une indulgence étonnante ; je pense par exemple à Serge Dassault, convaincu par la Justice d'acheter des voix et cependant réélu Sénateur à Corbeil- Essonnes. Est-ce dans la logique « tous pourris, donc autant en choisir un qui nous paie ? ». Je ne sais, mais cela suggère des peines d'inéligibilité plus longues. De là à pratiquer le tout ou rien, l 'éponge ou la mort, je ne suis pas d'accord ; en matière de sécurité, il y a maintenant consensus chez les socialistes pour ne rien laisser passer, même les incivilités, mais aussi pour proportionner les peines aux délits, c'est d'ailleurs un principe général du droit, et éviter les peines criminogènes (séjour en prison au contact de grands criminels servant de modèles ou de futurs employeurs). Ne rien dire ou rendre inéligible à vie aboutirait inexorablement tantôt à passer l'éponge alors qu'il y a faute, tantôt à liquider définitivement un homme qui a pu s'amender. Sommes-nous sûrs que Alain Juppé devait être exclu pour toujours de la vie politique ? On peut s'interroger.
En fait, je propose l'idée suivante, et d'en tirer toutes les conséquences : devant une situation où il peut abuser impunément de son pouvoir, il y a toujours une fractions des gens, ou des cas pour les mêmes personnes, où un abus est commis. Il faut donc minimiser les telles opportunités. Ceci quels que soient les choix politiques des personnes.
Prenons quelques exemples :
  • en cherchant des champignons, je trouve une jolie fille bâillonnée et attachée à un arbre ;
  • en perquisitionnant chez un suspect, je trouve des objets probablement volés mais non répertoriés ;
  • ma secrétaire est mère célibataire et prête à presque tout pour conserver son job ;
  • dans les à cotés de tel appel d'offres, une semaine au soleil est suggérée (ou quelques dizaines de millions d'euros) ;
  • on exige un coupable et j'ai le choix entre un qui peut se défendre, l'autre beaucoup moins ;
  • je peux acheter un produit financier « structuré » dont je sais qu'il est toxique, mais je peux y gagner ;
  • je peux subventionner une association qui peut me renvoyer l'ascenseur en termes de votes ou une autre, qui est sans doute pour longtemps dans l'opposition.
Chacun peut allonger cette liste. Face à ces situations, certains feront un choix avouable, d'autres en feront un inavouable ou cynique.
Il faut donc minimiser ces questions délicates, notamment par la transparence (l'absence de zones cachées). Bien sûr la confidentialité est parfois nécessaire. Mais l'angélisme (ignorer que face à la tentation d'obtenir sans risque un avantage grâce à son pouvoir, une part des responsables seront corrompus) est coupable. Il y a une inspection générale des services (police des polices). Il faut développer les moyens de contrôler les hommes politiques, élus et nommés. Surtout dans les têtes, les leurs et celles de leurs proches. Et bien sûr, les contrôleurs peuvent abuser de leur pouvoir, par exemple s'ils contrôlent des magistrats. Question difficile mais inévitable, où la maturité ou la dérive des institutions et des pratiques se révèlent. Plus le pouvoir est personnel et au dessus de tout contrôle, plus le risque est grand. Les candidats aux primaires disent vouloir réviser ou supprimer l'immunité présidentielle, pour les questions extérieures à l'exercice de la fonction. A suivre.
On pourrait parler d'autres questions ; qu'est-ce que ça prouve, tout ce baratin ? Écoutant France-Info, j'entends un journaliste (mérite-t-il ce nom?) demander « Qui a gagné le deuxième débat des primaires ? ». Sans doute voit-il les primaires comme un reality-show où il faut identifier le plus rigolo ou la plus sexy. La lecture que je propose de ces débats est différente : quelles questions entendons-nous, qu'en pensons-nous nous-même ? Un peu plus tard, on écoutera aussi les réponses d'autres candidats que ceux de la gauche ; s'ils sont concernés par ces questions, bien sûr. « Qui a gagné » n'est pas la bonne question.
La réflexion sur ces questions, sur les réponses proposées par les candidats aux primaires peut orienter notre vote, doit orienter notre vote. Cette réflexion est aussi un apprentissage : il faudra persister après les primaires et même après l'élection à identifier les bonnes questions, les réponses les plus adéquates, et trouver le canal pour pousser la roue dans le bon sens. Il n'y en a pas tellement, de ces canaux ; pour une fois qu'on en tient un avec les primaires, profitons en. Ce n'est pas seulement une enquête marketing où il faut cocher des cases. Il faudra ensuite, quel que soit l'élu, que ce soit notre préféré(e) ou même l'improbable sortant, pousser et aider les décideurs dans le bon sens ; ce sera plus fécond si ils essaient déjà eux-même de réfléchir sainement aux questions difficiles. Les gens de droite auront un peu de mal, risquant d'avoir des difficultés à se poser ouvertement la question du moins mauvais candidat. Bon courage à eux aussi.
Les débats des primaires citoyennes posent de bonnes questions et donnent même souvent de bonnes réponses.