mercredi 22 février 2012

Islam

Comme bien d'autres citoyens – peut-être même certains d'origine musulmane – l'islam est encore pour moi un mystère et pose questions, compte tenu d'une part des discours contrastés venant de divers musulmans, d'autre part de l'apparente difficulté pour beaucoup d'entre eux à distinguer leur foi et leurs orientations politiques. Pourtant, comme les chrétiens et quelques autres, les musulmans n'ont pas tous les mêmes convictions citoyennes.
Il se trouve que j'avais autrefois rencontré Tahar Ben Jelloun et apprécié la personne. Tombant par hasard sur son livre « L'Islam expliqué aux enfants », je me suis dit que j'étais moi aussi un enfant sous cet aspect et me suis fait offrir le bouquin. Quatre vingt dix pages, éclairantes – pour moi au moins -, que je vous recommande de lire si cette religion vous laisse, par exemple, perplexe. Il ne s'agit ni d'un discours qui cherche à convertir, ni d'un pamphlet qui cherche à ridiculiser ou mettre en garde, mais d'un court ouvrage qui raconte, explique et laisse libre. Qui indique aussi ce qui est relève d'une lecture « folle » des textes fondateurs (Coran et hadiths) et les dangers des religions (pas seulement celle-là) qui s'opposent à tout esprit critique et à toute évolution. L'Islam a été ouvert aux autres, il peut le redevenir, il l'est déjà pour plusieurs, dont l'auteur. Ne nous laissons pas envahir par les idées toutes faites, nous non plus.

mardi 21 février 2012

Le candidat sortant : "La France forte" est son slogan, mais la France affaiblie est son bilan

Production de richesses (monde)

1. Avant Sarkozy, la France était le 16ème pays le plus riche au monde.
… Aujourd’hui, elle n’est plus que 18ème.

Production de richesses (Europe)
2. Avant Sarkozy, la France était le 10ème pays le plus riche de l’Union européenne.
… Aujourd’hui, elle n’est plus que 11ème, en-dessous de la moyenne de la seule zone euro.

Exportations
3. Avant Sarkozy, la France était la 5ème puissance exportatrice de marchandises au monde.
… Aujourd’hui, elle n’est plus que la 6ème, derrière les Pays-Bas.

Inégalités
4. Avant Sarkozy, la France était le 16ème pays le moins inégalitaire concernant la
distribution des revenus.
… Aujourd’hui, elle n’est plus que le 38ème, derrière le Tadjikistan.

Indice de développement humain
5. Avant Sarkozy, la France était le 8ème pays ayant le plus fort indice de développement
humain (IDH).
… Aujourd’hui, elle n’est plus que le 20ème, juste devant la Slovénie.

Agriculture
6. Avant Sarkozy, la France était le 3ème exportateur de produits agroalimentaires et
agricoles.
… Aujourd’hui, elle n’est que 4ème, derrière l’Allemagne.

Niveau scolaire et éducatif
7. Avant Sarkozy, la France était à la 16ème place du classement scolaire international.
… Aujourd’hui, elle n’est qu’à la 24ème place, à peine dans la moyenne des pays de l’OCDE.

Liberté de la presse
8. Avant Sarkozy, la France était à la 33ème place pour la liberté de la presse.
… Aujourd’hui, elle n’est qu’à la 38ème, derrière le Salvador, mieux classé.

Corruption
9. Avant Sarkozy, la France était à la 18ème place des pays les moins corrompus.
… Aujourd’hui, elle n’est plus qu’à la 25ème place et a un indice de corruption supérieur au Qatar par exemple.
Sources :
1 PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat, OCDE/FMI.
2 PIB par habitant en standards de pouvoir d’achat, Eurostat.
3 Classement OMC.
4 Coefficient Gini, ONU.
5 Chiffres du PNUD, ONU.
6 Étude de la Coface.
7 Classement OCDE.

Des nouvelles du Front

Ce message n'est pas, pour une fois, centré sur les idées mais sur l'action.
Nous vous invitons à venir demain soir mercredi 22/02/2012 à 19 heures au meeting de François Hollande à Evry, place de l'Agora. Vous pouvez aussi nous contacter pour covoiturage par exemple. Ces meetings sont souvent des moments mémorables ; on y capte mieux ce que le candidat a dans la tête - ou dans  le ventre - qu'en jetant un coup d'oeil à la télé ; et il y a toujours des nouveautés, au moins des précisions.
Vous avez sans doute vu que nous avons commencé à coller quelques affiches, à distribuer le Projet sous forme de papier. Autrement dit la campagne commence, ici aussi. 
Pour participer, vous pouvez bien sûr nous contacter mais aussi consulter le site toushollande.fr ; nous vous rappelons aussi le blog de FH  et le site de la fédération de l'Essonne du PS
Nous allons aussi organiser une paire de réunions publiques à Bièvres. Les réunions publiques, avec ou sans sans personnalité invitée, peuvent s'articuler utilement autour des thèmes qui suivent :

  • ce que nous aimons dans le programme de FH ;
  • ce que nous ne comprenons pas ou n'aimons pas ou souhaitons améliorer dans la campagne ou le projet de FH ;
  • veille : ce que nous voulons démystifier dans d'autres campagnes et/ou les bonnes idées qui viennent d'ailleurs ;
  • ce que nous voulons - voudrons obtenir dans les cinq ans qui viennent et qui ne se ferait sans doute pas sans notre mobilisation ;
  • ce que nous pouvons - voulons faire pour contribuer à l'élection de FH, puis à celle de Maud Olivier.
A bientôt

vendredi 17 février 2012

Nicolas Sarkozy se déclare

Voici quelques réflexions sur ce discours, que vous pouvez revoir sur ce site de replay.
Nicolas Sarkozy nous joue la petite musique du peuple voulant à juste titre se débarrasser des élites pour une relation directe avec le Président et la réponse directe, par Référendum aux questions simples que les corps intermédiaires compliquent et bloquent trop souvent ; « élites », syndicats, partis bloquent le progrès, nous dit-il. Cette petite musique est hélas bien connue dans l'histoire des peuples : c'est celle de tous les autocrates ; c'est « à la trappe les Magistrats » du père Ubu ; c'est l'affaiblissement sinon la liquidation des corps intermédiaires, c'est l'affaiblissement sinon la liquidation des contre-pouvoirs. Et bien sûr, il restera des élites à respecter : les banquiers, la police, l'UMP, le patronat. Et bien sûr, la relation directe avec le Président, voire le sauveur suprême, se limitera à quelques lettres ou rencontres soigneusement choisies et médiatisées. A moins de créer un corps intermédiaire de confiance à qui confier « les affaires courantes » du peuple. Cela évoque de sinistres souvenirs. Mais non, me direz-vous, NS est un démocrate, s'il est désavoué il se retirera sans faire d'histoires. Sans doute ; ne tardons pas plus que nécessaire. Il reste que le discours de la mise au rencard des corps intermédiaires (de ceux qui gênent, bien sûr) n'est pas celui de la démocratie et que la mise en pratique de ce discours s'appelle l'autocratie. Quant au référendum, il est généralement pollué par un aspect de plébiscite : on ne répond plus à la question, mais on exprime sa confiance – ou sa défiance – envers le Chef ; du coup on brouille les questions importantes en faisant mine de les clarifier.
Est-ce à dire que tout est bien tel quel dans les élites et corps intermédiaires ? Certes non : d'un coté la démocratie est inachevée parce que en effet les syndicats, les partis ne pratiquent qu'imparfaitement (au mieux) la construction de l'intelligence et de la décision des citoyens, d'un autre coté la démocratie est de plus en plus limitée, sinon bafouée par le pouvoir de l'argent, celui de la finance. Lisez par exemple quelques bons articles issus du sud de l'Europe et transmis par Courrier International : ils expriment un vrai problème : la limitation drastique du pouvoir des gouvernants à l'exécution de la volonté des vrais dirigeants, ou aux questions qui ne les concernent pas. Notre prochain Président n'aura pas « le pouvoir », surtout s'il s'appelle NS ; il peut avoir une part du pouvoir, certes importante, mais partagée avec les autres pouvoirs (législatif, judiciaire, sensés séparés depuis les Lumières du XVIII° siècle), avec ceux des corps intermédiaires, avec ceux du Patronat et surtout de la Finance, totalement non concernés par la Démocratie, qui ne veulent que leurs profits et expliquent que la démocratie, c'est bien lorsque cela ne touche pas à leurs intérêts. Le pouvoir du Président peut donc être un relais du pouvoir de la finance ou un contre-pouvoir par rapport à elle. NS ne peut guère être qu'un relais du pouvoir des financiers et autres fort riches, malgré quelques velléités vite oubliées de contrôle des paradis fiscaux par exemple. Le discours populiste, comme celui de Marine, n'est qu'un trompe l'oeil. FH et quelques autres avec lui dont je suis, veulent construire, parfois reconstruire, un contre-pouvoir au pouvoir de plus en plus absolu de la finance : c'est le sens de la désignation de cette finance comme l'adversaire, et cela n'est pas en contradiction avec le « libéralisme » de FH qui ne signifie rien d'autre que le refus de l'Etatisme économique, la volonté d'avoir de nombreux agents économiques libres, autant que possible citoyens. Cela laisse de la place à quelques réformes du capitalisme, à une politique économique de réindustrialisation, voire à l'émergence d'agents économiques solidaires (Economie Sociale et Solidaire) ou même à quelque forme de « dépassement » du capitalisme, au delà de la redistribution.
La « vérité » revendiquée par NS n'en est pas une : il prétend vouloir redonner le pouvoir au peuple en luttant contre les élites et autres intermédiaires, mais ne peut et ne veut que respecter le vrai pouvoir actuel, celui de la finance. Que ce serait facile si le monde était simple. Dépenser durablement plus que l'on gagne, dans un monde où l'on peut en partie se protéger mais non s'enfermer, dans un monde où la finance gardera du pouvoir que cela nous plaise ou non, dans un monde où les pays émergents ont bien appris nos leçons de capitalisme et savent de plus en plus produire autre-chose que des tee-shirts, dépenser durablement plus que l'on gagne, en partie pour cacher au peuple tout ce qui est soustrait au fruit de son travail, cela n'est pas possible durablement, cela n'est plus possible maintenant.
La question de l'équilibre budgétaire est relativement simple pour qui a un peu de culture économique : certes, nous (la France, l'Europe, son Sud chacun dans des proportions distinctes) sommes allés trop loin dans l'endettement par le déficit et les obligations d'Etat, certes il faut maintenant rembourser ou dégrader la dette sans se mettre à genoux et l'heure n'est pas aux politiques Keynésiennes (créer de l'argent pour créer de la croissance) ; certes, une « règle d'or » qui interdit ces pratiques consiste à se fermer d'avance une porte de sortie future. Certes les politiques de compétitivité de FH sont nécessaires ; certes nous devons penser innovation, formation, qualité pour avoir quelque-chose à offrir au reste du monde ; certes, nous devons aussi nous défendre contre la concurrence déloyale, les dumpings social et environnemental, mais pas au point de s'isoler, certes nous devons avoir une politique économique, européenne et/ou française et ne pas compter uniquement sur la "magie" du marché. Certes nous devons trouver ou construire d'autres sources de financement que les égoïstes satisfaits et impitoyables. Tout cela, FH le sait, nous le savons. Nous devons nous désendetter vite (dès 2013, le retour à 3% de déficit signifie la stabilisation de la dette, le retour à l'équilibre budgétaire quelques années plus tard signifie le désendettement rapide). Cela signifie que nos marges de manœuvre seront faibles et que, par exemple, l'effort envers l'enseignement sera compensé par la réduction d'autres dépenses. Cela signifie aussi que plus de justice fiscale doit être rétablie ou établie. Puis nous ferons la conquête de nouvelles marges de manoeuvre, de nouvelles libertés, notamment économiques.
Le discours et la pratique de NS concernant notre système social peut se résumer ainsi : « pour sauver notre système social, détruisons le » ; le rabotage indéfini de divers services et transferts est une réalité à laquelle nous devons mettre fin ; pas pour ne rien changer, mais pour cesser d'identifier réforme et régression sociale.
Si vous voulez vous (re)mettre en tête la réalité des revenus, des transferts, des prélèvements obligatoires, regardez le site de Piketty et collaborateurs et particulièrement la page qui montre que l'impôt est en France dégressif et non progressif (si l'on compte tous les prélèvements, les pauvres paient plus en proportion que les riches) ; si vous voulez regarder les chiffres de plus près au lieu de croire aux slogans ou conclusions, téléchargez cette mine d'or qu'est le dossier de tableur (EXCEL, lisible aussi sur OpenOffice ou LibreOffice) depuis cette page ; pour des explications détaillées, lisez le bouquin. Passionnant.
Je ne peux m'empêcher de donner ici deux anecdotes : pendant les grands froids, j'ai été invité par un ami à une réunion à Antony où cinquante personnes ont écouté quatre exposés sur la fiscalité et où l'on a notamment présenté de livre de Piketty, que j'avais parcouru un peu vite ; des « verts » se sont aussi exprimés. C'était très intéressant ; c'était organisé par un mouvement citoyen, « Vie Nouvelle », d'origine chrétienne si ma mémoire est bonne ; il est réconfortant et combien nécessaire que des mouvement citoyens de sensibilités diverses s'emparent de bons éléments de réflexion et travaillent librement. Font-ils partie des « élites » que combat NS ? Ils font partie des mouvements citoyens qui donnent espoir en la démocratie.
Seconde anecdote : j'ai eu un petit entretien cette semaine avec le nouveau « référent » de mon compte bancaire à Verrières ; lorsqu'il a évoqué la montée du taux de prélèvement libératoire sur les placements financiers qui s'approche maintenant de 25%, alors que le taux marginal de l'imposition sur le revenu est pour moi de 30% (classe moyenne...), je lui ai dit : « il n'est peut-être pas anormal que le taux d'imposition des revenus du capital rejoigne celui du travail », il m'a répondu avec le sourire légèrement condescendant du banquier qui sait « mais Monsieur, vous avez déjà payé des impôts pour gagner cet argent que vous placerez peut-être chez nous, pourquoi devrez-vous en payer encore ? ». Je ne suis pas entré dans un débat socio-économique avec lui, et n'en aurais pas eu la présence d'esprit. Mais en sortant de l'agence, j'ai réalisé la chose suivante : ces dix mille euros économisés, personne ne prétend les imposer comme « stock » (sauf ISF), c'est le revenu supplémentaire qu'ils engendrent qu'il s'agit d'imposer, il s'agit donc de « flux » (revenu) non de « stock » (patrimoine). Le banquier suggère l'illégitimité de l'imposition du revenu du capital parce que ce capital viendrait du travail (le travail de qui ? Dans ce cas, c'est le mien en effet ou celui de mon épouse). Je ne sais pas s'il raisonne comme NS ; en tous cas, il raisonne comme un banquier. Il essaie, sans doute parfois avec succès, d'instiller la confusion entre patrimoine et revenu, lorsque cela sert ses objectifs.
Une France forte dans le Monde protégera les Français, nous dit NS. On va être bref ici. Il s'agit du genre de slogans dont le contenu relève de la connotation, de l'évidence creuse, voire du bon sens trompeur. Certes nous préférons appartenir à une collectivité forte qu'à une collectivité faible. Malheureusement, la politique du Président sortant, convergeant avec d'autres politiques (celles d'autres dirigeants politiques européens, celles des financiers) a bien contribué à nous faire perdre, comme pays et comme peuple, bien des pouvoirs, à nous rapprocher de la situation du Portugal, par exemple, où l'essentiel du pouvoir échappe maintenant aux élus. La France "forte" à la mode NS, c'est plus de force à ceux qui nous dominent injustement.
FH ne propose rien, dit NS. Nous vous suggérons de lire ou relire les 60 propositions, avec un regard attentif et critique, sans préjugé, même si vous vous sentez de gauche. Questionnez-nous aussi, sur ce que vous ne comprenez pas et avec quoi vous n'êtes pas d'accord. FH donne les bonnes directions, des choses précises, des choses cohérentes. Cela ne veut pas dire que rien ne bougera dans son projet ; il tient aussi à nous, le peuple, que ça bouge dans le bon sens, pas dans celui que veulent les financiers ; il faudra que l'on parle de Roosevelt un de ces jours. Nous donnons ici quelques relations entre les thèmes et les numéros des propositions. Pour que ça bouge, justement.
Redresser la France : 1-4 réindustrialisation, 5 entreprises publiques, 6 agriculture, 7 finance, 8 épargne populaire, 9 Budget, 10 RGPP, 11-12 Europe économique, 13 protection commerciale.
Rétablir la Justice : 14-17 fiscal, 18-21 social, 22-23 logement, 24 précarité, 25 égalité hommes – femmes, 26 salaire max dirigeants publics, 27 urbanisme, 28 transports, 29 outre-mer, 30 délit de faciès, 31 homosexualité, 32 handicaps.
Redonner espoir aux nouvelles générations : 33-35 emploi, 36-39 éducation, 40 sport, 41-43 énergie, 44 art, 45 internet.
République exemplaire, voix de la France : 46 Laïcité, 47 statut pénal chef de l'État, 48 Parlement, 49 corruption, 50 votes des étrangers aux élections locales, 51 chaînes publiques médias, 52 sécurité de proximité, 53 indépendance de la Justice, 54 décentralisation, 55 concertation sociale, 56 langues régionales, 57 organisation mondiale de l'environnement, 58 relations Méditerranée, 59 retrait d'Afghanistan, 60 Défense.
Des chiffres clôturent ces propositions.


Le dernier point évoqué par NS que je commenterai est le suivant. Il dit en substance :
Les chômeurs doivent se former si besoin vers un métier offrant de réelles opportunités puis accepter un job dans ce secteur, plutôt que de faire durer les allocations jusqu'à leur terme de deux ans. Si je n'obtiens pas cela par la négociation, je le soumettrai à référendum.
Il n'est pas impossible, en effet, que de même que les ultra libéraux de l'économie sont incapables d'imaginer qu'une autre force que le marché puisse réguler, des travailleurs fatigués, déprimés, ou peu informés, peu courageux, choisissent de laisser couler plutôt que de se former à autre chose. Il faut améliorer les dispositifs d'information, de formation. Redonner espoir. Forcer des chômeurs à accepter un job lointain, sous-payé, précaire sous peine de leur couper les vivre ? Non. Le diable est dans les détails.
Déclaration d'intention : dans un prochain message, nous allons vous proposer quelques moyens de contribuer à la victoire de FH, à la résistance au pouvoir aveugle de la finance, au débat démocratique, à la reconstruction de l'espoir.

samedi 4 février 2012

Travailler mieux ?

Travailler plus, travailler moins, travailler où, travailler pour quoi faire, travailler pour qui ? La question du travail est ancienne et pourtant toujours nouvelle. Les sociétés pré-capitalistes réservaient le gros du travail à des esclaves, à des serfs, l'artisan ou le scribe formaient déjà une « aristocratie ouvrière ». Des domestiques esclavagisés, des enfants triant des déchets, des femmes proposant par contrainte ou faute de mieux des services sexuels, des gens astreints à un travail forcené pour rembourser des dettes, les leurs ou celles de leurs parents, cela existe maintenant, pas seulement du temps des pharaons ; pas toujours au Sud. Ce sont des situations « archaïques » mais actuelles, parfois pré-capitalistes mais trop souvent compatibles avec lui ; de plus en plus ? Des employés, des ouvriers, des gens qualifiés, des membres des hiérarchies – et ces catégories ne sont pas exclusives : on peut faire partie de plusieurs d'entre elles – des gens qui travaillent, donc, qui ne savent pas à qui appartient la boite où ils bossent, qui n'ont aucune idée de la valeur qu'ils produisent, qui ignorent dans quelle « chaîne » de valeur ou de transformation s'insèrent les gestes qu'ils font, qui échangent simplement leur temps et quelque savoir-faire contre un salaire, il y en a beaucoup. Des « travailleurs » qui, non concernés par l'utilité de leurs gestes, ou dont le savoir-faire est nié, en jachère, et qui « optimisent » en en faisant le moins possible tant que cela ne se voit pas trop, ayant même renoncé à plaire pour progresser, il y en a.
Certes, il y a des gros nuls partout : chez les hommes politiques, chez les chefs, chez les patrons, chez les travailleurs, comme on dit au comptoir du bistrot. Exact. Et la rééducation n'est pas toujours facile : goulag ou team-buiding (constitution d'équipe), sourire cheese et bonne santé obligatoires, regard franc et enthousiasme (commercial) de commande, chaussures cirées ou cotte propre, relooking ou coaching, ça ne suffit pas toujours.
Et pourtant. Des gens qui travaillent avec effort, avec calme, avec intelligence, dans l'entraide, en pratiquant le crédit d'intention (plutôt que le procès d'intention), en identifiant les problèmes, en en résolvant la plupart, en cultivant la qualité, en respectant les collègues, les collaborateurs et même leur hiérarchie, en se formant, en sachant après quelles tâches viennent leurs gestes, et de quelles tâches elles fournissent les « entrées », quelle valeur ça a, à qui ça va servir, qui cela enrichit, qui cela appauvrit (quelles ressources cela dépense notamment, naturelles et monétaires), en étant à l'heure pour leur propre temps et pour le planning, des travailleurs dans ces situations, dans ces comportements, des gens de ce genre, il y en a, j'en ai rencontré. Il y a même moyen de passer de l'état de tire-au-flan dégoûté à celui de contributeur motivé et efficace. Cela s'appelle la revalorisation des tâches, cela est une orientation possible de l'effort d'organisation. Cela n'est pas très souvent la priorité des grands cabinets américains, pourtant compétents à leur manière, et auxquels les Ministères font appel, souvent même lorsque le Ministre est de gauche. C'est une voie de progrès. A mon humble avis, essentielle, incontournable. Bien plus importante que de travailler une heure de plus ou de moins par semaine ; du point de vue de l'efficacité et du plaisir de travailler, il s'entend. 
Cela demande de l'organisation, des efforts de plusieurs cotés, du respect, de la formation, de l'intelligence et de la modération dans la division-parcellisation du travail. Cela est plus difficile lorsque certains gagnent cent fois plus que d'autres. L'échelle des revenus engendrés par l'entreprise a explosé dans la dernière décennie ; la part des salaires a chuté en conséquence. La démarche ici évoquée concerne les gens des entreprises et ceux des trois fonctions publiques (État, collectivités locales, fonction hospitalière) ; même ceux des associations où l'on travaille, et il y en a de plus en plus pour « dégraisser » l'État, diminuer les coûts, contourner les syndicats, contourner les règles décentes obtenues par les luttes, insupportables aux financiers. Cela est une facette essentielle de notre effort pour réindustrialiser, pour trouver - plus que retrouver - notre place dans le monde qui se déconstruit et se construit cependant.
Nous avons tous vu des enquêtes sur nos motivations pour choisir un travail, parfois nous y avons même répondu ; ils nous demandent si nos motivations sont le salaire, les conditions de travail, l'ambiance, les possibilités d'évolution de carrière, la proximité de notre lieu d'habitation. Je n'ai jamais vu parmi les motivations possibles l'utilité du travail. Mais pour qui nous prennent-ils ? Sans doute pensent-ils que nous avons métabolisé l'idée que la seule utilité possible est l'adéquation à la demande du marché. Ils se trompent, ils nous trompent.
Enfin, j'ai récemment eu l'audace d'interroger publiquement la municipalité de Bièvres sur l'organisation du travail qui permettait (ou engendrait ?) de manière récurrente la mobilisation (?) d'une grosse équipe, disproportionnée, pour un petit travail. Il est clair que certains ont « compris » que je critiquais les employés municipaux concernés. L'attitude de plusieurs n'est sans doute pas optimale. Mais l'incapacité à motiver, respecter et mobiliser ces travailleurs est aussi, surtout je crois, en cause ; la bonne réponse n'est pas de diminuer les effectifs ou de harceler ces personnes ; elle réside dans la construction d'une capacité à organiser, respecter et mobiliser. Il y a tant de choses à faire... Nous n'avons pas besoin de plus de chômage pour que le stress ou la peur « mobilisent ». Nous n'avons besoin ni de gaspiller nos ressources ni de plus de souffrance au travail, ni de l'accroissement de la précarité et de la pauvreté. Nous avons besoin de mobiliser l'intelligence comme les bras, de comprendre et d'approuver pour quoi, pour qui nous travaillons ; pas de stakhanovistes, mais des hommes et des femmes qui gagnent leur vie en se rendant utiles, qui progressent, se développent, améliorent leurs savoir-faire, leur action ; et même leur niveau de vie.

Nicolas Sarkozy nous a causé dimanche 29/11/2012

Une semaine déjà. Je n'ai pas réagi vite. Mais la pensée du Président sortant et ses projets méritent notre attention plus d'une semaine.
Vous pouvez voir ou revoir l'intervention du Président sortant sur Dailymotion, le résumé des mesures fiscales qu'il prévoit sur fiscalonline, quelques éléments de réponse rapides sur le site du PS, puis sur celui de François Hollande.
Voici quelques points que j'ai notés chez quelques commentateurs, puis, petit à petit, les miens.
NS a été un cruel commentateur du bilan du Président sortant :
désindustrialisation de 400 000 emplois,
explosion du chômage : plus un million,
baisse de notre compétitivité industrielle.
NS serait-il commentateur et non comptable de son quinquennat ? Il accuse tantôt la finance folle, tantôt les 35 heures, pas très souvent sa politique.
Déjà vu. NS n'a rien appris, entend-on : il regarde le présent avec les lunettes du passé ; il met en avant des solutions déjà mises en œuvre, accentuées. Il y a là une question classique : lorsque une politique ne donne pas les résultats escomptés, est-ce parce que l'on n'est pas allé assez loin dans la direction prise ou parce que l'on a pris la mauvaise direction ? Faut-il en faire plus dans le même sens ou modifier son orientation ? Dans toute sa généralité, la question n'a qu'une réponse : ça dépend. Dans notre cas, certaines mesures sont apparentement consensuelles, comme la création d'une banque dédiée à l'investissement industriel, à l'économie réelle, pas à la finance, et c'est un changement d'orientation (pour NS, pas pour FH). Mais globalement, pour nous, accentuer l'orientation générale passée de NS nous emmène tous dans le mur (y compris lui-même).
Le « courage » selon NS : demeurer généreux avec les nantis, être assez « courageux » pour demander de nouveaux effort surtout aux autres.
Pour nous, le courage consiste à réintroduire la justice et à oser des mesures qui ne plaisent pas aux maîtres de la finance (même si elles ne plaisent pas aux agences de notation ? Si nous nous rendons moins dépendants d'eux, pourquoi pas ?).
L'augmentation de 1,6% de la TVA est une mesure injuste, parce qu'elle frappe tout le monde sans discrimination.
NS veut organiser un choc des prix en octobre par l'augmentation de la TVA à cette date ; s'il est réélu en mai, nous devrons avaler cette amère pilule ; si FH est élu, il devrait assumer l'impopularité des effets de la mesure. Et, dit-il, cela ne provoquera pas de hausse des prix mais une croissance immédiate pour anticiper la hausse des prix ; cherchez l'erreur.
Les négociations internes aux entreprises du type « Baisse de salaire et/ou augmentation du temps de travail ou licenciement. », dites négociations compétitivité – emploi, sont présentées comme le bon moyen d'éviter les délocalisations ; autrement dit la baisse du coût du travail est nécessaire. Pour nous, il faut surtout un travail plus intelligent, mieux organisé, mieux focalisé.
Les mesures générales proposées transfèrent une part des coûts de la protection sociale vers la TVA, ou, accessoirement, vers la CSG ; vers qui ? Surtout les ménages, ceux qui travaillent et les autres, retraités et autres rentiers, mais aussi entrepreneurs, sans distinction entre ceux qui sont confrontés au risque de délocalisation et les autres. Ce choix présente donc une double faiblesse en termes de focalisation : il frappe les ménages sans distinction de revenus et il frappe les entreprises sans distinction d'exposition à la concurrence internationale.
En termes de compétitivité, la voie alternative à la baisse des coûts est l'amélioration de l'offre : innovation, formation, intelligence, organisation, stratégie. Faut-il une politique industrielle, un État stratège ? À la différence de FH, NS y va quelque peu à reculons, parce que pour les libéraux économiques, l'État serait par nature moins bon stratège que les marchés. Certes, l'État n'est pas par nature intelligent et efficace : il peut aussi se tromper, s'endormir, être au service des puissants. Tout dépend des politiques menées, des personnes qui y travaillent, des processus de décision, de l'organisation.
L'idée que les marchés optimisent automatiquement les choses, que l'argent capté par les entreprises est nécessairement bien employé, même s'il est distribué en dividendes ou bonus, alors que celui affecté à l'État et autres collectivités est par nature un coût sans réelle contre-partie, cette idée là est purement idéologique.
Un éditorialiste du magasine américain Time, Fareed Zarkaria, note dans le numéro du 6 février 2012 « Que l'on aime ça on non (et pour ma part, je n'aime pas), l'Amérique a besoin d'une politique industrielle pour rester compétitive ». Il note que la libre entreprise, sans l'aide de l'État perd du terrain face aux concurrents qui bénéficient d'une telle politique. Apple est maintenant la plus grosse capitalisation américaine, elle fait de gros profits, mais tout ce qu'elle vend est fabriqué en Chine ; cela durera-t-il aussi longtemps que les impôts ? Les chinois resteront-ils des petites mains bon marché et sans têtes ? Cela est déjà et sera de moins en moins vrai. NS dit choisir ce qui provoque la relocalisation, pas le profit de nos industriels. Il est vraiment contre la stratégie de Apple ? A mon humble avis, il ne sait plus très bien.
Et en ce qui concerne le logement ? Voici une question que j'ai posée lundi au Conseil Municipal de Bièvres, dont Hervé Hocquard est Maire (et très probablement futur candidat UMP à la cinquième circonscription de l'Essonne pour les Législatives de juin 2012) :
Le président de la République vient d'annoncer son intention de relever pour trois ans le COS de 30% sauf délibération contraire des Municipalités ou Communautés urbaines ou d'agglomération concernées. Cette mesure est destinée à augmenter le parc de logements disponibles ainsi qu'à soutenir l'activité du secteur de la construction. Si j'ai bien compris, la décision sera par tout ou rien : il ne sera pas possible de s'opposer aux permis de construire présentés dans ce cadre selon qu'ils apparaîtront opportuns ou non ; on pourra seulement identifier éventuellement une autre cause réglementaire permettant de s'y opposer. Nous percevons tous que cette décision a ses bons et ses moins bons cotés, quoique chacun puisse pondérer les différents aspects de manière différente. Il est difficile d'identifier des personnes avouant vouloir bétonner Bièvres, même si nous avons un déficit dans certaines catégories de logements, d'équipements ou d'activités.
Ma question est : avez-vous déjà réfléchi à cette question et identifié votre orientation ou pouvez-vous nous dire quand vous pensez trancher cette question ?
La réponse a été prudente ; ce qui est bon pour la France ne l'est pas nécessairement pour Bièvres...

Une remarque finale : NS fait mine de croire que FH promet n'importe quoi, de « raser gratis », en démagogue pur sucre. D'autres socialistes, allemands ou anglais, ont fait de bonnes choses, mais celui-ci... Quel dommage !
Par exemple, il raille le retour à la retraite à 60 ans. Pour ma part, je n'ai entendu cette proposition de la part de FH que pour ceux qui ont commencé à travailler très jeunes et/ou ont eu longtemps un travail pénible ; pas pour tout le monde. Encore une fois, FH ne cache pas que se libérer de l'emprise de la finance irresponsable ne sera pas une partie de plaisir. Saurons-nous écouter et comprendre ? Pour ma part je l'espère et compte y contribuer ; même lorsque cela demande un regard quelque peu indépendant.