lundi 5 décembre 2011

Dialogue sur la dette, la démocratie et l'Europe


Un lecteur nous écrit, en réaction à la phrase d'un message « nous ne pourrons pas continuer à vivre durablement au-dessus de nos moyens » la réaction suivante : «  Diable il faut le dire à celles et ceux qui s'expriment dans les journaux du SPF, de la Fondation abbé Pierre et du secours catholique et qui représentent les dix millions de personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté dans ce pays. Regardez bien les chiffres, tous les chiffres, de ce pays depuis 2002 ». Je le remercie pour sa remarque qui me permet de préciser et en même temps je suis gêné d'avoir pu laisser poindre un tel malentendu ; « nous » peut avoir plusieurs sens et quand je dis « nous », j'inclus parfois les pauvres en effet, mais pas lorsqu'il s'agit de se serrer la ceinture. Précisons.
Lorsque je dis «  nous ne pourrons pas continuer à vivre durablement au-dessus de nos moyens », je parle de notre endettement croissant, au niveau de l'état, de certaines collectivités locales, de certaines entreprises (des PME surtout), de nombreux « ménages », pas les plus riches bien sûr. Il faut distinguer deux questions : « d'où vient cet endettement ? » et « faut-il vraiment le réduire, et comment ? ».
Pour la première question, il y a, je crois, deux sortes de causes corrélées : la première est que, vraisemblablement dans le contexte de l'effondrement soviétique (ce régime s'était perverti y compris dans sa structure sociale et avait aussi perdu ce qu'il a eu d'efficacité) et de la menace qu'il constituait malgré tout, dans le contexte d'une forme ambiguë mais réelle de ralliement de la Chine au capitalisme, une large part de ceux qui contrôlent l'économie parce qu'ils détiennent les capitaux ont réussi à drainer une part sans cesse croissante de la richesse vers eux même, en sorte que les États et beaucoup de ménages – les pauvres mais aussi une part croissante de la « classe moyenne », parmi lesquels de nombreux travailleurs salariés ou indépendants – n'ont plus le sou. Pour faire simple, les riches ont rassemblé l'essentiel des richesses. Cela se voit par exemple, comme le fait remarquer Frédéric Lordon, au fait que c'est Vinci qui peut payer (et le fait) pour restaurer Versailles, et j'ai un cousin qui, luttant au niveau international contre le tabagisme, est maintenant financé par Microsoft (la fondation, bien sûr). Les autres sont endettés et parfois ne peuvent plus payer. Surtout lorsque, parce qu'ils sont en difficulté, les taux d'intérêt auxquels ils sont soumis explosent. Pourtant, « les riches » ne peuvent continuer à s'enrichir que si les autres continuent à rembourser et à emprunter ; ils ont aussi un petit problème. Mon propos n'est pas ici de parler d'économie, mais simplement d'exprimer que la « crise » est systémique, en ce sens que les riches ne peuvent continuer leur rôle qu'à la mesure du serrage de ceinture des autres, ce qui se heurte à quelque résistance. Non pas que nous soyons dans un jeu à somme nulle (ce que gagnent les uns est perdu par les autres), mais parce que la croissance semble bien maintenant exiger l'appauvrissement de la majorité, si on continue dans cette logique. On en reparlera. Une part des « riches » qui nous concernent sont chez nous, en France, une part à moitié ici (mais fiscalement ailleurs), une part ne sont pas du tout ici. Lorsque je dis : «  nous ne pourrons pas continuer à vivre durablement au-dessus de nos moyens », cela exprime une analyse, non un désir. Nous devons changer « nos moyens », les retrouver, en diminuant le poids de la dette. Ce « nous » inclut la grande majorité de nos concitoyens (et même des habitants de ce pays). Et on risque, en effet, si on ne modifie pas la cause du problème, à « devoir » continuer à réduire le « train de vie » y compris des pauvres. En termes d'objectif et pourquoi pas de désir, nous ne pouvons accepter l'appauvrissement de la majorité. Nous pouvons accepter l'effort, la lutte contre le gaspillage, nous pouvons accepter des comportements rigoureux, mais pas la continuation sans fin de l'enrichissement des riches au prix de l'appauvrissement des pauvres et autres français moyens. Et c'est vrai : c'est souvent en écoutant les grandes associations de solidarité que l'on est informé de la réalité sociale. Alors que faire ? Pour beaucoup, y compris dans le peuple, ou les peuples européens, il y a un problème économique, il faut donc donner les rênes, tous les rênes à ceux qui maîtrisent l'économie, aux gens compétents : aux riches. Les entreprises évitent de payer les charges sociales ? On stigmatise ceux qui simulent une grippe pour toucher une semaine d'allocations. Pendant la grande crise, on a stigmatisé à New-York une dame qui venait en vison à la soupe populaire ; cette dame, divorcée, n'avait plus de quoi se chauffer et à peine de quoi manger ; même avec cinquante pour cent de pauvres, « on » en trouvera toujours assez qui ne méritent plus de vivre, seulement de survivre ; et encore...
Une seconde cause de notre endettement est notre capacité à gaspiller même quand nous ne sommes pas riches ; certes en partie à cause de la pression commerciale, de l'obsolescence organisée des objets, de tous ces trucs jetables et non durables. Mais ce n'est pas seulement de la faute des autres : nous pouvons aussi, si nous ne sommes pas trop bêtes ou fashion victims, habiter des maisons un peu plus chères à l'achat mais moins coûteuses sur toute leur durée de vie, cesser d'être des consommateurs suivistes, voire compulsifs, d'être des hommes sandwich de marques prestigieuses, y compris quand nous sommes pauvres. Les nouveaux logements sociaux à Paris sont plus « durables » que bien des logements de standing. Limiter le gaspillage des riches est aussi une bonne chose. Pourquoi les deux causes (concentration des créances dans peu de mains et gaspillage) sont-elles corrélées ? Parce que les maîtres du Marché ont besoin de voir croître leurs ventes, que ce soit utile et compatible avec la planète ou non.
La question est : pouvons nous accepter un effort pour ceux qui le peuvent encore, dans l'espoir d'arrêter cette machine infernale ? Le Président sortant (qui fait effort pour rempiler, bien sûr) a évoqué il y a quelques années la possibilité ou la nécessité de « réformer le capitalisme ». Les paradis fiscaux vont toujours bien, merci, et on passe à autre chose : l'effort de « tous ». Les socialistes et autres personnes de centre gauche disent parfois « bien sûr, il est hors de question d'exproprier les créanciers ». La méthode traditionnelle d'expropriation des créanciers, l'inflation, pose il est vrai de graves problèmes. Mais nous ne pouvons accepter la liquidation des marges de manœuvre des États, l'appauvrissement sans fin des pauvres, l'entrée d'une part des classes moyennes et des travailleurs (encore une fois, salariés ou non : paysans indépendants par exemple) dans la pauvreté. Je pense que l'on n'évitera pas la dégradation des créances et qu'il n'est pas dramatique mais nécessaire de les dégrader. A condition qu'ils n'aient plus les moyens de nous couper les vivres. Comment réduire la dette et notre dépendance des créanciers ? Les Rois européens faisaient parfois expulser ou embastiller certains créanciers. Il nous faut conquérir – plus que reconquérir – une économie où ce qui n'est pas consommé tout de suite peut être contrôlé, au moins en partie par des gens qui pensent au bien commun, pas par des prédateurs, pas non plus par des commissaires politiques. Il nous faut un autre système bancaire. Il nous faut une autre fiscalité. Même les sociaux-démocrates doivent réfléchir. Il reste du travail. L'entreprise sociale et solidaire n'est peut-être pas qu'une marge sympathique ; elle peut aussi contribuer à nous sortir de l'étranglement par les créanciers. Prendre d'assaut l’Élysée avec des manifestants indignés n'est pas la solution (quoique manifester puisse être pertinent). Ce que font les allemands est loin d'être toujours un modèle, mais examinez le comportement de Volkswagen : ils ont une Région (un Land) dans leur capital, ils n'externalisent pas, ils pratiquent un certain dialogue social. Nous ne devons pas bêler ou désespérer mais travailler à trouver le chemin d'un autre monde et nous y engager ; nous n'avons pas le choix. Pour moi, une grande partie de la solution est l'extension du domaine de la démocratie, non pas sa réduction. La démocratie dont je parle n'est pas la démagogie : elle est l'effort, l'intelligence, la responsabilité, le respect.

Dans ce dialogue, vient ensuite la question des institutions ; notre interlocuteur dit : « Vous avancez également que pour faire face à "La crise" actuelle il faudrait mettre en œuvre plus d'Europe par "une nouvelle organisation européenne à construire" bénéficiant d'un "contrôle démocratique". Diable, vous avez vécu en USSR... Quand j'entends les mots "contrôle et démocratique" je sors mon "1984" actualisé... Je ne crois ni au bon temps de la R. Démocratique A. d'hier et ni aux contrôles des quartiers par le peuple en Chine actuelle... Mais vous avez raison une nouvelle organisation mondiale est à imaginer. Je ne crois pas à une solution européenne seule, à l'époque où se heurtent les impérialismes américains et chinois, les fondamentalismes musulmans, chrétiens et juifs, et les pays émergents contre une Europe immergée dans ses nationalismes résurgents... »
La question du « contrôle démocratique » se pose en effet. Une des raisons du relatif désamour des peuples envers l'Europe est la distance entre les citoyens et les centres de décision européens, l'autre, corrélée, étant leur complexité, qui les rend peu intelligibles et parfois inefficaces. Je ne développe pas, et en conséquence je caricature un peu : l'essentiel du pouvoir en Europe repose maintenant dans les mains d'une poignée de chefs d'exécutifs de pays membres, qui naviguent entre les intérêts communs, les intérêts nationaux et leurs intérêts politiques personnels. Je devrais dire « intérêts et contraintes » plutôt qu'intérêts. Ils ne sont pas élus sur un programme ou même un discours concernant l'Europe. Les citoyens français, par exemple, commencent seulement à entendre quelques paroles britanniques ou allemandes, et on a du mal à percevoir dans les discours de N Sarkozy, par exemple, ce qui s'adresse aux peuples d'Europe.
Je pense donc deux choses : d'abord qu'une large part de nos problèmes ne peut se résoudre qu'au niveau européen et que les postures de conservation de souveraineté n'ont de sens autre que démagogique que lorsqu'elles exigent un mandat démocratique pour l'Europe ou concernent des questions locales, au sens de nationales ; ensuite que les détenteurs du pouvoir politique en Europe doivent être mandatés par les peuples à cet effet et non comme un sous-produit de leur mandat national. Ce ne sont pas nécessairement les mêmes personnes qui sont compétentes et adéquates aux différents niveaux. Nous avons actuellement une assemblée européenne, mais elle a peu de pouvoirs quoique maintenant non négligeables. La commission n'est pas élue. Ce n'est pas le moment d'indiquer les bonnes structures mais une chose est claire : confier le pouvoir au niveau capable de traiter les problèmes est la seule voie pour les traiter et ce niveau doit être élu par les peuples à cet effet. J'appelle contrôle démocratique au minimum le couple classique du contrôle par délégation : contrôle a priori par mandat électif, contrôle a posteriori par l'élection suivante qui fonctionne parfois comme un vote sanction : les électeurs confient le pouvoir, puis le retirent parfois. Ce mode de contrôle par délégation, que j'estime avec bien d'autres insuffisant parce qu'il peut fonctionner comme une boite noire, est le minimum en deçà duquel un pouvoir ne peut être qualifié de démocratique et ne peut être en effet qu'une navigation tortueuse et peu intelligible entre des intérêts distincts. La remarque de mon interlocuteur sur le « contrôle » à la mode RDA, pourquoi pas à la mode Libyenne Kaddafiste, me paraît inadéquate et ce n'est pas à ces types de contrôle que nous nous intéressons, cela va mieux en le disant ; quand je pense à 1984 revisité, ce n'est pas le PS que je crains le plus. Ces « contrôles », que je rassemble pour ma part sous le terme de « commissaires politiques » se sont avérés de multiples fois dans l'histoire comme séparés de la société civile, ne prenant leur légitimité que par cooptation et nomination depuis le sommet d'un appareil, parfois animé a priori de bonnes intentions, mais glissant toujours, parfois sans délai, vers le service d'une forme ou une autre de nomenclature qui instrumentalise une idéologie ou au moins un discours ; une sorte de clergé dévoyé. Nous ne voulons pas de Parti dominant, nous voulons une société civile libre et multiple, au même titre que nous ne voulons pas être dominés par le groupe ou la classe, comme vous voudrez, de ceux qui ont réussi à rassembler sous leur contrôle une part dominante des moyens financiers de l'humanité et par là du pouvoir. La démocratie n'est pas un acquis évident : elle doit être réinventée, sans faire table rase, a minima pour compenser sa dilution dans le pouvoir de l'argent, a maxima pour choisir ensemble ce que nos destins peuvent avoir de commun. Réinventée sans cesse ? Peut-être ; maintenant, assurément.
Dernière question soulevée : l’Europe est-elle vraiment importante au moment de la confrontation Amérique – Chine ; au moment de l'émergence des Brésil-Russie-Inde-Chine ? Certes, l'avenir du monde se joue maintenant dans la reconfiguration du rapport Occident – BRICS, qui n'efface pas complètement le rapport Nord-Sud (par exemple, la plupart des arabes n'est ni en occident, ni dans les BRICS). Certes la France peut faire entendre une voix, la sienne, dans ces deux confrontations, l'une tendant à supplanter l'autre et elle peut gérer elle-même ses fromages exceptionnels. Mais le lieu naturel où nous pouvons compter et agir dans ces dialogues et ces tensions ne peut être que l'Europe. Lui transférer des pouvoirs peut et doit se faire comme un progrès démocratique si la dite démocratie intervient à deux moments : au moment du transfert de pouvoir et dans l'exercice ultérieur du pouvoir. Et il est maintenant clair que nous ne voulons pas décider démocratiquement de perdre le contrôle du peuple sur les « décideurs » européens ; il faut donc dessiner le fonctionnement démocratique de l'Europe avant de décider non moins démocratiquement de lui confier les pouvoirs que nous ne pouvons exercer localement. La méthode qui consiste à lui confier des pouvoirs dans l'urgence et à ajuster plus tard le fonctionnement démocratique ne peut être acceptée.
C'est un mode de dialogue. On peut en trouver d'autres.

dimanche 27 novembre 2011

Comment transformer une vérité en mensonge ressenti


Comment transformer une vérité en probable mensonge et, du même mouvement, comment transformer un mensonge en vérité admise par de nombreux citoyens ? Voici deux exemples de ce processus, qui peut être bien « utile » à ceux qui travaillent à le mettre en œuvre

Premier exemple : le réchauffement climatique

Première phase : face à divers indicateurs, un nombre croissant de scientifiques se pose la question de la réalité du réchauffement climatique, de ses effets, et de la responsabilité de l'activité humaine dans ce processus.
Seconde phase : un groupe se forme alors aux États Unis, formé de vénérables savants ayant généralement cessé toute activité scientifique digne de ce nom, mais ayant des noms célèbres – j'en ai croisé un à Los Alamos -, ayant servi de conseillers à d'anciens Présidents Républicains, et convaincus de la toxicité de toute régulation, au nom de l'Amérique, du Marché, de la science économique vue comme la justification de l'ultra-libéralisme ; ce groupe développe une argumentation qui nie le réchauffement climatique – ce ne serait qu'une fluctuation à court terme – et surtout le caractère dominant de l'effet de serre (on oublierait divers autres effets, on surestimerait celui-ci). Ce groupe soupçonne les tenants de la réalité du réchauffement climatique d'insuffisance scientifique et de partialité. Disposant d'imposants moyens de communication, il est écouté. Nous l'appellerons le groupe négationniste
Troisième phase : face à ce discours qu'ils ressentent comme de l'intox et injurieux pour leur travail, une part des scientifiques travaillant sur le sujet ne se contente plus d'arguments scientifiques, mais puisque ceux-ci ne sont guère écoutés, entre parfois dans une posture militante, dénonce, s'organise, polémique ; au moins, ils en parlent entre eux, par courriers électronique notamment.
Quatrième phase : le groupe négationniste ultra-libéral se procure et publie des fragments de la communication des scientifiques et s'exclame : « on vous l'avait bien dit, ces soit-disant scientifiques sont des militants écologistes, unamerican (non américains), leur parole ne vaut rien, ne croyez pas au réchauffement climatique » . Au total, la fraction du grand public (des citoyens) qui pense que le réchauffement climatique existe diminue, passant grossièrement en quelques années des trois quarts à la moitié.
S'il est excessif ou prématuré de dire que les négationnistes ont gagné – l'avenir nous le dira -, disons qu'ils défendent avec succès les groupes pétroliers, malgré les marées noires (les pélicans embourbés, c'est des images pour femmelettes). Leur seconde arme consiste à dire : « oui, il faut soutenir les énergies renouvelables, d'ailleurs nous le faisons, à vrai dire c'est surtout nous qui le faisons ». Ils oublient de dire qu'ils affectent à ce travail des millions de dollars, en réservant des milliards au développement de l'exploitation des combustibles fossiles, non renouvelables, et responsables de l'effet de serre qui joue un rôle majeur dans le réchauffement climatique ; ils sont dans la logique «j'utilise à mon gré de grosses sommes et fais ostensiblement don de quelques piécettes ». Le grand public, et parfois même les journalistes, confond souvent millions et milliards (qui signifient essentiellement « beaucoup ») et la rareté de cette comparaison quantitative dans la communication qui l'atteint fait son effet. Il est donc vraisemblable, quoique non certain, que les américains n'investiront suffisamment dans les énergies renouvelables que lorsque les combustibles fossiles commenceront vraiment à manquer, en d'autres termes quand le marché s'en apercevra.

Second exemple : la nature de l'opposition en Syrie

Première phase : face aux manifestations en Syrie et à leur répression brutale, un nombre croissant de citoyens et de journalistes estime la répression disproportionnée et illégitime.
Seconde phase : le pouvoir Syrien et ses alliés – y compris la Russie (et Poutine vient de recevoir le prix Confucius) – explique que les manifestants sont violents, qu'il faut bien maintenir l'ordre, que la guerre civile menace.
Troisième phase : face à la violence policière et militaire du pouvoir, une part - encore minime – des opposants passe à la lutte armée, cela fait d'ailleurs débat dans ses rangs, qui s'organisent.
Quatrième phase : vous avez compris ; le pouvoir ne cache pas les quelques tirs dont il est la cible ; au contraire, cela justifie son discours « les opposants sont armés, nous devons défendre la patrie ». C'est nous ou le chaos.

Que nous apprennent ces deux exemples ?

Mon propos est de souligner que dans les deux cas, le mensonge produit sa justification : la critique injustifiée des scientifiques rend certains d'entre eux militants, comme les tirs sur les manifestants accusés d'être des groupes armés amènent une part d'entre eux à la résistance armée. Ces mensonges ont un effet auto-réalisateur, comme parfois les sondages et les notations des agences. Nous devons résister à ces effets, notamment en ce qui concerne la science, en maintenant bec et ongles sa rigueur, plutôt que de passer à la communication, où l'on ne dit que ce qui arrange.
Lorsqu'il y a des analogies dans un débat ou une polémique avec le début des deux processus que nous venons de décrire, on peut légitimement se poser la question de la suite : les phases trois et quatre ne menacent-elles pas ? Les manipulateurs de l'information ne gagnent pas toujours la bataille destinée à défendre leurs intérêts. Nous choisissons la vérité.
JLE

vendredi 25 novembre 2011

Quels débats concernant l'environnement et le nucléaire ?


Nous assistons à des « débats » concernant l'environnement et particulièrement l'énergie nucléaire qui relèvent en partie du cafouillage ou de positions de principe – donc non négociables – ou du questionnement de la légitimité des interlocuteurs (lobby) ou des personnalités des interlocuteurs (un homme de compromis vis à vis d'une femme indignée et peu encline au compromis). J'ai quelques choses à dire sur ces sujets.

D'où je parle ?

J'ai été quinze ans physicien nucléaire, non pas ingénieur nucléaire, non concerné par la production d'énergie, mais cependant attentif à la chose, dès l'époque où un certain de Gaulle attirait de jeunes compétences dans ce secteur. D'autre part, j'ai réfléchi aux questions environnementales, suffisamment pour reconnaître leur importance capitale, je dirais à égalité avec les questions sociales et en forte interaction avec elles. J'en suis encore à me gratter la tête quant à l'interaction entre les questions environnementales et les questions économiques, le « développement durable » étant en partie un tour de passe-passe linguistique pour « résoudre » la question en deux mots.

Sujets environnementaux

Quels sont les problèmes environnementaux auxquels nous sommes ou allons être confrontés ?
L'humanité a déjà été confrontée à de graves problèmes environnementaux, dus aux glaciations, aux désertifications, à la disparition d'espèces. Mais il y a trois nouveautés :
  1. l'impact de l'humanité sur la planète est maintenant très important, par exemple sur le réchauffement climatique, alors qu'il était négligeable dans l'antiquité ou auparavant (sauf localement parfois) ;
  2. nous approchons ou touchons déjà dans quelques domaines les limites des ressources naturelles ;
  3. le système économique dominant ne tient pas « naturellement » compte de ces questions, qui ont peu de valeur marchande malgré le buzz, mais nous devenons en revanche capables d'analyse et pouvons choisir de prendre en mains ces aspects de notre avenir comme civilisation, voire comme espèce ; capables d'action responsables, donc, pas seulement d'analyse et de discours.
L' « écologie » n'est donc pas fondamentalement le souci des « bobos » qui veulent préserver leur jardin. Et si des bobos attirent notre attention sur ces questions, tant mieux ; à condition du moins que nous élevions notre réflexion au delà de leurs problèmes propres, par exemple en pensant aussi au peuple. A tout prendre, on peut écouter ces gens autant que les multinationales et se servir de nos neurones.

Quels sont les problèmes ou les menaces ?

En voici quelques uns, comme ils me viennent à l'esprit :
  • du coté des ressources :
  • l'eau, potable, pour irriguer, pour laver, pour produire, manque et est une menace géopolitique ;
  • l'énergie :
    • les énergies fossiles s'épuisent pour le pétrole (voir peakoil), sont dangereuses pour l'eau des nappes comme les schistes bitumineux, ou pour l'effet de serre comme le charbon ou le gaz qui s'épuisent aussi, quoique moins immédiatement.
    • L'énergie nucléaire mieux maîtrisée en France que dans la plupart des autres pays, est efficace et ne provoque pas d'effet de serre, mais présente des dangers (accidents et gestion des déchets). On se souvient qu'un certain Sarkozy en a proposé à un certain Kaddafi ? C'était du bon leadership, ça ? La sous-traitance insuffisamment formée est un danger, mais c'est moins cher.
    • Les énergies renouvelables que je qualifierais de simples en ce qu'elles exploitent assez directement les ressources solaires, éoliennes, des courants marins, des combustibles naturels comme le bois, de la chaleur de la terre, de la gravitation (hydroélectricité, à peu près totalement exploitée chez nous). Leur exploitation doit à l'évidence être fortement développée, ce qui est et restera long et coûteux, et pose aussi des problèmes « environnementaux » en terme d'espace utilisé, de paysage, de bruit, de gestion de la forêt, de captation de l'eau de ruissellement. Le transport et le stockage sont aussi des sujets délicats : une faible fraction de l'énergie solaire chauffant les sables du Sahara suffirait à fournir l'énergie nécessaire à la planète mais le transport par des câbles à haute tension actuels est inefficace. La supra-conductivité actuelle est très coûteuse. L'hydrogène obtenu en cassant (par électrolyse) les molécules d'eau est un excellent moyen de stockage, un moyen possible de transport, mais cher et dangereux. On en reparlera sûrement. Au passage, l'hydrogène n'est pas une énergie primaire : produire ce gaz coûte un peu plus d'énergie que cela en fournit ; le liquéfier est délicat. Nous ne parlons pas d'AQMI dans le coin. J'ai vu de mes yeux une explosion à Saclay, j'étais à la cantine.
    • Les énergies renouvelables indirectes passant par la biochimie, comme la production de combustibles à partir de la biomasse sans passer par la longue case fossile posent dans l'état actuel des choses des problèmes aussi sérieux que ceux du nucléaire, dont le moindre n'est pas la concurrence de l'usage des terres arables avec l'agriculture à usage alimentaire, qu'elle soit vivrière ou qu'elle passe par la case marchés. Et puis la chimie, c'est parfois dangereux. Mais je pense qu'il y a dans la valorisation courte de la biomasse un potentiel essentiel ; sans doute faudra-t-il passer par des bactéries ad-hoc, fruit de manipulations génétiques (voir en fin de ce message). Les travaux sont en cours, bien sûr.
    • Le mouvement perpétuel n'existe pas. L'énergie solaire recueillie sur la lune n'est pas transportable en quantité. Les effort d'imagination sont possibles, mais pas tous crédibles. Un barrage à Gibraltar est possible, mais cher ; on y a déjà pensé. Le seul miracle plausible est la maîtrise de la fusion nucléaire (voir ITER à Cadarache).
    • Les meilleurs mégawatts sont les négawatts : l'économie d'énergie. Isoler les habitations est une priorité, même en centre ville historique, désolé pour les habitudes des Architectes des Bâtiments de France, mais on aura besoin d'eux pour le faire bien. C'est trop cher ? Pas si on raisonne en coût total sur la durée de vie de l'habitation. C'est ce que l'on fait déjà dans les logements sociaux de Paris, pas dans ceux d'un phalanstère socialiste utopique sur une île déserte. Le coût total devrait être présenté à l'acheteur, pas seulement le coût immédiat. Utiliser des transports plus économes est nécessaire, supprimer la voiture est irréaliste, rendre son usage moins fréquent est possible. Pourquoi le kérosène des charters qui nous emmènent bronzer loin est-il détaxé ? Vous vous êtes posé la question ? Le lobby des voyagistes ? Les pauvres employés des agences de voyage et les guides tunisiens ? Le kérosène doit être taxé. Même si ça nous oblige à bronzer dans les Cévennes. De toute manière il n'y en aura plus beaucoup pour nos petits enfants. Je ne blague pas.
  • La production agricole : il faut nourrir beaucoup de gens, il vaut mieux avoir une certaine autonomie alimentaire ; acheter des salades locales, pas des fraises en hiver. Modérer l'agriculture intensive peu durable et polluante. Laisser vivre des paysans autrement qu'en les assistant. Difficile, on ne développe pas ici.
  • Les ressources naturelles rares (les terres rares par exemple) ou dont le prix grimpe vite (métaux) ; continuer la recherche sur les matériaux. Ne pas laisser les chinois nous priver de terres rares (nécessaires pour l'électronique).
  • Il n'y a pas que la finitude des ressources : il y a aussi la pollution qui détruit la qualité de la vie, voire la vie tout court ;
    • la production excessive et la gestion des déchets ordinaires : la camorra napolitaine ne fait pas l'affaire ; Véolia c'est mieux mais la question doit rester objet de grande attention, pas seulement lorsque c'est à coté de mon jardin. Quoique défendre notre jardin, par exemple la vallée de la Bièvre, il faut continuer à le faire.
    • La production et la gestion des déchets dangereux. Il a les déchets chimiques actifs et même ceux qui sont peu actifs (bouteilles et sacs en plastique mais très peu biodégradables qui encombrent les mers et les plages, notamment. Il arrive qu'on les exporte dans des pays pauvres sans contrôle, sans société civile capable de se défendre. Les déchets nucléaires sont aussi un vrai problème, difficile et coûteux à gérer en raison de leur très long temps de vie (milliers d'années). Mais savez-vous qu'il y a des poches de magma chaud, la chaleur venant de la radioactivité naturelle, à 1500 mètres de profondeur ? Qu'elles sont utilisées ou utilisables en géothermie ? Il y a des mines plus profondes que cela : il faut et on peut enterrer les déchets très radioactifs profondément, dans des structures géologiques stables. Les quantités à gérer sont très faibles comparées à celles sorties des mines. Vous avez vu les déjections d'une mine de cuivre ?
    • Le fonctionnement des usines dangereuses, chimiques ou de production d'énergie : Bhopal a tué beaucoup de gens, souvenez-vous de Sévézo, de Toulouse. Nous devons y faire très attention ; les ingénieurs de sûreté nucléaire ont une culture très supérieure à ceux de l'industrie chimique, dont les services de sécurité - fiabilité sont parfois limités en compétence et en pouvoir : utilisons leurs compétences dans la chimie, par exemple, plutôt que de les mettre en retraite anticipée à l'occasion de la réduction du nucléaire ; ne les stigmatisons pas : utilisons leur grand professionnalisme ; je sais de quoi je parle. L'industrie nucléaire est dangereuse, pas seulement à Fukushima ou dans l'EDF ; les médecins ne font pas toujours attention aux déchets radioactifs des hôpitaux ni aux doses de rayons X reçues par les patients lors des examens. Les tsunamis font beaucoup de morts directement mais aussi par leur effet long sur des centrales nucléaires et leur environnement ; ne mangez pas de riz ou des légumes produit près de Fukushima. Les gens qui y habitent encore sont un rien négligés. Savez-vous qu'une habitante de Bièvres (91570 France), que je connais bien a trouvé des isotopes radioactifs dans la cave d'une maison dont elle a hérité ? Comme c'est une personnes sérieuse, elle l'a déclaré, sur mon conseil d'ailleurs, par une action longue, passant par les cases incrédulité et immobilisme, cela a été finalement enlevé par des professionnels, mais cela lui a coûté très cher ; combien auraient préféré les mettre en douce à la poubelle ? J'affirme qu'il vaudrait beaucoup mieux que ces coûts soient pris en charge par la collectivité locale, quitte à ce qu'elle se retourne contre un tiers responsable. Il y a des quantités significatives de divers isotopes actifs à Saclay (notamment de tritium) ; dangereux. Demandez au hasard à un élu local, à un pharmacien, à un policier, à un pompier comment on est averti et ce qu'il faut faire s'il y a une alerte. Ils ne savent pas. Même ceux qui aiment Eva Joly ou ne l'aiment pas mais sont néanmoins écolos. C'est pourtant assez facile à corriger ; et aussi utile que d'utiliser des toilettes sèches, une bonne pratique, du reste.
  • Les fondements mêmes de l'économie actuelle ; si j'ai bien compris (je suis en train d'étudier, je ne sais pas tout, dites moi si je me trompe), dans nos pays européens (la situation est différente aux États Unis où les pouvoirs publics créent de la monnaie), la création de monnaie est l'affaire des banques : lorsqu'elles nous prêtent disons cent mille euros, elles créent quatre-vingt dix mille euros de monnaie ; ça s'appelle un effet de levier. Elles n'utilisent que marginalement les dépôts des autres clients. Qu'est-ce qui garantit cette monnaie magiquement créée ? Pas de l'or. Uniquement la promesse de remboursement de l'emprunteur. On appelle cela de l'argent-dette (cherchez ce terme sur Google). Cela a plusieurs conséquences : la première est que cela rend nécessaire une croissance importante et indéfinie, un peu hélas comme un Ponzi, et assurément sans égard pour la finitude des ressources de la planète. La seconde est que la monnaie créée n'incluant pas les futurs intérêts à payer, ce mécanisme draine vers les banques une part toujours croissante de la masse monétaire disponible ; en d'autres termes cette « croissance », si elle est peu compatible avec une saine gestion de l'environnement, est parfaitement compatible avec l'appauvrissement du peuple. Ce ne sont pas les États (qui disposent d'un reste de contrôle démocratique) qui font marcher cette planche à billets, ce sont les banques. Tiens, ça ne nous rappelle pas la Grèce, le Portugal, l'Irlande, l'Italie, la rigueur commencée et annoncée ? C'est un ridicule discours gauchiste ou d'ayatollahs verts ? Je crains que non, hélas. La gauche républicaine a une solution ? Cela reste à voir ; il faut l'aider. Tout ce qui est excessif est insignifiant ? Et l'augmentation des ressources accompagnée de la baisse du pouvoir d'achat de la plupart, c'est excessif ? C'est insignifiant ?
Alors vous m'excuserez, mais présenter la production d'énergie nucléaire comme le problème, franchement, je n'y crois pas. Je crois fermement à la nécessité d'une nouvelle économie qui ne nous envoie pas dans le mur en terme d'environnement et nous libère de l'emprise des cupides. Je ne suis pas sûr que nous soyons capables collectivement de faire ce qui est pourtant nécessaire. Parfois, cela tourne mal, quand on n'a pas la capacité, le courage, l'intelligence de faire ce qui est nécessaire : augmentation en flèche de la misère, émeutes, guerres, catastrophes industrielles. Bon, on n'en est pas là ici ; alors on dort sur nos deux oreilles et on crie contre les centrales nucléaires ? On vote à droite, pour garder un type qui s'y connaît en réunions entre dirigeants économico-politiques ?
Parfois, le compromis mécontente tout le monde et ne résout rien : mi-chêvre mi-chou et tout le monde est dans la mouise. Il arrive que je pense en termes radicaux. En ce qui concerne le nucléaire, je pense que la position de François Hollande et de l'alliance EE-LV – PS, qui est en effet un compromis, est correcte : diminuer la part du nucléaire sans le liquider, augmenter (beaucoup) la part des énergies renouvelables et des économies d'énergie, oui, c'est la bonne voie pour les années à venir. Parfois, le compromis est la bonne voie. Avoir un ADN anti-compromis comme Eva, pourquoi pas, mais cela fait parfois dire des bêtises. Notons aussi que l'accord dont nous parlons peut être vu comme un compromis, mais aussi comme une rupture avec une politique de domination du nucléaire qui peut avoir freiné le développement des énergies alternatives renouvelables.
Un mot sur les lobbies : je suis contre les lobbies qui négocient en cachette, financent en dessous de table et menacent en termes courtois. Mais qu'une boite comme Areva rappelle qu'on ne peut pas supprimer un combustible (le mox, voyez par exemple dans wikipedia) nécessaire à des centrales que l'on ne fermera pas toutes, non : elle fait son boulot.
Théologie, philosophie, idéologie... L'homme, délégué à la gestion de la terre par un Dieu unique et tout-puissant, a tous les droits – quoique quelques responsabilités – sur la terre. Les trois monothéismes dont nous sommes familiers, à la différence des polythéismes, nous ont inculqué cette idée, qui persiste bien sûr chez les agnostiques et autres athées. Un peu d'introspection sur cet héritage ne fait pas de mal.
Dans l'univers, une très large partie de l'énergie qui agit (hors la gravitation et de possibles énergies encore peu comprises mais vraisemblablement mineures) est d'origine nucléaire ou subnucléaire : toute la chaleur rayonnée, celle du soleil naturellement, et celle du sous-sol (centre de la terre), qui viennent soit de fusion soit de fission nucléaires ; donc indirectement l'énergie solaire, fossile et géothermique ; et le bois bien sûr. Il n'est donc pas tout à fait ridicule de chercher une compréhension et une capacité de maîtrise directe de ces énergies. Cela est largement fait dans le domaine militaire dont nous parlons peu, alors que ses dangers existent vraiment, cela est partiellement fait dans le domaine de l'énergie et il m'apparaît légitime sinon nécessaire de continuer à travailler pour maîtriser les énergies qui gouvernent l'univers plutôt que de les rejeter hors de notre sphère mentale et de notre sphère d'action. Cela prendra du temps pour maîtriser la fusion, mais je pense que l'on y arrivera ; je préfère une pensée environnementale qui pense aussi à long terme en matière technologique, qui pense aussi en terme de système économique, pas seulement en termes d'épuisement des ressources et de nuisances. L'énergie dominante de l'univers, l'énergie nucléaire, est bien sûr aussi une énergie naturelle, pas une énergie surnaturelle. Ce qui n'empêche pas d'utiliser l'énergie renouvelable, qui n'est nucléaire qu'indirectement.
Modernité. Dire comme je l'ai entendu dire par Madame Joly que l'énergie nucléaire est celle du passé relève de la propagande et non de la pensée sérieuse : dire que ce qui est moderne est bien, donc que ce qui est mal est démodé relève d'une « communication » digne de la plus mauvaise pub. On comprend qu'elle veuille lutter contre l'idée que l'atome c'est moderne donc c'est bien, mais il vaut mieux utiliser de bons arguments que de tenter d'en retourner de mauvais, à mon humble mais stable avis.
Manipulations génétiques. Le plus grand pourvoyeur de telles manipulation est bien sûr la nature. Le problème est que lorsque c'est Monsanto qui les fait, son objectif est le profit immédiat et qu'il est peu concerné par les effets collatéraux ou à long terme. Les effets aux Etats-Unis de ses herbicides sont très intéressants (prolifération d'une mauvaise herbe résistante). Cette question relève d'un sujet de rédaction de lycée : « science sans conscience n'est que ruine de l'âme ». Les multinationales cupides sont peu crédibles en termes de conscience, même lorsqu'elles communiquent sur le thème ; les États ne le sont pas nécessairement davantage : encore leur faut-il pilotage démocratique et transparence. Des acteurs a priori éthiques de la société civile posent des problèmes analogues : les déclarations d'intention ne suffisent pas, la bonne volonté non plus, la compétence est chère, les idées préconçues ont la vie dure. Problèmes difficiles, donc, mais non pas insurmontables. Il n'y a pas de paradis terrestre en vue, l'apocalypse est plutôt une menace qu'une opportunité, pour la plupart d'entre nous. La société communiste (idéale, pas réelle au sens soviétique, que je connais bien pour y avoir travaillé) n'est pas au programme, en tous cas pour 2012. Sans aucun doute, nos sociétés réelles futures devront assumer cette difficulté : continuer et maîtriser des progrès scientifiques et technologiques dangereux. Il restera quelques problèmes même si on élit François Hollande, il le sait, je crois. Un naturisme naïf ne fera pas l'affaire, pas plus que la foi dans l'identification automatique du progrès technique avec le progrès humain. Pas de foi naïve, ni de délégation aveugle à des acteurs insoupçonnables par nature (le Président, l'Etat, l'Europe, les Marchés, le Parti, la Science, une ONG), donc : travail, transparence, intelligence, critique, débat, démocratie. Ou catastrophe. Bien sûr, ne nous privons pas de travailler avec et au sein des acteurs mentionnés, autant qu'il est pertinent : tous ont quelque-chose à dire et à faire.
Pour en savoir plus, procurez-vous le magasine hors série du journal Le Monde qui vient de paraître sur le sujet.
Exprimez-vous si vous voulez en remplissant tout ou partie de notre questionnaire.
Je me suis réveillé – pardon j'ai réveillé ce blog – à l'occasion d'un débat que je crois important, par les questions qu'il pose, non par le spectacle qu'il offre ; comme d'hab. A mon avis il n'est pas terminé avec ce message. Bien sûr... A plus.

vendredi 28 octobre 2011

Nicolas Sarkozy le 27 octobre 2011


J'ai écouté hier soir la prestation du Président de la République. Ma première réaction à l'écouter a été « il est bon » ; calme, pédagogique, équilibré, intelligent. D'une certaine manière, je ne renie pas cette impression, que beaucoup ont du avoir. Mais un peu de réflexion suggère quelques remarques.
Comme l'arrivée au pouvoir de Pétain en 1940 à la suite de la victorieuse offensive allemande fut une « divine surprise » pour une large part de la bourgeoisie, chaque crise est une opportunité pour certains : cela permet de « justifier » le transfert de plus de valeur vers les plus riches, ceux-ci devant conserver leur compétitivité alors que le peuple peut bien se serrer un peu plus la ceinture ; la seconde opportunité est le discours de l'irremplaçable rempart contre l'adversité.
Le Président a dit que les banques et les spéculateurs avaient fait « n'importe quoi » en sorte de provoquer la crise des subprimes. Je pense qu'une autre analyse est plus pertinente : ces acteurs – puissants, « honorables » et honorés et non quelques margoulins – ont utilisé une situation où une large partie du peuple américain ne pouvait plus se loger qu'en se finançant par l'anticipation de l'augmentation perpétuelle des prix immobiliers ; ces acteurs ont prélevé une large part des efforts du dit peuple américain, jusqu'au moment où les prix ont cessé de monter (les vieux boursiers disent que les arbres ne montent pas jusqu'au ciel) et où ils n'ont plus pu rembourser leurs échéances. Ce n'était pas « n'importe quoi » mais l'exploitation efficace à court terme d'un déséquilibre systémique. En dévalorisant la rationalité de ces acteurs (n'importe quoi), on fait l'économie d'une vraie critique de leurs comportements.
Une seconde question est : deux mesures prises naguère par les socialistes sont présentées comme responsables de notre relatif déclin par rapport à l'Allemagne : la retraite à soixante ans et les trente cinq heures. S'il est clair que l'allongement de la durée de la vie exige celui des cotisations et que cette constatation n'empêche en rien d'autres facettes de l'évolution du système de retraites, comme la prise en compte de la pénibilité, la réduction du temps de travail a eu et a toujours plusieurs justifications : l'augmentation de la productivité du travail peut être utilisée de plusieurs manières : augmenter les dividendes versés aux actionnaires, augmenter les revenus des travailleurs, faciliter la formation, exiger moins de temps dédié à l'économie marchande pour en laisser davantage aux autres aspects de la vie, y compris dans l'économie non marchande de services, de culture, d'entretien du patrimoine familial, enfin mieux répartir le travail marchand vers des personnes sans emploi et cependant qualifiées. Si l'on peut discuter l'opportunité de la réduction du temps de travail à tel moment de l'évolution économique – que ce moment soit dans un cycle ou dans une évolution de fond, que l'on appelle alors systémique – nous continuons à préférer un avenir où l'on gaspille moins et travaille moins dans la sphère de l'économie marchande à un avenir de perpétuelle fuite en avant avec réduction perpétuelle et irréversible du temps et de l'espace laissé aux valeurs non marchandes. Ne vous y trompez pas : l'économie marchande n'est pas pour nous le diable, mais, pour continuer la métaphore théologique, son service peut ne pas être la seule source de nos « Allah akbach ».
Il reste que la dette est excessive, et que le Président a raison de dire que la grande ancienneté du dernier budget français équilibré est clairement à déplorer. Si la « règle d'or » interdisant tout déficit est une stupidité, le maintien de déficits permanents même quand le cycle économique est en phase positive n'est plus soutenable, dont acte. L'introduction des BRICS dont la Chine dans nos créanciers signe la fin de la domination économique exclusive de l'occident. L'attention que pouvons porter avec raison aux positions de Joseph Stiglitz ne justifie pas de tenter de vivre durablement au dessus de nos moyens.
Mais qu'est-ce qui explique ce consensus mou entre tous les gouvernements des trois dernières décennies ? A mon humble avis, ces gouvernements n'ont trouvé que cette « méthode » pour concilier le soutien – ou la non agression – envers les « marchés » c'est à dire ceux qui ont accumulé les profits acquis par l'extraction d'une part croissante de la plus-value créée par le travail, et le peuple qui conserve dans nos imparfaites démocraties un pouvoir de sanction des gouvernants : les inégalités s'accroissant, surtout lorsque la Droite gouverne, la seule manière relativement aisée de modérer la colère potentielle du peuple est de financer par la dette diverses mesures mettant quelque baume sur ses plaies.
Jusqu'au moment où le pouvoir ainsi abandonné aux marchés devient incompatible avec les dépenses dites de « état providence ». Les agences de notation ne sont bien sûr que l'instrument de mesure des « marchés ». La lutte contre la dette, qui peut d'une certaine manière être l'objet d'un consensus entre la gauche et la droite est essentiellement un Janus à double face : d'un coté, elle satisfait les marchés qui craignent l'incapacité des États d'assumer les remboursements (intérêts et principal), d'un autre coté elle est une manière de se libérer du poids des remboursements et du pouvoir des créanciers. Une manière ou la manière ? Plusieurs bons esprits pensent que l'on ne pourra à terme que dégrader la valeur de cette dette, d'une manière ou d'une autre. Une certaine Ségolène Royal – qui existe encore – remarque que l'Argentine des deux Kirchner a réussi à effacer une partie de sa dette et n'en est pas morte. Sarkozi-Merkel ont réussi cette fois-ci à vendre aux banques que mieux valait abandonner volontairement la moitié des créances grecques que risquer d'en perdre la totalité. Je ne sais plus quel commentateur « s'amusait » en remarquant que si tous les États occidentaux abandonnaient volontairement le triple A, les prêteurs ne pourraient pas les punir tous en montant à des taux d'intérêt à deux chiffres.
Pour ma part, je pense qu'il faut jouer sur trois cordes : réduire la dette en empruntant moins, réduire la dette par une forme ou une autre de dégradation de son en-cours, enfin ou surtout, réduire la nécessité de l'emprunt en réduisant les inégalités que l'on camoufle ou soigne par l'endettement.
Le Président actuel ne choisit pas un discours ultra-libéral disant que la seule solution est « plus de marché » comme le candidat texan aux primaires Républicaines des États-Unis ; il reconnaît même des excès de gains (les traders, tiens, ce sont aussi des salariés) ou des spéculateurs. Vraisemblablement, un discours ultralibéral ne tiendrait pas face à l'écoute de l'opinion au discours de gauche, et il y a aussi la tradition gaullienne qui n'admet pas facilement l'effacement des responsabilités de l’État. Mais il est très modéré dans cette critique et n'évoque pas la possibilité d'un excès autre qu'anecdotique et caricatural dans les inégalités. Il est aussi possible que cet homme ne soit pas sur le fond convaincu de la nécessité du renard libre dans le poulailler libre.
En revanche, il insiste sur le thème « c'est moi ou le chaos ». Ceci appelle deux remarques : la première est que je pense que François Hollande est capable, y compris compte tenu de son entourage, de sa propension à la synthèse ayant parfois une odeur de compromis, y compris compte tenu de ses promesses, y compris compte tenu du PS, de faire face à la crise, et ceci, je pense, en jouant sur les trois leviers que je viens d'évoquer. La seconde est que la posture d'homme providentiel du Président actuel n'est pas acceptable. Les décisions difficiles n'exigent pas le pouvoir personnel mais au contraire le débat démocratique ; certes il faut distinguer les décisions d'orientation qui exigent le débat et les décisions opérationnelles, qui nécessitent la réactivité.
Madame Merkel accepte de fait le contrôle de son parlement, seule instance démocratique européenne à être consultée à chaud. Est-ce acceptable ? Bien sûr que non. Il faut à l'évidence construire (et non reconstruire) un processus démocratique de contrôle a priori des orientations économique, voire de contrôle a posteriori des décisions opérationnelles d'urgence ainsi qu'un exécutif capable d'action avec une constante de temps se comptant en jours sinon en heures et non en mois.
Les moyens sont multiples : construire un exécutif européen dans une géométrie adéquate – assurément avec les pays en comprenant la nécessité – et construire une instance démocratique d'orientation et de contrôle adéquate, qui est assurément un mélange entre l'assemblée européenne et le conseil des chefs de gouvernement concernés. Personnellement, je donnerais plus de poids à la première qu'au second, mais là n'est pas l'essentiel.
Est-ce un abandon de souveraineté ? Pour l'essentiel, assurément non : c'est le transfert d'une part de « souveraineté » des marchés irresponsables (d'un point de vue démocratique) vers un espace certes plus large que la Nation mais contrôlé démocratiquement. Les efforts fusionnels bilatéraux avec l'outre-Rhin ne peuvent être qu'un point de passage transitoire, au demeurant non sans danger.

Les « Lois de l’Économie » nous laissent-elles une réelle liberté, un réel espace pour décider de notre devenir, comme peuple, comme habitants d'une planète aux ressources limitées ? Ou ne pouvons nous décider démocratiquement que de la frimousse d'un « chef » (ou d'une cheffe) dont le rôle est de nous rappeler les lois de l'économie vues comme des lois de la nature ?
En quelques mots : les « lois de l'économie » de la vulgate néolibérale, présentées comme des lois de la nature, ne régissent qu'un « homo oeconomicus » rationnel calculateur qui n'est pas l'homme réel. Les économistes compétents actuels le savent.
Je vous suggère à ce sujet la lecture du livre « Les vraies lois de l'économie » de Jacques Généreux (professeur à Sciences Po), publié chez Point en 2005, coûtant 9 euros, lisible avec un peu d'effort et beaucoup de plaisir par toute personne ayant le niveau culturel d'un lycéen. On y lit par exemple la remarque qui suit, page 52 : « La victoire politique du néolibéralisme ne peut s'afficher comme une victoire des puissants sur les faibles, des riches sur les pauvres. Il lui faut donc maquiller sa victoire politique en nécessité scientifique pour décrédibiliser et décourager la contestation. »
Cette croyance dans les Lois indépassables établissant la domination économique ignore des facteurs essentiels des lois de l'économie parmi lesquelles les institutions, les croyances et les comportements ; les uns comme les autres peuvent bouger et bougent en effet. La croyance dans les lois de l'économie comme lois naturelles indépassables – comme les lois de Newton régissant la chute des pommes – est une des sources d'une forme de cynisme désespéré d'une part du peuple, voire de chacun d'entre nous, qui ne croit pas à la possibilité d'un changement autre que cosmétique. Le Président actuel n'est pas primaire de ce point de vue ; il n'est donc pas sans objet d'avoir une forme de débat avec lui ou les idées qu'il porte et représente. Mais avec quelques précautions, il tient le discours du réalisme incontournable de la nécessité de se soumettre aux lois des marchés. Pas nous ; pas aux lois qui n'en sont pas.


Ce Monsieur a été moins convaincant s'agissant des problèmes de quelques-uns de ses proches. Son respect affiché de la Justice serait plus crédible sans son pouvoir sur le processus d'accusation.
Voir aussi un entretien avec F.H. après l'intervention de N.S.
Écoutons les petites ou les grandes musiques et conservons les yeux ouverts ainsi que les neurones actifs.

lundi 17 octobre 2011

Au lendemain des primaires citoyennes


François Hollande est premier, Martine Aubry reste seconde, et François sera investi dans quelques jours comme candidat du Parti Socialiste pour les présidentielles de 2012 ; vraisemblablement la personne incarnant le futur changement. La bataille n'a pas été facile : un gros travail d'organisation, un gros travail d'explication, un gros travail pour maîtriser non pas ses nerfs, mais ses pensées : éviter la caricature de l'autre, la confiance excessive dans ses préférences d'hier ; ça a été difficile pour plusieurs, F.H. a sans doute bénéficié d'une bonne maîtrise sous cet aspect. Dès l'entre deux tours pour les candidats éliminés, dès le soir du second tour pour M.A. le ralliement à F.H. s'est exprimé. La décision des participants au vote est claire, sans être un score écrasant manifestant l'absence de démocratie. La participation des citoyens au vote est massive : certes une minorité du peuple de France, mais incommensurablement plus nombreuse que les comités directeurs de partis et même leurs militants. Est-ce à dire que le travail des uns et des autres a été nié, voire liquidé ? Non, ceux-ci (dirigeants, militants, adhérents) se sont exprimés ; mais ils n'ont pas décidé à la place des citoyens concernés.

Pour ma part, j'ai pris mon temps pour choisir pour qui voter, non par hésitation mais par volonté de choisir – dans la mesure de mes moyens de compréhension – en connaissance de cause. J'ai voté pour A.M. au premier tour, pour M.A. au second ; j'ai dit pour qui je votais avant le premier tour, après le second. J'ai même été tenté de mettre les deux bulletins, mais bien sûr, cela annule le vote et est donc contre-productif. J'ai vu des points forts chez les deux finalistes, des questions restées pendantes chez les deux. Globalement, j'étais prêt à me rallier à l'un comme à l'autre, dans l'action, et je me rallie à F.H. sans peine, restant – comme je l'aurais été avec M.A. - libre et vigilant.
Que dire maintenant ? Cela dépend à qui. Non pas que je sois tenté de tenir des discours ad-hoc (et plus ou moins contradictoires) aux uns et aux autres, mais parce que les mots et les articulations d'idées qui sont adaptés aux uns ne le sont pas toujours aux autres. Rassembler ces différents fragments en un seul message peut être intéressant et préfigurer les débats des élections de 2012, Présidentielles et Législatives, du moins tels que je les vois. A vrai dire, chacun de nous peut être concerné par plusieurs des paragraphes qui suivent : nous ne sommes pas toujours simples, même quand il nous arrive d'être naïfs.
Nous avons choisi un homme, pas une femme. Il n'est pas certain que ce soit un hasard. Celles et ceux qui résistent aux préjugés de sexe et de genre se demandent la part de préférence masculine dans ce choix. Je connais des femmes qui ont voté François pour éviter que la préférence masculine ne joue en faveur de Nicolas s'il était opposé à Martine. Nous devons pour le moins appeler François à contribuer de manière active à l'égalité et à la justice entre les sexes. Dans la suite, je dis « ceux » et « ils » ; entendez « celles et ceux » et « ils et elles ».
A ceux qui ont choisi François tôt : bravo ; peut-on vous demander le respect sans soupçon des ralliés ? Peut-on vous demander de conserver votre esprit critique et votre liberté ? Peut-on vous demander d'aider François – et nous tous – à gagner non seulement le match qui vient mais la bataille réelle contre la paupérisation, contre la domination de la finance, pour le retour du progrès ? Non seulement je l'espère mais je le crois et, quoi qu'il en soit, je prendrai ma part. Aucun leader ne peut faire grand chose d'utile s'il est entouré surtout de courtisans.
A ceux qui ont choisi Martine dès le début ou au second tour, à ceux qui ont voté Ségolène ou Arnaud ou Manuel avant de se rallier : que votre ralliement ne soit pas d'opportunité mais mû par la volonté de travailler ensemble ; que votre ralliement ne soit pas le reniement de vos idées mais continue à porter les bonnes idées de celui ou celle avec qui vous avez lutté et de ses équipes; que votre ralliement soit cependant aussi une écoute de François et de ses équipes ; que votre esprit reste libre et critique, que votre effort converge avec celui des autres citoyens voulant retrouver le chemin du progrès.
A ceux qui se sentent à gauche du PS parce qu'ils ne croient pas à la sincérité et/ou à la force des socialistes lorsqu'il faut lutter vraiment pour défendre le peuple. Conservez votre volonté de résistance, conservez votre esprit critique contre la social-démocratie enfermée dans des interdits idéologiques. Écoutez aussi les questions que nous nous posons, souvenez-vous de la difficulté et du caractère aléatoire de la prise des armes, du caractère parfois hasardeux de la démocratie, de la faible utilité d'avoir raison dans une salle enfumée et close, du caractère insuffisant des slogans de rue, des incertitudes de la société à construire ; quoique nous soyons aussi parfois dans la rue ou dans des salles closes. Ne vous reniez pas mais acceptez d'agir avec nous parfois et même de réfléchir avec nous.
A ceux qui pensent que la question majeure est maintenant écologique et que les mecs buveurs de bière, amateurs de gros seins et de gros 4x4 sont aussi parfois de gauche, nous disons notre volonté croissante d'articuler la lutte pour la planète et celle pour le peuple ; notre conviction que le marché ne peut que réagir trop tard à la décroissance de certaines ressources naturelles ; notre revendication de réfléchir à deux fois à la condamnation du nucléaire ou des OGM : l'énergie solaire est d'origine nucléaire (lointaine en kilomètres, il est vrai) et les OGM peuvent être utiles : tout dépend des objectifs, prudences et compétences de ceux qui les développent et les manipulent. Nous voulons vous écouter davantage, assurément ; être écoutés, aussi.
A ceux qui pensent que la vérité est dans le juste milieu entre la volonté du bien du peuple et les réalités du marché, donc que la vérité est dans le centre politique, aussi parce que la gauche soit manque de réalisme ou de compétence soit est démagogue et insincère, je dis que mon rêve post-capitaliste où le marché reste ouvert à un grand nombre d'acteurs indépendants mais où le pouvoir économique, dans l'entreprise, est partagé entre tous les porteurs d'enjeux, pas seulement les actionnaires, je dis que ce rêve là, nous pouvons peut-être le partager. Je dis que la difficulté principale est l'organisation de la gouvernance équilibrée. Je dis que les mesures concrètes pour nous défendre contre les excès du capital financier, nous pouvons les prendre ensemble aujourd'hui et que c'est déjà un pas vers cette société tout simplement humaniste.
A la droite que je qualifie d'honorable parce qu'elle respecte ceux qui ne font ni les mêmes analyses ni les mêmes choix de priorités qu'eux, je dis : nous resterons assurément adversaires, au moins pour ce qui est de la conquête des divers segments du pouvoir politique ; mais il y a quelques évidences, qui étaient souvent des absurdités hier, qui peuvent faire consensus, lorsque l'intérêt du peuple crève les yeux, si l'on ose dire. Je pense à une taxe sur les transactions financières, à la maîtrise de certaines formes de spéculation par exemple.
A la droite de la haine, de la mauvaise foi, du cynisme et de la défense des privilèges, par exemple celle qui accuse les socialistes de trahison de la citoyenneté parce que nous avons choisi d'ouvrir le débat et même le choix de candidats à quelques européens et quelques jeunes engagés politiquement (aucun à Bièvres par parenthèse), la plupart des gens comprennent que ces gens cherchent, aujourd'hui avec difficulté, des arguments pour nous mettre hors jeu. Il convient de répondre brièvement à leurs arguments, sans perdre trop de temps.
A la droite de la préférence nationale, je dis : une part de votre discours, celui qui tend à défendre le peuple français, repose sur des réalités subjectives et même objectives. Toutefois, bien que les uns soient sur le même trottoir et les autres hors de votre vue (?), les principaux responsables de nos problèmes ne sont pas des migrants du sud ou de l'est mais des financiers d'ici (Frankreich) ou d'un autre bout de la planète.
Est-ce que je suis en train de dire « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » ? ou de me placer abusivement et soi-disant au dessus de la mêlée ? A vrai dire je suis surtout méfiant vis à vis de tous, y compris de mes amis... et de moi-même : on peut se tromper, on peut manquer de courage, on peut être inavouablement acculé à « devoir » tromper les autres pour sauver ses « amis », ce n'est pas que « littérature » ou plutôt c'est une opportunité de bonne littérature. Mais je comprends aussi que dans presque tous les secteurs de l'opinion, il y a au moins de bonnes questions – parfois à reformuler ou transformer -, et parfois même quelques réponses dignes d'analyse. Surtout, je pense, j'espère, que au delà des visions globales ou futuristes qui portent un nom (souvent en -isme) et pendant qu'un effort se développe pour en reconstruire sur les décombres du communisme réel et du libéralisme actuel, effort auquel je participe modestement, nous pouvons ici et maintenant trouver de larges consensus pour des progrès peu discutables pour préserver notre avenir sur cette planète, l'avenir de notre jeunesse, l'avenir de notre pays, de notre Europe. Probablement quelque-chose qui ressemblera à l'abondance frugale, à terme ; on n'échappe que difficilement à l'oxymore, confert le développement durable. En tous cas pas aux marchés financiers sans foi ni loi.
J'estime qu'aujourd'hui, tout social-démocrate qu'il est (ce que les uns jugent trop et les autres pas assez à gauche mais souvenez-vous, ce n'est pas vraiment le problème), François Hollande est assez intelligent, honnête, ouvert et de bonne volonté pour nous aider à nous engager dans des voies qui ne sont pas des impasses, à la différence du Président sortant.

dimanche 16 octobre 2011

Résultats du second tour à Bièvres

Au second tour des primaires citoyenne, le 16 octobre 2011 les résultats à Bièvres sont :
inscrits 3491 ; votants : 270 soit 7,73% ; 2 blancs et 3 nuls, soit 265 exprimés.
Ont obtenu :
Martine Aubry        116 voix soit 43,77 % des exprimés,
François Hollande  149 voix soit 56,23 % des exprimés.
Merci à tous les citoyens concernés qui sont venus voter, aux assesseurs et aux scrutateurs.
Merci également à la municipalité qui a coopéré normalement à cet évènement citoyen.
Les résultats à Bièvres sont très proches des résultats nationaux.
Nous avons recueilli 217,75 euros à titre de participation aux frais de la primaire citoyenne, lors du second tour (seules les personnes n'ayant pas pris part au premier tour ont été invitées à participer financièrement).
Nous ferons bientôt quelques commentaires plus politiques ; ce soir, dodo.

samedi 15 octobre 2011

Finalisez votre choix et venez voter dimanche

Finalisez la comparaison entre les candidatures de François Hollande et Martine Aubry grâce au site de Terra-Nova http://www.debats2012.fr/

Venez voter et invitez vos proches à venir voter dimanche 16 octobre.

Voici une photo du bureau de vote de Bièvres à 9:30 au début du premier tour.

vendredi 14 octobre 2011

Le débat du second tour


L'unique débat télévisé entre François Hollande et Martine Aubry s'est tenu mercredi soir. Des experts disent que ces débats ne feraient que rarement évoluer les opinions : il renforceraient l'admiration pour son champion et provoqueraient haussements d'épaules si ce n'est des quolibets pour l'autre. Chez moi, ça ne fonctionne pas de cette manière : j'écoute vraiment. Mercredi soir, plutôt que d'aller écouter chez un ami ou la famille - ma ligne ADSL n'a récupéré un bon débit que le lendemain -, j'ai choisi d'aller écouter au « Players » rue Montmartre à Paris, parmi les soutiens de François. Histoire de voir aussi l'ambiance et comment ils (et même elles) réagissent. J'ai croisé Jack Lang, Manuel Valls, Michel Sapin et même François Hollande, bien sûr, à cinq mètres cinquante : il venait causer un moment avec ses amis et supporters, après le grand débat.
Nous avons regardé le débat, que vous pouvez revoir (pendant une semaine) sur ce lien si vous l'avez raté . Fidèle à ma démarche, j'examine avec vous ce que j'ai compris des questions posées et des réponses de l'une et de l'autre. On s'intéresse aussi aux inflexions par rapport à ce qu'on avait entendu ou cru comprendre auparavant.
A l'occasion du premier débat du premier tour, nous nous sommes posé des questions économiques, concernant la dette, la crise, la possibilité de réguler. Plusieurs questions d'Arnaud Montebourg, dans sa lettre à F.H. et M.A., portent sur ces thèmes. Quoi de neuf ?
Les deux sélectionnés du second tour ont d'abord parlé d'Economie, déjà abordée précédemment. Ils ont débattu de la répartition de nos trop rares ressources entre le désendettement et la relance ; Martine évoque 50% de nos ressources disponibles pour chacun, estimant inadapté de donner des chiffres absolus dans l'ignorance où nous sommes de l'évolution de la crise et du PIB ; elle estime aussi inadapté de mettre tout le paquet sur la dette, au détriment d'un soutien à l'activité par la consommation et le soutien à l'investissement des PME. François dit que le saut le plus difficile est à faire en 2013 (de 4,7% à 3% de déficit), puis que l'on doit passer sous 1% en 2017. Il donne donc une plus grande priorité à l'effort de désendettement, tant pour réduire notre dépendance à la finance que pour réduire la charge annuelle de la dette (rappelons que les seuls intérêts nous coûtent plus que ce que rapporte l'impôt sur le revenu, et que la « maturité » de la dette est telle que l'on en rembourse actuellement environ 3% par an, en sorte que ce niveau de déficit stabilise l'en-cours, ce que l'on doit). Autrement dit, Martine est plus flexible, propose de s'adapter à une conjoncture ou sortie de crise peu prévisible, alors que François propose une marche plus volontariste vers le désendettement).
Pour ce qui concerne la régulation des banques, Martine propose que le soutien nécessaire aux banques (qui fond appel aux fonds publics quand elles sont en difficulté et distribuent leurs bénéfices quand tout va bien) se traduisent par une prise de contrôle partiel (acquisition d'actions à hauteur de l'aide apportée). François fait remarquer que l'aide à apporter immédiatement – sous la Présidence de Nicolas Sarkosy – n'ayant pas de contre-partie, sans doute faudra-t-il entrer de droit – par la loi – dans leurs conseils d'administration, et acquérir une forme de contrôle. F.H. adopte là une position plus offensive, peut-être en réponse à l'interpellation d'Arnaud Montebourg. La séparation entre banques de détail et banques d'affaires, les unes étant dédiées à prêter pour le logement ou l'économie réelle, les autres pouvant être plus spéculantes et praticiennes du billard à trois bandes, cette séparation, donc, déjà imposée notamment aux États-Unis, est consensuelle. Comme l'est la limitation des produits dérivés les plus aventureux ou toxiques par leurs effets de levier parfois inversés, conçus par des mathématiciens débridés et utilisés par des spéculateurs dénués de toute éthique.
Les questions fiscales, particulièrement travaillées par F.H. sont l'objet d'un large consensus qui apparaît une réforme permettant de sortir du bricolage et de dégager une part importante des ressources nécessaires.
Pour les questions sociales, nous avons déjà parlé du contrat de génération propose par F.H.. Martine maintient sa prédiction de faible efficacité pour cause d'effet d'aubaine alors que l'absence de réponse de François à cette mise en garde m'inquiète. Peut-être considère-t-il que ce sont des détails techniques en deçà du niveau Présidentiel, mais le diable caché dans les détails est capable de pervertir une bonne intention. Ceci est une occurrence d'un échange qui s'est répété entre une Martine valorisant son expérience (en entreprise et comme Ministre), François répondant par la revendication de la nouveauté, d'une sorte de virginité (bien qu'il exprime aussi que notamment sa proximité avec Lionel Jospin l'a frotté aux problèmes). Nous voyons là une rencontre entre l'expérience et la fraîcheur. En fait, il s'agit d'évaluer dans notre cas le rôle de l'apprentissage : l'apprentissage peut nous figer dans des plis d'intérêt médiocre, voire toxiques (par exemple on peut « apprendre » que l'autre ne mérite pas notre attention), ou nous entraîner à affronter des situations diverses de manière intelligente et créative. Je ne développe pas, menacé par le didactisme. Mais je ne pense pas que l'expérience de Martine soit une glaciation ; et François sait apparemment écouter, et même apprendre.
Quant aux licenciements dits boursiers, c'est à dire déclenchés par la décision des actionnaires de fermer ou déplacer un morceau de force productive (une usine, mais aussi une plate-forme téléphonique par exemple) rentable mais remplaçable par une autre plus rentable, François propose d'instituer une taxe qui déplace le seuil d'opportunité de cette fâcheuse manœuvre : si ça coûte cher de faire des licenciements boursiers, il y en aura moins. On parle aussi de permettre aux syndicats de saisir le tribunal de commerce, dont je ne suis pas sûr qu'ils trouvent dans la loi ou leurs motivations propres des motivations suffisantes pour bloquer les licenciements abusifs. On parle aussi d'accélérer les procédures, notamment par un usage renforcé des référés, afin d'éviter un jugement trop tardif, « après la bataille ».
En ce qui concerne l'Europe, si Martine reste attachée comme la quasi-totalité des chefs d’État actuels ou impétrants à la confédération des États-Nations, François est moins effrayé par l'idée – et le mot – de fédéralisme ; les deux reconnaissent le besoin de passer à des modes de décision majoritaires plutôt que par unanimité, même si cela implique certains transferts de souveraineté ; ça s'appelle la subsidiarité. Peut-on accepter que l'honorable Slovaquie bloque la décision commune de faire payer aux peuples les errements des banques ? On préférerait qu'une majorité qualifiée décide de faire payer aux actionnaires les conséquences de leurs erreurs de jeu. Comme le dit Finance Watch, on ne pourra pas éternellement privatiser les gains et collectiviser les pertes.
En termes de mesures de protection de notre économie, Arnaud a contribué à dé-diaboliser cette démarche ; les deux finalistes acceptent de faire un effort de protection, au nom de la réciprocité, de la protection de la planète ou des règles du BIT (protection des travailleurs). Je note toutefois qu'ils n'intègrent pas (pas encore?) l'idée de rapprocher la production de la consommation ; aux États-Unis, au moins dans certains États, les cantines scolaires doivent fournir des produits locaux aux enfants. Il est vrai que Obama est un dangereux socialiste, comme le disent divers Républicains. Mais je remarque aussi une capacité de François à intégrer des mesures qu'il n'a pas inventées tout seul. Je ne pense pas que ce soit une faiblesse, au contraire ; si du moins il n'intègre pas trop de mesures des vautours auxquelles il n'avait pas pensé tout seul ; le lobbying est souvent efficace. Enfin, je confirme la nécessité, comprise par eux, d'avoir quelque-chose à offrir aux autres. Le « juste échange » est-il un concept suffisant ? Les mots ne le disent pas.
Sur le terrain des institutions, tous deux ont insisté sur une vraie indépendance de la justice ; l'Europe considère que les procureurs, dépendant du pouvoir exécutif, ne méritent pas le nom de Magistrats : changeons cela. Le cumul des mandats apparaît parfois aux électeurs comme une question professionnelle des élus qui les concerne peu. Quand on y réfléchit, on voit que c'est un facteur important de renouvellement, d'égalité entre les sexes, de représentation de la diversité, de renforcement de la capacité de nous représenter, de lutte contre le clientélisme. Une petite différence : Martine ne veut pas de cumul des mandats dès les prochaines législatives, François vise la fin 2012 ; l'une veut que les socialistes s'auto-appliquent cette règle sans attendre une loi, l'autre veut la mettre en œuvre après l'avoir votée (ce que le passage à gauche du Sénat permettra si l'Assemblée suit).
Les mots et les choses. Une gauche molle, dure, forte, sectaire ? Martine n'est pas satisfaite par la gauche molle, François veut rassembler et ne veut donc pas de gauche sectaire, le peuple après la droite dure ne veut pas de gauche dure, on se fait presque la bise sur la gauche forte. Les jeux de mots expriment les deux craintes classiques : pas assez fort, trop différent. Des solutions courageuses, inhabituelles, allant contre des intérêts minoritaires en nombre de personnes mais non en nombre d'euros, exigeant des efforts de tous sont nécessaires et acceptables par les personnes de bonne volonté, sur un large spectre d'identification politique sur la ligne gauche – droite. La responsabilité plutôt que la demande irresponsable de toujours plus ? Certes ; cela signifie que même participants au pouvoir économique (comme, dès maintenant, dans une coopérative), les travailleurs peuvent perdre leur travail, l'entreprise peut avoir à lutter pour sa survie et perdre la bataille. Mais pas simplement pour augmenter les profits des actionnaires. Quelle est la « responsabilité » des dirigeants protégés par des parachutes en or massif si ils « plantent » l'entreprise ?
Les règles et les volontés. Il est possible (et nécessaire) d'établir des règles telles que en recherchant son profit personnel, on contribue aussi au bien commun (c'est beaucoup plus douteux sans règles). Mais il est aussi intéressant que des acteurs y compris économiques pensent directement au bien commun. Certes, il ne suffit pas de le dire, et les investissements « responsables » doivent avoir plus qu'un affichage. Mais il reste que des vrais gens veulent le bien commun et parfois s'organisent à cet effet dans le cadre de l’Économie Solidaire et Sociale. Il y a même des cours à HEC sur le thème. Je pense qu'il faut marcher sur deux pattes : établir des règles et faciliter l'émergence des acteurs « responsables », qui pensent aussi au bien commun. Pas des copains, mais de ceux qui le prouvent dans leurs actes. Ce n'est pas le Président de la République le principal acteur dans ce domaine : ce sont les acteurs économiques concernés aux-mêmes.
Pour ma part, je persiste à désirer construire dans les têtes et dans les faits une société post-capitaliste où le pouvoir économique ne soit ni centralisé par l’État ni confisqué par les seuls actionnaires mais partagés par les porteurs d'enjeux : actionnaires, travailleurs, la société globale représentée par l’État ou une autre collectivité, et sans doute les clients ou utilisateurs eux même. Je rêve ? Certes. Mais la participation de l’État à la gouvernance des banques est plus attractive vue comme un pas vers cette société post-capitaliste (ou appelez la comme vous voulez, la marque n'est pas déposée) que vers le retour à je ne sais quel dirigisme étatique ou une parenthèse pour sauver les plus riches. On construit déjà des indicateurs équilibrés de bonne gouvernance. Une autre voie est dans l'économie sociale et solidaire (ESS) et le mouvement coopératif. On ne compte pas sur un homme ou une femme pour changer seul(e) la société ; si possible pour comprendre et faciliter son évolution. Un jour (après ma pomme, sans doute), cela fera rire de lire dans les livres que tout le pouvoir économique était dans les seules mains des actionnaires, j'en suis persuadé. Fin du paragraphe de rêve perso.
« Mais c'est quoi, ce mec (l'auteur de ce message), pour qui il se prend ? Il s'imagine qu'il va changer quelque-chose ? Tout ce qu'on lui demande c'est de choisir un(e) candidat(e) et de lui donner un coup de main ». Bonne question : sommes nous là pour adhérer à un paquet d'idées et projets à peu près cohérents et voter en conséquence ? Oui, mais pas seulement. On peut aussi faire dans une certaine mesure son marché sur le vaste étalage des idées et projets ; bien sûr on ne peut voter que pour un candidat à la fois, notamment aux Présidentielles, et en picorant des idées, on risque un caddie hétéroclite. Si, au hasard, je fais mon marché parmi les idées de plusieurs leaders socialistes, ce ne sera pas si hétéroclite : il y a des convergences importantes, naturelles et organisées par le fonctionnement du PS. Mais il y a plus : le peuple, certaines personnes du peuple, individuellement ou en mouvements : clubs, think-tanks et autres groupes « sociaux », peut aussi élaborer et assembler des idées. Ce n'est pas facile, mais c'est possible et à partir de là, on peut faire bouger les lignes, apporter de nouvelles idées, soit focalisées sur une question précise, soit plus générales. La nouvelle Démocratie que nous voulons promouvoir laisse aussi au peuple – dont font partie petits et grands intellectuels - la possibilité de construire des idées, d'en débattre, et pas seulement d'émettre des youyous (culture arabe), des booh (culture américaine), des grumble-grumble (culture britannique), des cris de joie ou de colère (culture française) ou des applaudissements (culture russe). La voie représentative muette n'est plus la seule forme de démocratie.
Revenons à l'ambiance pendant le débat : même dans une salle partisane, il y avait un (relatif) respect de l'autre, dans la conscience que l'unité se fera dès la semaine prochaine. Il y a aussi une camaraderie du type « supporters de club sportif » et d'authentiques mouvements d'adhésion. Allant à ce meeting, j'ai été agréablement surpris par l'énergie et la capacité d'écoute de François, qui ne tombe pas pour autant dans l'attrape-tout. Mais je suis sûr que j'aurais aussi apprécié un meeting de Martine, que j'ai bien sûr déjà écouté directement, par exemple dans quelques salles du sous-sol de l'Assemblée Nationale. Mercredi soir, j'ai même été brièvement interviewé par je ne sais quelle équipe de télé, sur le thème « quels sont les trois critères importants pour choisir un Président ? » ; à titre de militant anonyme.
Bon alors, pour qui tu votes ? Des tas de gens expliquent pour qui voter ou ne pas voter. De mon coté, j'ai plutôt tenté de vous accompagner dans votre réflexion. C'est vous qui décidez. Si on a fait progresser le débat, si on fait en sorte que le sortant sorte et que son successeur ou la Dame ne nous mettent pas encore plus dans la mouise, on n'aura pas perdu notre temps.

mardi 11 octobre 2011

Réponse à un discours de droite


Bien sûr, il y a des gens de droite honnêtes et honorables, qui pensent que l'économie ne peut fonctionner que par le moteur du désir d'enrichissement personnel et que la gauche est à coté de ses pompes ;  parfois, ils aimeraient un autre candidat de droite que le sortant pour 2012.
Mais il y en a aussi qui cultivent pour eux-mêmes et pour les autres le mépris, la haine, le mensonge à l'égard de la gauche. Ces temps-ci, ils sont souvent ridicules. Mais il émerge aussi un discours qui peut être plus audible, et dont j'estime utile de dire un mot. Voici en substance ce discours d'une partie de l'UMP : « Plusieurs indices, dont le principal est l'émergence d'Arnaud Montebourg comme force significative, montrent que le Parti Socialiste devient, ou au moins risque de devenir excessivement influencé par sa gauche (interne ou externe), voire l'otage de cette gauche extrême. Par exemple, le choix de la démondialisation par Arnaud Montebourg est grotesque et fait exploser de rire tous les étrangers. Cette régression, quand elle n'est pas ridicule, est dangereuse et il faut donc voter pour Nicolas Sarkozy».
Voici ma réponse. Il y a sans doute encore des nostalgiques du Léninisme, mais il faut les chercher avec une loupe. Jean-Luc Mélenchon, par exemple, qui à mon humble avis n'a pas tout compris - mais qui peut le prétendre ? - n'est pas léniniste, et est peut-être même en train d'achever le travail commencé par François Mitterand consistant à vider le PCF non pas de toute substance mais de ses cotés les plus ambigus ou dangereux. Quant à ces personnes qui veulent – ou simplement aimeraient - changer de société ou changer la société, parce qu'elles pensent que nous sommes dans une impasse sociétale et économique, il en a beaucoup, y compris quelques patrons petits ou non, y compris des croyants, y compris des socialistes comme A.M., S.R., M.A. et votre humble serviteur, y compris des paysans en difficulté, y compris des artisans, y compris des ouvriers, y compris des individualistes, y compris des fonctionnaires, y compris des cadres, y compris des employés de banque. Ces personnes sont-elles d'une dangereuse extrême-gauche, par inconscience ou perversité ? Non. Ou plutôt dangereuse, ça dépend pour qui. Ces personnes sont en effet dangereuses pour l'UMP et la finance débridée. Pas pour le peuple, pas pour les classes moyennes, pas pour la France, pas pour l'Europe. Au contraire, elles sont à mon avis un espoir, sinon le seul. Comme je l'ai déjà dit, je refuse que soient renvoyés à l'extrême-gauche ceux qui comme moi constatent la toxicité du pouvoir de la finance internationale et souhaitent une société où tout le pouvoir, y compris économique, ne soit pas confié aux seuls actionnaires. On peut tout à fait par exemple être Gaulliste et penser cela. Mais en reste-t-il plus que de léninistes ?
La stigmatisation de tout ce qui apparaît à gauche de F.H. comme dangereux extrémistes – dangereux par inconscience, jalousie, méchanceté... – a deux aspects : un aspect de fond : ces personnes (genre F. Copé) désignent en effet celles et ceux qui menacent leur pouvoir ; un aspect d'opportunité : agiter le spectre de dangereux irresponsables qui risquent de semer le désordre d'une manière ou d'une autre peut leur faire gagner les élections, espèrent-ils. Nous pensons, nous, pouvoir et devoir pour le moins modérer le désordre des marchés et des dettes.
Est-ce à dire que plus le discours est « de gauche », mieux c'est ? Pas du tout en ce qui me concerne. On connaît historiquement les saisissants contrastes entre discours de gauche et actions concrètes ; ces contrastes ne signifient pas qu'il faut tenir un discours de droite mais qu'il ne suffit pas de tenir un discours de gauche pour mériter notre confiance. On sait aussi qu'une partie des « militants » ne comprend pas l'économie et/ou ne s'en soucie pas. Je pense, pour parler par exemple de notre posture vis à vis de la mondialisation que nous devons nous défendre collectivement, surtout au niveau de l'Europe, contre le dumping social destructeur, rapprocher dans beaucoup de cas les lieux de production des lieux de consommation, diminuer notre consommation d'énergie. Nous devons aussi, bien sûr, renforcer notre effort pour avoir quelque-chose à offrir au Sud, à l'Asie, au reste de l'Europe, aux Amériques. Nous devons aussi nous mobiliser pour améliorer notre productivité, autrement qu'en baissant les salaires. Nous devons nous mobiliser pour que la génération qui vient soit formée, pour inventer, pour produire et même pour vendre et échanger, dans le cadre du juste échange. Pour cela nous avons aussi besoin de P.M.E. qui grandissent, et même de grandes entreprises ; de préférence non soumises à la dictature d'une finance qui veut concentrer ses moyens sur ce qui rapporte 15 % par an, et donc détruire le reste. Cela n'est pas extrémiste : c'est même la seule voie raisonnable, difficile mais porteuse d'espoir et de solutions durables.
Dernière minute fantastique : non, ni François Hollande ni Martine Aubry ne se sont montrés en string à la télé. Après avoir publié le présent message, je lis - comme chaque matin - ce quotidien économique d'extrême gauche nommé "Les Echos" et je vois le gros titre : Comment l'Europe aide la vente d'Airbus chinois (en lui donnant les mêmes aides à l'exportation que les appareils fabriqués en Europe). Et le quotidien de s'interroger sur la pertinence de cette aide. Les Echos se donneraient-ils le "ridicule" de s'interroger sur la mondialisation ?

lundi 10 octobre 2011

à propos de l'usage de ce blog


Les habitués du web ont sans doute remarqué que l'adresse (l'URL en langage technique) affichée lorsque l'on navigue dans le blog reste figée à http://primairesps2012bievres.fr/ ; cela peut être gênant lorsque l'on veut enregistrer ou transmettre à un ami l'adresse spécifique d'une page ; il y a un moyen de contourner ce trait de notre blog : utilisez l'adresse http://primairescitoyennes2012bievres.blogspot.com/ et vous verrez l'URL évoluer classiquement en naviguant d'une page à l'autre.
Où en sont les statistiques ? Il y a ces temps-ci une cinquantaine de pages consultées par jour (sans compter ma propre navigation) ; il y a des pics de consultation d'une bonne dizaine de pages simultanément. Cela est modeste mais non négligeable, et croissant.
Enfin, notons qu'il m'arrive régulièrement d'ajuster une page lorsque je remarque (ou que l'on me fait remarquer) une erreur de forme ou une information manquante. Par exemple, je viens d'ajouter au post sur les résultats du premier tour la somme d'argent collectée à Bièvres pour participer aux frais.
La facilité de recherche "à la Google" dans le blog ne fonctionnait pas comme plusieurs l'ont remarqué : elle fonctionne maintenant, cela peut être pratique pour rechercher où nous débattons d'un thème. 

Du premier au second tour, préférences


Quoique depuis longtemps intéressé par plusieurs aspects de l'action et du discours de S.R. comme de A.M. et même des autres leaders, je me suis bien gardé de me laisser séduire trop vite par un quelconque candidat et ce n'est que la semaine dernière, après une longue réflexion, que j'ai décidé de voter pour Arnaud.
Pourquoi ? Il porte (je n'ai pas dit il portait) à mon sens la plus forte dynamique vers une société de liberté et de justice sociale, non pas idéalisée sur le plan économique mais au contraire réfléchie ; d'abord réservé sur le thème de la démondialisation, au moins en tant que mot et concept central,  ce qu'il en dit en terme de positions concrètes m'est apparu intelligent et modéré. Par ailleurs, je considère qu'il porte comme Martine, mais davantage qu'elle, un authentique projet d'alternative - plus que d'alternance - ; j'estime nécessaire de dépasser le capitalisme sans quitter l'économie de marché, disons simplement en ne donnant pas « le pouvoir » économique sans partage aux actionnaires, mais en construisant une gouvernance plus équilibrée entre les différents porteurs d'enjeu, notamment pour sortir de la dictature des marchés financiers. A ce titre, l'économie sociale et solidaire, le « capitalisme coopératif » sont des voies à renforcer. Une social-démocratie "bloquée" sur ce thème ne m'intéresse guère et je pense que ce "blocage" n'est pas étranger à la déréliction de la gauche vécue par une part du peuple.
Et le second tour ? Je n'ai aucune haine contre François mais considère Martine comme plus accessible aux nécessaires efforts de « nouvelle civilisation », pas seulement sur l'intéressante base du care. A suivre.
Ceci est la photo de ma réflexion aujourd'hui ; j'écoute encore.