Nous vous souhaitons une bonne année 2012. Pour chacune et chacun d'entre vous en tant que personne. Nous ne sommes pas d'abord des homo-economicus ni des homo-politicus, mais bien des personnes qui ont des corps à qui nous souhaitons une bonne santé, des personnes qui ont des émotions à qui nous souhaitons la paix mais aussi la réalisation de leurs désirs, le développement de relations humaines riches avec quelques autres bipèdes. Nous vous souhaitons, à vrai dire nous souhaitons aussi pour nous-même, d'échapper à quelques dominations : celle du corps et même du cerveau par la maladie, le stress, celle de notre temps « libre » par l'idéologie du divertissement – surtout, ne pas penser à la réalité - , celle du porte-monnaie par les prix qui montent et les revenus qui hésitent (ou n'hésitent pas), celle du temps de travail qui n'est plus là pour faire ce que nous voulons voir fait mais pour enrichir des financiers, celle du temps reconquis qui nous est reproché, celle des besoins qui nous sont indiqués, celle de la fête dégradée en vacarme, celle du sucré sans sucre, du sexe sans amour, du gras sans graisse, de l'écologie-peinture, de la solidarité-façade, de l'identité qui rejette, de la ceinture pour les uns.
On ne fera pas le paradis terrestre cette année, ni la suivante. Mais on peut faire quelques pas vers la liberté de vivre chacun ce qu'il veut réaliser, dans le respect de l'autre, souvent avec lui ; avec elle. Cela dépend un peu de notre prochain Président de la République, de notre prochaine Député ; vraiment. Cela dépend aussi des « marchés » qui ont le pouvoir, plus que nos élus, qu'ils soient agités ou normaux. Mais cela dépend surtout de nous, chacune et chacun, séparément et ensemble. Nous souhaitons passer à une cohabitation entre les marchés anonymes, des représentants politiques qui nous représentent et le retour de « nous », le peuple, sans grand P, qui prenions le pouvoir de comprendre, de rêver, de décider, de faire ; sans commissaires politiques, sans grand communicateur, sans le comique de répétition des sauveurs de l'Europe. Vaste programme. Bonne année 2012.
Ecologie
Un peu avant Noël, je suis allé à une réunion publique à Chaville – pourquoi pas – organisée par EELV autour du thème « sortir du nucléaire ». Il y avait une élue du Conseil Régional, intelligente, un vieil ingénieur amoureux de l'électricité, un probable trotskyste suggérant de ne plus causer aux traîtres à la classe ouvrière, quelques militants honnêtement convaincus de l'intérêt des énergies renouvelables, une ménagère inquiète de l'insuffisance de sa bonne volonté, un socialiste avoué (votre serviteur), pas mal de silencieux, intéressés.
Je résume. L'oratrice nous a expliqué comment la comparaison du coût de l'énergie nucléaire avec l'énergie renouvelable était biaisée par l'impasse sur le coût d'une nouvelle génération de centrales nucléaires (les nôtres vieillissent) ; elle n'avait pas tort, je crois. L'ingénieur a dit que rien de beau – lumière, chaleur, IPAD – sans énergie électrique. Ricanements tragiques. L'oratrice nous a expliqué que le conseil régional avait à peu près trouvé la solution pour rénover l'habitat collectif ancien malgré l'indifférence des propriétaires aux coûts de chauffage supportés par les locataires. Très intéressant. Je leur ai dit que je ne partageais pas leur focalisation contre le nucléaire : le kérozène non taxé, les combustibles fossiles pleins de CO2, l'économie du gaspillage, de l'obsolescence programmée me paraissant plus toxiques. Mais j'aime les négawatts (économie d'énergie), vraie direction de survie. Des murmures d'approbation ont été émis. Un homme a déploré l'affadissement de l'idéal écolo par les compromis avec l'homme normal quoique socialiste. La Dame a expliqué que ce n'est pas parce qu'on n'est pas d'accord sur tout qu'il ne faut pas discuter, voire faire des compromis et s'allier. Elle a expliqué qu'elle n'était ni collectiviste ni socialiste, que l'appartenance à l'Etat ne garantissait pas la vertu, suivez mon regard vers AREVA.
J'ai pensé, mais je n'ai pas dit parce qu'il était tard, que la Dame ne voyait peut-être pas clairement que le gaspillage, la croissance (des bénéfices des marchés) était programmée par des financiers soucieux de la communication verte mais pas d'une nouvelle économie d'abondance frugale et solidaire. On peut être socialiste et fier des fumées d'usine, écolo et inconscient du pouvoir des marchés. On peut aussi comprendre que la croissance exigée par « les marchés » nous envoie dans le mur, qu'il convient de faire croître des choses et décroître d'autres. Bref on peut vouloir une société juste et durable. Mais il faut pour cela être intelligents et forts. Difficile. Continuons.
Nicolas Sarkozy
Comme vous avez compris si vous me lisez de temps en temps, ce n'est pas vraiment mon truc de dire du mal de cet homme. Il a passé sa vie à faire de grands efforts pour rejoindre le cercle des riches, grâce à Neuilly sur Seine, il a réussi, chapeau. C'est d'eux qu'il est solidaire, bien sûr. Il comprend qu'il faut faire quelque-chose pour le populo, pas seulement des simagrées. Quand il veut introduire la Taxe Tobin, il faut la voter, même si c'est en partie une manœuvre et si la bonne solution est à une échelle plus vaste. Bien sûr les Brits défendent la City.
Mais N.S. est surtout un manœuvrier, presque un contorsionniste. Ses contradictions sont époustouflantes. Voyez à ce sujet l'
abécédaire.
Ses efforts avec Madame Merkel pour sauver l'Euro et l'Europe tous les quinze jours relèvent du comique de répétition. Ils cherchent surtout chacun à faire durer une Europe dominée par les marchés et dirigée par les (petits, moyens et grands) chefs nationaux, en tâchant d'atténuer la souffrance des peuples, mais surtout à expliquer qu'elle est inévitable et que ce n'est pas de leur faute ; mieux, que eux seuls peuvent nous protéger. Savez-vous que l'espérance de vie des pauvres a baissé en Allemagne depuis dix ans ? Le beau modèle en vérité ! Mieux vaudrait une Europe « vraiment » démocratique et dirigée par des élus européens, c'est bien sûr possible, mais pas au bénéfice du syndicat des chefs d'Etat et de gouvernement. Hélas, les syndicats, même patronaux, ne sont pas toujours au service de l'intérêt général.
Ses efforts pour expliquer que les 35 heures sont coupables de presque tous nos ennuis et pour sauver les banques sont pathétiques. Cet homme sera encore écouté et nous aussi devons l'écouter ; pour décrypter et comprendre qu'une autre voie est possible et préférable.
François Hollande
F.H. Nous a écrit une
lettre ; par « nous » je veux dire à une large part de ceux qui ont pris part aux primaires, et à travers le journal Libération. Elle est claire, mesurée, volontaire. Je vous invite à la lire avec attention, sans abandonner votre esprit critique et sans procès d'intention. Le diagnostic est clair, le discours n'est pas démagogique, la direction proposée est claire, elle aussi. Les élections seront sans doute un moment difficile ; mais le plus difficile sera la reconquête d'un avenir et su pouvoir maintenant abusivement conquis par « les marchés ». Ce ne sera pas seulement - pas surtout - le boulot d'un homme, mais aussi des autres élus, de hauts et petits fonctionnaires, des citoyens que nous sommes, agents économiques aussi.
Seafrance
Il se trouve que je suis ce dossier d'assez près, pas seulement par les médias. Faire une SCOP est excellent. Essayer d'en faire une avec des dirigeants peu crédibles (en compétence et en comportement) peut faire plus de mal que de bien à l'idée même de SCOP et aux autres SCOPs, sans parler des marins concernés. Et il faut des sous. Vous avez essayé de trouver un site Internet d'où participer à l'effort ? Introuvable. Tenter d'extirper de l'argent public, pourquoi pas, mais certainement pas pour un groupe lâché par la CFDT aux niveaux supérieurs. Chacun sait qu'il y a des syndicats peu honorables ; ils font du tort à l'idée et à la réalité de ceux qui s'organisent pour défendre les salariés. C'est si facile d'en renforcer l'idée du « tous pourris ». Pas de lynchage, cependant. Restent les marins et les officiers, pas tous pourris, bien sûr. Il faut trouver des solutions, globales ou par morceaux.
Elections Législatives
Le PS a choisi son candidat pour les législatives de juin. C'est
Maud Olivier, Maire des Ulis. Je la connais, j'ai confiance en elle, je la soutiens et la soutiendrai, pas seulement par la COM, aussi en travaillant avec elle sur quelques dossiers. Son travail aux Ulis est remarquable. Il est intéressant de lire son site
http://www.maud-olivier.fr/ Ses valeurs sont solides, son intelligence s'étend à beaucoup de nos problèmes. Elle n'a pas de recette pour sauver le monde toute seule, mais elle sait dans quelles directions travailler. La soutenir n'est pas perdre son temps.
La voie de l'espérance
Je ne crois plus au Père Noël, et pas seulement parce que je suis sexagénaire. J'ai travaillé en Union Soviétique. J'ai vu que les révolutionnaires iraniens étaient pires que le Shah, que les khmers se battant contre les américains, du moins ceux qui les ont dirigés, étaient des tortionnaires. Je vois aussi que les sociaux-démocrates sont assez secs sur la société qu'ils veulent in fine : restons dans le capitalisme comme un moindre mal, modérons le et humanisons le ; mais ils (nous) ont fait de trop beaux cadeaux aux marchés ; peu de « vision ». Les gens « plus à gauche » n'ont pas tout compris non plus (culture du chef, peu de travail sur la démocratie, silence ambigu sur la notion de révolution) ; je cause de temps en temps des écolos. Les centristes croient un peu trop au Père Noël équilibré ou équilibriste, on en reparlera. La bonne vielle Droite peut se contorsionner, il n'y a pas grand chose à attendre d'elle : c'est plus facile de stigmatiser l'arabe du coin que le lointain financier. Alors, mec, on désespère ? Non. Des gens comme Maud Olivier font un excellent travail local et ce n'est pas si facile. Et puis j'ai lu récemment un petit bouquin que je vous recommande. Les auteurs sont Stéphane Hessel et Edgar Morin ; le titre est « Le chemin de l'espérance » ; ça coûte moins de cinq euros et est disponible en livre électronique par exemple chez Amazon.
Pourquoi cela ouvre-t-il un vrai chemin ? On connaît Stéphane Hessel notamment par son opuscule sur les indignés. Edgar Morin est caractérisé par le fait qu'il assume une pensée complexe. Cela ne veut pas dire incompréhensible. Cela signifie que la réduction à des schémas simplistes – croissance ou non, capitalisme ou non, écologie ou non, mondialisation ou non – nous fait perdre notre temps et passer à coté des chemins praticables. Il faut croître et décroître, mondialiser et démondialiser. Est-ce à dire d'autres contorsions et un extrême centre incohérent ? Non. Le diagnostic est clair ; la dictature des marchés est là et elle est insupportable. La gauche n'a pas reconstruit une vision claire de l'avenir, elle doit le faire. La révolution à la Lénine n'est pas la solution. On propose dans ce petit livre une métamorphose, avec des éléments de programme pour maintenant et aussi pour demain, avec une stratégie générale : « envelopper » le capitaliste, le modérer et le réguler par la démocratie (le pouvoir de tous), construire les alternatives – une société plurielle et non totalitaire – par l'économie sociale et solidaire et d'autres voies nouvelles, dépasser le capitalisme. Ce n'est pas une pommade.
Certains lecteurs y voient des idées trop générales. J'y vois la bonne direction. Il ne s'agit pas d'un nouveau parti, mais de gens qui réfléchissent ; dans la désordre économique et parfois mental où nous sommes, ce n'est pas du luxe. Cela n'ouvre pas une voie facile, bien sûr. Nous devons écouter, réfléchir et travailler, pas seulement nous rallier.
Conclusion de ce long « post » : mes excuses pour un long silence. Il y a place ici pour d'autres expressions ; proposez.
Jean-Luc Escudié