Voici quelques réflexions sur ce discours, que vous pouvez revoir sur ce site de replay.
Nicolas Sarkozy nous joue la petite musique du peuple voulant à juste titre se débarrasser des élites pour une relation directe avec le Président et la réponse directe, par Référendum aux questions simples que les corps intermédiaires compliquent et bloquent trop souvent ; « élites », syndicats, partis bloquent le progrès, nous dit-il. Cette petite musique est hélas bien connue dans l'histoire des peuples : c'est celle de tous les autocrates ; c'est « à la trappe les Magistrats » du père Ubu ; c'est l'affaiblissement sinon la liquidation des corps intermédiaires, c'est l'affaiblissement sinon la liquidation des contre-pouvoirs. Et bien sûr, il restera des élites à respecter : les banquiers, la police, l'UMP, le patronat. Et bien sûr, la relation directe avec le Président, voire le sauveur suprême, se limitera à quelques lettres ou rencontres soigneusement choisies et médiatisées. A moins de créer un corps intermédiaire de confiance à qui confier « les affaires courantes » du peuple. Cela évoque de sinistres souvenirs. Mais non, me direz-vous, NS est un démocrate, s'il est désavoué il se retirera sans faire d'histoires. Sans doute ; ne tardons pas plus que nécessaire. Il reste que le discours de la mise au rencard des corps intermédiaires (de ceux qui gênent, bien sûr) n'est pas celui de la démocratie et que la mise en pratique de ce discours s'appelle l'autocratie. Quant au référendum, il est généralement pollué par un aspect de plébiscite : on ne répond plus à la question, mais on exprime sa confiance – ou sa défiance – envers le Chef ; du coup on brouille les questions importantes en faisant mine de les clarifier.
Est-ce à dire que tout est bien tel quel dans les élites et corps intermédiaires ? Certes non : d'un coté la démocratie est inachevée parce que en effet les syndicats, les partis ne pratiquent qu'imparfaitement (au mieux) la construction de l'intelligence et de la décision des citoyens, d'un autre coté la démocratie est de plus en plus limitée, sinon bafouée par le pouvoir de l'argent, celui de la finance. Lisez par exemple quelques bons articles issus du sud de l'Europe et transmis par Courrier International : ils expriment un vrai problème : la limitation drastique du pouvoir des gouvernants à l'exécution de la volonté des vrais dirigeants, ou aux questions qui ne les concernent pas. Notre prochain Président n'aura pas « le pouvoir », surtout s'il s'appelle NS ; il peut avoir une part du pouvoir, certes importante, mais partagée avec les autres pouvoirs (législatif, judiciaire, sensés séparés depuis les Lumières du XVIII° siècle), avec ceux des corps intermédiaires, avec ceux du Patronat et surtout de la Finance, totalement non concernés par la Démocratie, qui ne veulent que leurs profits et expliquent que la démocratie, c'est bien lorsque cela ne touche pas à leurs intérêts. Le pouvoir du Président peut donc être un relais du pouvoir de la finance ou un contre-pouvoir par rapport à elle. NS ne peut guère être qu'un relais du pouvoir des financiers et autres fort riches, malgré quelques velléités vite oubliées de contrôle des paradis fiscaux par exemple. Le discours populiste, comme celui de Marine, n'est qu'un trompe l'oeil. FH et quelques autres avec lui dont je suis, veulent construire, parfois reconstruire, un contre-pouvoir au pouvoir de plus en plus absolu de la finance : c'est le sens de la désignation de cette finance comme l'adversaire, et cela n'est pas en contradiction avec le « libéralisme » de FH qui ne signifie rien d'autre que le refus de l'Etatisme économique, la volonté d'avoir de nombreux agents économiques libres, autant que possible citoyens. Cela laisse de la place à quelques réformes du capitalisme, à une politique économique de réindustrialisation, voire à l'émergence d'agents économiques solidaires (Economie Sociale et Solidaire) ou même à quelque forme de « dépassement » du capitalisme, au delà de la redistribution.
La « vérité » revendiquée par NS n'en est pas une : il prétend vouloir redonner le pouvoir au peuple en luttant contre les élites et autres intermédiaires, mais ne peut et ne veut que respecter le vrai pouvoir actuel, celui de la finance. Que ce serait facile si le monde était simple. Dépenser durablement plus que l'on gagne, dans un monde où l'on peut en partie se protéger mais non s'enfermer, dans un monde où la finance gardera du pouvoir que cela nous plaise ou non, dans un monde où les pays émergents ont bien appris nos leçons de capitalisme et savent de plus en plus produire autre-chose que des tee-shirts, dépenser durablement plus que l'on gagne, en partie pour cacher au peuple tout ce qui est soustrait au fruit de son travail, cela n'est pas possible durablement, cela n'est plus possible maintenant.
La question de l'équilibre budgétaire est relativement simple pour qui a un peu de culture économique : certes, nous (la France, l'Europe, son Sud chacun dans des proportions distinctes) sommes allés trop loin dans l'endettement par le déficit et les obligations d'Etat, certes il faut maintenant rembourser ou dégrader la dette sans se mettre à genoux et l'heure n'est pas aux politiques Keynésiennes (créer de l'argent pour créer de la croissance) ; certes, une « règle d'or » qui interdit ces pratiques consiste à se fermer d'avance une porte de sortie future. Certes les politiques de compétitivité de FH sont nécessaires ; certes nous devons penser innovation, formation, qualité pour avoir quelque-chose à offrir au reste du monde ; certes, nous devons aussi nous défendre contre la concurrence déloyale, les dumpings social et environnemental, mais pas au point de s'isoler, certes nous devons avoir une politique économique, européenne et/ou française et ne pas compter uniquement sur la "magie" du marché. Certes nous devons trouver ou construire d'autres sources de financement que les égoïstes satisfaits et impitoyables. Tout cela, FH le sait, nous le savons. Nous devons nous désendetter vite (dès 2013, le retour à 3% de déficit signifie la stabilisation de la dette, le retour à l'équilibre budgétaire quelques années plus tard signifie le désendettement rapide). Cela signifie que nos marges de manœuvre seront faibles et que, par exemple, l'effort envers l'enseignement sera compensé par la réduction d'autres dépenses. Cela signifie aussi que plus de justice fiscale doit être rétablie ou établie. Puis nous ferons la conquête de nouvelles marges de manoeuvre, de nouvelles libertés, notamment économiques.
Le discours et la pratique de NS concernant notre système social peut se résumer ainsi : « pour sauver notre système social, détruisons le » ; le rabotage indéfini de divers services et transferts est une réalité à laquelle nous devons mettre fin ; pas pour ne rien changer, mais pour cesser d'identifier réforme et régression sociale.
Si vous voulez vous (re)mettre en tête
la réalité des revenus, des transferts, des prélèvements obligatoires, regardez le
site de Piketty et collaborateurs et particulièrement la page qui montre que l'impôt est en France
dégressif et non progressif (si l'on compte tous les prélèvements, les pauvres paient plus en proportion que les riches) ; si vous voulez regarder les chiffres de plus près au lieu de croire aux slogans ou conclusions, téléchargez cette mine d'or qu'est le dossier de tableur (EXCEL, lisible aussi sur
OpenOffice ou
LibreOffice) depuis
cette page ; pour des explications détaillées, lisez le bouquin. Passionnant.
Je ne peux m'empêcher de donner ici deux anecdotes : pendant les grands froids, j'ai été invité par un ami à une réunion à Antony où cinquante personnes ont écouté quatre exposés sur la fiscalité et où l'on a notamment présenté de livre de Piketty, que j'avais parcouru un peu vite ; des « verts » se sont aussi exprimés. C'était très intéressant ; c'était organisé par un mouvement citoyen, « Vie Nouvelle », d'origine chrétienne si ma mémoire est bonne ; il est réconfortant et combien nécessaire que des mouvement citoyens de sensibilités diverses s'emparent de bons éléments de réflexion et travaillent librement. Font-ils partie des « élites » que combat NS ? Ils font partie des mouvements citoyens qui donnent espoir en la démocratie.
Seconde anecdote : j'ai eu un petit entretien cette semaine avec le nouveau « référent » de mon compte bancaire à Verrières ; lorsqu'il a évoqué la montée du taux de prélèvement libératoire sur les placements financiers qui s'approche maintenant de 25%, alors que le taux marginal de l'imposition sur le revenu est pour moi de 30% (classe moyenne...), je lui ai dit : « il n'est peut-être pas anormal que le taux d'imposition des revenus du capital rejoigne celui du travail », il m'a répondu avec le sourire légèrement condescendant du banquier qui sait « mais Monsieur, vous avez déjà payé des impôts pour gagner cet argent que vous placerez peut-être chez nous, pourquoi devrez-vous en payer encore ? ». Je ne suis pas entré dans un débat socio-économique avec lui, et n'en aurais pas eu la présence d'esprit. Mais en sortant de l'agence, j'ai réalisé la chose suivante : ces dix mille euros économisés, personne ne prétend les imposer comme « stock » (sauf ISF), c'est le revenu supplémentaire qu'ils engendrent qu'il s'agit d'imposer, il s'agit donc de « flux » (revenu) non de « stock » (patrimoine). Le banquier suggère l'illégitimité de l'imposition du revenu du capital parce que ce capital viendrait du travail (le travail de qui ? Dans ce cas, c'est le mien en effet ou celui de mon épouse). Je ne sais pas s'il raisonne comme NS ; en tous cas, il raisonne comme un banquier. Il essaie, sans doute parfois avec succès, d'instiller la confusion entre patrimoine et revenu, lorsque cela sert ses objectifs.
Une France forte dans le Monde protégera les Français, nous dit NS. On va être bref ici. Il s'agit du genre de slogans dont le contenu relève de la connotation, de l'évidence creuse, voire du bon sens trompeur. Certes nous préférons appartenir à une collectivité forte qu'à une collectivité faible. Malheureusement, la politique du Président sortant, convergeant avec d'autres politiques (celles d'autres dirigeants politiques européens, celles des financiers) a bien contribué à nous faire perdre, comme pays et comme peuple, bien des pouvoirs, à nous rapprocher de la situation du Portugal, par exemple, où l'essentiel du pouvoir échappe maintenant aux élus. La France "forte" à la mode NS, c'est plus de force à ceux qui nous dominent injustement.
FH ne propose rien, dit NS. Nous vous suggérons de lire ou relire les
60 propositions, avec un regard attentif et critique, sans préjugé, même si vous vous sentez de gauche. Questionnez-nous aussi, sur ce que vous ne comprenez pas et avec quoi vous n'êtes pas d'accord. FH donne les bonnes directions, des choses précises, des choses cohérentes. Cela ne veut pas dire que rien ne bougera dans son projet ; il tient aussi à nous, le peuple, que ça bouge dans le bon sens, pas dans celui que veulent les financiers ; il faudra que l'on parle de Roosevelt un de ces jours. Nous donnons ici quelques relations entre les thèmes et les numéros des propositions. Pour que ça bouge, justement.
Redresser la France : 1-4 réindustrialisation, 5 entreprises publiques, 6 agriculture, 7 finance, 8 épargne populaire, 9 Budget, 10 RGPP, 11-12 Europe économique, 13 protection commerciale.
Rétablir la Justice : 14-17 fiscal, 18-21 social, 22-23 logement, 24 précarité, 25 égalité hommes – femmes, 26 salaire max dirigeants publics, 27 urbanisme, 28 transports, 29 outre-mer, 30 délit de faciès, 31 homosexualité, 32 handicaps.
Redonner espoir aux nouvelles générations : 33-35 emploi, 36-39 éducation, 40 sport, 41-43 énergie, 44 art, 45 internet.
République exemplaire, voix de la France : 46 Laïcité, 47 statut pénal chef de l'État, 48 Parlement, 49 corruption, 50 votes des étrangers aux élections locales, 51 chaînes publiques médias, 52 sécurité de proximité, 53 indépendance de la Justice, 54 décentralisation, 55 concertation sociale, 56 langues régionales, 57 organisation mondiale de l'environnement, 58 relations Méditerranée, 59 retrait d'Afghanistan, 60 Défense.
Des chiffres clôturent ces propositions.
Le dernier point évoqué par NS que je commenterai est le suivant. Il dit en substance :
Les chômeurs doivent se former si besoin vers un métier offrant de réelles opportunités puis accepter un job dans ce secteur, plutôt que de faire durer les allocations jusqu'à leur terme de deux ans. Si je n'obtiens pas cela par la négociation, je le soumettrai à référendum.
Il n'est pas impossible, en effet, que de même que les ultra libéraux de l'économie sont incapables d'imaginer qu'une autre force que le marché puisse réguler, des travailleurs fatigués, déprimés, ou peu informés, peu courageux, choisissent de laisser couler plutôt que de se former à autre chose. Il faut améliorer les dispositifs d'information, de formation. Redonner espoir. Forcer des chômeurs à accepter un job lointain, sous-payé, précaire sous peine de leur couper les vivre ? Non. Le diable est dans les détails.
Déclaration d'intention : dans un prochain message, nous allons vous proposer quelques moyens de contribuer à la victoire de FH, à la résistance au pouvoir aveugle de la finance, au débat démocratique, à la reconstruction de l'espoir.