dimanche 27 novembre 2011

Comment transformer une vérité en mensonge ressenti


Comment transformer une vérité en probable mensonge et, du même mouvement, comment transformer un mensonge en vérité admise par de nombreux citoyens ? Voici deux exemples de ce processus, qui peut être bien « utile » à ceux qui travaillent à le mettre en œuvre

Premier exemple : le réchauffement climatique

Première phase : face à divers indicateurs, un nombre croissant de scientifiques se pose la question de la réalité du réchauffement climatique, de ses effets, et de la responsabilité de l'activité humaine dans ce processus.
Seconde phase : un groupe se forme alors aux États Unis, formé de vénérables savants ayant généralement cessé toute activité scientifique digne de ce nom, mais ayant des noms célèbres – j'en ai croisé un à Los Alamos -, ayant servi de conseillers à d'anciens Présidents Républicains, et convaincus de la toxicité de toute régulation, au nom de l'Amérique, du Marché, de la science économique vue comme la justification de l'ultra-libéralisme ; ce groupe développe une argumentation qui nie le réchauffement climatique – ce ne serait qu'une fluctuation à court terme – et surtout le caractère dominant de l'effet de serre (on oublierait divers autres effets, on surestimerait celui-ci). Ce groupe soupçonne les tenants de la réalité du réchauffement climatique d'insuffisance scientifique et de partialité. Disposant d'imposants moyens de communication, il est écouté. Nous l'appellerons le groupe négationniste
Troisième phase : face à ce discours qu'ils ressentent comme de l'intox et injurieux pour leur travail, une part des scientifiques travaillant sur le sujet ne se contente plus d'arguments scientifiques, mais puisque ceux-ci ne sont guère écoutés, entre parfois dans une posture militante, dénonce, s'organise, polémique ; au moins, ils en parlent entre eux, par courriers électronique notamment.
Quatrième phase : le groupe négationniste ultra-libéral se procure et publie des fragments de la communication des scientifiques et s'exclame : « on vous l'avait bien dit, ces soit-disant scientifiques sont des militants écologistes, unamerican (non américains), leur parole ne vaut rien, ne croyez pas au réchauffement climatique » . Au total, la fraction du grand public (des citoyens) qui pense que le réchauffement climatique existe diminue, passant grossièrement en quelques années des trois quarts à la moitié.
S'il est excessif ou prématuré de dire que les négationnistes ont gagné – l'avenir nous le dira -, disons qu'ils défendent avec succès les groupes pétroliers, malgré les marées noires (les pélicans embourbés, c'est des images pour femmelettes). Leur seconde arme consiste à dire : « oui, il faut soutenir les énergies renouvelables, d'ailleurs nous le faisons, à vrai dire c'est surtout nous qui le faisons ». Ils oublient de dire qu'ils affectent à ce travail des millions de dollars, en réservant des milliards au développement de l'exploitation des combustibles fossiles, non renouvelables, et responsables de l'effet de serre qui joue un rôle majeur dans le réchauffement climatique ; ils sont dans la logique «j'utilise à mon gré de grosses sommes et fais ostensiblement don de quelques piécettes ». Le grand public, et parfois même les journalistes, confond souvent millions et milliards (qui signifient essentiellement « beaucoup ») et la rareté de cette comparaison quantitative dans la communication qui l'atteint fait son effet. Il est donc vraisemblable, quoique non certain, que les américains n'investiront suffisamment dans les énergies renouvelables que lorsque les combustibles fossiles commenceront vraiment à manquer, en d'autres termes quand le marché s'en apercevra.

Second exemple : la nature de l'opposition en Syrie

Première phase : face aux manifestations en Syrie et à leur répression brutale, un nombre croissant de citoyens et de journalistes estime la répression disproportionnée et illégitime.
Seconde phase : le pouvoir Syrien et ses alliés – y compris la Russie (et Poutine vient de recevoir le prix Confucius) – explique que les manifestants sont violents, qu'il faut bien maintenir l'ordre, que la guerre civile menace.
Troisième phase : face à la violence policière et militaire du pouvoir, une part - encore minime – des opposants passe à la lutte armée, cela fait d'ailleurs débat dans ses rangs, qui s'organisent.
Quatrième phase : vous avez compris ; le pouvoir ne cache pas les quelques tirs dont il est la cible ; au contraire, cela justifie son discours « les opposants sont armés, nous devons défendre la patrie ». C'est nous ou le chaos.

Que nous apprennent ces deux exemples ?

Mon propos est de souligner que dans les deux cas, le mensonge produit sa justification : la critique injustifiée des scientifiques rend certains d'entre eux militants, comme les tirs sur les manifestants accusés d'être des groupes armés amènent une part d'entre eux à la résistance armée. Ces mensonges ont un effet auto-réalisateur, comme parfois les sondages et les notations des agences. Nous devons résister à ces effets, notamment en ce qui concerne la science, en maintenant bec et ongles sa rigueur, plutôt que de passer à la communication, où l'on ne dit que ce qui arrange.
Lorsqu'il y a des analogies dans un débat ou une polémique avec le début des deux processus que nous venons de décrire, on peut légitimement se poser la question de la suite : les phases trois et quatre ne menacent-elles pas ? Les manipulateurs de l'information ne gagnent pas toujours la bataille destinée à défendre leurs intérêts. Nous choisissons la vérité.
JLE

vendredi 25 novembre 2011

Quels débats concernant l'environnement et le nucléaire ?


Nous assistons à des « débats » concernant l'environnement et particulièrement l'énergie nucléaire qui relèvent en partie du cafouillage ou de positions de principe – donc non négociables – ou du questionnement de la légitimité des interlocuteurs (lobby) ou des personnalités des interlocuteurs (un homme de compromis vis à vis d'une femme indignée et peu encline au compromis). J'ai quelques choses à dire sur ces sujets.

D'où je parle ?

J'ai été quinze ans physicien nucléaire, non pas ingénieur nucléaire, non concerné par la production d'énergie, mais cependant attentif à la chose, dès l'époque où un certain de Gaulle attirait de jeunes compétences dans ce secteur. D'autre part, j'ai réfléchi aux questions environnementales, suffisamment pour reconnaître leur importance capitale, je dirais à égalité avec les questions sociales et en forte interaction avec elles. J'en suis encore à me gratter la tête quant à l'interaction entre les questions environnementales et les questions économiques, le « développement durable » étant en partie un tour de passe-passe linguistique pour « résoudre » la question en deux mots.

Sujets environnementaux

Quels sont les problèmes environnementaux auxquels nous sommes ou allons être confrontés ?
L'humanité a déjà été confrontée à de graves problèmes environnementaux, dus aux glaciations, aux désertifications, à la disparition d'espèces. Mais il y a trois nouveautés :
  1. l'impact de l'humanité sur la planète est maintenant très important, par exemple sur le réchauffement climatique, alors qu'il était négligeable dans l'antiquité ou auparavant (sauf localement parfois) ;
  2. nous approchons ou touchons déjà dans quelques domaines les limites des ressources naturelles ;
  3. le système économique dominant ne tient pas « naturellement » compte de ces questions, qui ont peu de valeur marchande malgré le buzz, mais nous devenons en revanche capables d'analyse et pouvons choisir de prendre en mains ces aspects de notre avenir comme civilisation, voire comme espèce ; capables d'action responsables, donc, pas seulement d'analyse et de discours.
L' « écologie » n'est donc pas fondamentalement le souci des « bobos » qui veulent préserver leur jardin. Et si des bobos attirent notre attention sur ces questions, tant mieux ; à condition du moins que nous élevions notre réflexion au delà de leurs problèmes propres, par exemple en pensant aussi au peuple. A tout prendre, on peut écouter ces gens autant que les multinationales et se servir de nos neurones.

Quels sont les problèmes ou les menaces ?

En voici quelques uns, comme ils me viennent à l'esprit :
  • du coté des ressources :
  • l'eau, potable, pour irriguer, pour laver, pour produire, manque et est une menace géopolitique ;
  • l'énergie :
    • les énergies fossiles s'épuisent pour le pétrole (voir peakoil), sont dangereuses pour l'eau des nappes comme les schistes bitumineux, ou pour l'effet de serre comme le charbon ou le gaz qui s'épuisent aussi, quoique moins immédiatement.
    • L'énergie nucléaire mieux maîtrisée en France que dans la plupart des autres pays, est efficace et ne provoque pas d'effet de serre, mais présente des dangers (accidents et gestion des déchets). On se souvient qu'un certain Sarkozy en a proposé à un certain Kaddafi ? C'était du bon leadership, ça ? La sous-traitance insuffisamment formée est un danger, mais c'est moins cher.
    • Les énergies renouvelables que je qualifierais de simples en ce qu'elles exploitent assez directement les ressources solaires, éoliennes, des courants marins, des combustibles naturels comme le bois, de la chaleur de la terre, de la gravitation (hydroélectricité, à peu près totalement exploitée chez nous). Leur exploitation doit à l'évidence être fortement développée, ce qui est et restera long et coûteux, et pose aussi des problèmes « environnementaux » en terme d'espace utilisé, de paysage, de bruit, de gestion de la forêt, de captation de l'eau de ruissellement. Le transport et le stockage sont aussi des sujets délicats : une faible fraction de l'énergie solaire chauffant les sables du Sahara suffirait à fournir l'énergie nécessaire à la planète mais le transport par des câbles à haute tension actuels est inefficace. La supra-conductivité actuelle est très coûteuse. L'hydrogène obtenu en cassant (par électrolyse) les molécules d'eau est un excellent moyen de stockage, un moyen possible de transport, mais cher et dangereux. On en reparlera sûrement. Au passage, l'hydrogène n'est pas une énergie primaire : produire ce gaz coûte un peu plus d'énergie que cela en fournit ; le liquéfier est délicat. Nous ne parlons pas d'AQMI dans le coin. J'ai vu de mes yeux une explosion à Saclay, j'étais à la cantine.
    • Les énergies renouvelables indirectes passant par la biochimie, comme la production de combustibles à partir de la biomasse sans passer par la longue case fossile posent dans l'état actuel des choses des problèmes aussi sérieux que ceux du nucléaire, dont le moindre n'est pas la concurrence de l'usage des terres arables avec l'agriculture à usage alimentaire, qu'elle soit vivrière ou qu'elle passe par la case marchés. Et puis la chimie, c'est parfois dangereux. Mais je pense qu'il y a dans la valorisation courte de la biomasse un potentiel essentiel ; sans doute faudra-t-il passer par des bactéries ad-hoc, fruit de manipulations génétiques (voir en fin de ce message). Les travaux sont en cours, bien sûr.
    • Le mouvement perpétuel n'existe pas. L'énergie solaire recueillie sur la lune n'est pas transportable en quantité. Les effort d'imagination sont possibles, mais pas tous crédibles. Un barrage à Gibraltar est possible, mais cher ; on y a déjà pensé. Le seul miracle plausible est la maîtrise de la fusion nucléaire (voir ITER à Cadarache).
    • Les meilleurs mégawatts sont les négawatts : l'économie d'énergie. Isoler les habitations est une priorité, même en centre ville historique, désolé pour les habitudes des Architectes des Bâtiments de France, mais on aura besoin d'eux pour le faire bien. C'est trop cher ? Pas si on raisonne en coût total sur la durée de vie de l'habitation. C'est ce que l'on fait déjà dans les logements sociaux de Paris, pas dans ceux d'un phalanstère socialiste utopique sur une île déserte. Le coût total devrait être présenté à l'acheteur, pas seulement le coût immédiat. Utiliser des transports plus économes est nécessaire, supprimer la voiture est irréaliste, rendre son usage moins fréquent est possible. Pourquoi le kérosène des charters qui nous emmènent bronzer loin est-il détaxé ? Vous vous êtes posé la question ? Le lobby des voyagistes ? Les pauvres employés des agences de voyage et les guides tunisiens ? Le kérosène doit être taxé. Même si ça nous oblige à bronzer dans les Cévennes. De toute manière il n'y en aura plus beaucoup pour nos petits enfants. Je ne blague pas.
  • La production agricole : il faut nourrir beaucoup de gens, il vaut mieux avoir une certaine autonomie alimentaire ; acheter des salades locales, pas des fraises en hiver. Modérer l'agriculture intensive peu durable et polluante. Laisser vivre des paysans autrement qu'en les assistant. Difficile, on ne développe pas ici.
  • Les ressources naturelles rares (les terres rares par exemple) ou dont le prix grimpe vite (métaux) ; continuer la recherche sur les matériaux. Ne pas laisser les chinois nous priver de terres rares (nécessaires pour l'électronique).
  • Il n'y a pas que la finitude des ressources : il y a aussi la pollution qui détruit la qualité de la vie, voire la vie tout court ;
    • la production excessive et la gestion des déchets ordinaires : la camorra napolitaine ne fait pas l'affaire ; Véolia c'est mieux mais la question doit rester objet de grande attention, pas seulement lorsque c'est à coté de mon jardin. Quoique défendre notre jardin, par exemple la vallée de la Bièvre, il faut continuer à le faire.
    • La production et la gestion des déchets dangereux. Il a les déchets chimiques actifs et même ceux qui sont peu actifs (bouteilles et sacs en plastique mais très peu biodégradables qui encombrent les mers et les plages, notamment. Il arrive qu'on les exporte dans des pays pauvres sans contrôle, sans société civile capable de se défendre. Les déchets nucléaires sont aussi un vrai problème, difficile et coûteux à gérer en raison de leur très long temps de vie (milliers d'années). Mais savez-vous qu'il y a des poches de magma chaud, la chaleur venant de la radioactivité naturelle, à 1500 mètres de profondeur ? Qu'elles sont utilisées ou utilisables en géothermie ? Il y a des mines plus profondes que cela : il faut et on peut enterrer les déchets très radioactifs profondément, dans des structures géologiques stables. Les quantités à gérer sont très faibles comparées à celles sorties des mines. Vous avez vu les déjections d'une mine de cuivre ?
    • Le fonctionnement des usines dangereuses, chimiques ou de production d'énergie : Bhopal a tué beaucoup de gens, souvenez-vous de Sévézo, de Toulouse. Nous devons y faire très attention ; les ingénieurs de sûreté nucléaire ont une culture très supérieure à ceux de l'industrie chimique, dont les services de sécurité - fiabilité sont parfois limités en compétence et en pouvoir : utilisons leurs compétences dans la chimie, par exemple, plutôt que de les mettre en retraite anticipée à l'occasion de la réduction du nucléaire ; ne les stigmatisons pas : utilisons leur grand professionnalisme ; je sais de quoi je parle. L'industrie nucléaire est dangereuse, pas seulement à Fukushima ou dans l'EDF ; les médecins ne font pas toujours attention aux déchets radioactifs des hôpitaux ni aux doses de rayons X reçues par les patients lors des examens. Les tsunamis font beaucoup de morts directement mais aussi par leur effet long sur des centrales nucléaires et leur environnement ; ne mangez pas de riz ou des légumes produit près de Fukushima. Les gens qui y habitent encore sont un rien négligés. Savez-vous qu'une habitante de Bièvres (91570 France), que je connais bien a trouvé des isotopes radioactifs dans la cave d'une maison dont elle a hérité ? Comme c'est une personnes sérieuse, elle l'a déclaré, sur mon conseil d'ailleurs, par une action longue, passant par les cases incrédulité et immobilisme, cela a été finalement enlevé par des professionnels, mais cela lui a coûté très cher ; combien auraient préféré les mettre en douce à la poubelle ? J'affirme qu'il vaudrait beaucoup mieux que ces coûts soient pris en charge par la collectivité locale, quitte à ce qu'elle se retourne contre un tiers responsable. Il y a des quantités significatives de divers isotopes actifs à Saclay (notamment de tritium) ; dangereux. Demandez au hasard à un élu local, à un pharmacien, à un policier, à un pompier comment on est averti et ce qu'il faut faire s'il y a une alerte. Ils ne savent pas. Même ceux qui aiment Eva Joly ou ne l'aiment pas mais sont néanmoins écolos. C'est pourtant assez facile à corriger ; et aussi utile que d'utiliser des toilettes sèches, une bonne pratique, du reste.
  • Les fondements mêmes de l'économie actuelle ; si j'ai bien compris (je suis en train d'étudier, je ne sais pas tout, dites moi si je me trompe), dans nos pays européens (la situation est différente aux États Unis où les pouvoirs publics créent de la monnaie), la création de monnaie est l'affaire des banques : lorsqu'elles nous prêtent disons cent mille euros, elles créent quatre-vingt dix mille euros de monnaie ; ça s'appelle un effet de levier. Elles n'utilisent que marginalement les dépôts des autres clients. Qu'est-ce qui garantit cette monnaie magiquement créée ? Pas de l'or. Uniquement la promesse de remboursement de l'emprunteur. On appelle cela de l'argent-dette (cherchez ce terme sur Google). Cela a plusieurs conséquences : la première est que cela rend nécessaire une croissance importante et indéfinie, un peu hélas comme un Ponzi, et assurément sans égard pour la finitude des ressources de la planète. La seconde est que la monnaie créée n'incluant pas les futurs intérêts à payer, ce mécanisme draine vers les banques une part toujours croissante de la masse monétaire disponible ; en d'autres termes cette « croissance », si elle est peu compatible avec une saine gestion de l'environnement, est parfaitement compatible avec l'appauvrissement du peuple. Ce ne sont pas les États (qui disposent d'un reste de contrôle démocratique) qui font marcher cette planche à billets, ce sont les banques. Tiens, ça ne nous rappelle pas la Grèce, le Portugal, l'Irlande, l'Italie, la rigueur commencée et annoncée ? C'est un ridicule discours gauchiste ou d'ayatollahs verts ? Je crains que non, hélas. La gauche républicaine a une solution ? Cela reste à voir ; il faut l'aider. Tout ce qui est excessif est insignifiant ? Et l'augmentation des ressources accompagnée de la baisse du pouvoir d'achat de la plupart, c'est excessif ? C'est insignifiant ?
Alors vous m'excuserez, mais présenter la production d'énergie nucléaire comme le problème, franchement, je n'y crois pas. Je crois fermement à la nécessité d'une nouvelle économie qui ne nous envoie pas dans le mur en terme d'environnement et nous libère de l'emprise des cupides. Je ne suis pas sûr que nous soyons capables collectivement de faire ce qui est pourtant nécessaire. Parfois, cela tourne mal, quand on n'a pas la capacité, le courage, l'intelligence de faire ce qui est nécessaire : augmentation en flèche de la misère, émeutes, guerres, catastrophes industrielles. Bon, on n'en est pas là ici ; alors on dort sur nos deux oreilles et on crie contre les centrales nucléaires ? On vote à droite, pour garder un type qui s'y connaît en réunions entre dirigeants économico-politiques ?
Parfois, le compromis mécontente tout le monde et ne résout rien : mi-chêvre mi-chou et tout le monde est dans la mouise. Il arrive que je pense en termes radicaux. En ce qui concerne le nucléaire, je pense que la position de François Hollande et de l'alliance EE-LV – PS, qui est en effet un compromis, est correcte : diminuer la part du nucléaire sans le liquider, augmenter (beaucoup) la part des énergies renouvelables et des économies d'énergie, oui, c'est la bonne voie pour les années à venir. Parfois, le compromis est la bonne voie. Avoir un ADN anti-compromis comme Eva, pourquoi pas, mais cela fait parfois dire des bêtises. Notons aussi que l'accord dont nous parlons peut être vu comme un compromis, mais aussi comme une rupture avec une politique de domination du nucléaire qui peut avoir freiné le développement des énergies alternatives renouvelables.
Un mot sur les lobbies : je suis contre les lobbies qui négocient en cachette, financent en dessous de table et menacent en termes courtois. Mais qu'une boite comme Areva rappelle qu'on ne peut pas supprimer un combustible (le mox, voyez par exemple dans wikipedia) nécessaire à des centrales que l'on ne fermera pas toutes, non : elle fait son boulot.
Théologie, philosophie, idéologie... L'homme, délégué à la gestion de la terre par un Dieu unique et tout-puissant, a tous les droits – quoique quelques responsabilités – sur la terre. Les trois monothéismes dont nous sommes familiers, à la différence des polythéismes, nous ont inculqué cette idée, qui persiste bien sûr chez les agnostiques et autres athées. Un peu d'introspection sur cet héritage ne fait pas de mal.
Dans l'univers, une très large partie de l'énergie qui agit (hors la gravitation et de possibles énergies encore peu comprises mais vraisemblablement mineures) est d'origine nucléaire ou subnucléaire : toute la chaleur rayonnée, celle du soleil naturellement, et celle du sous-sol (centre de la terre), qui viennent soit de fusion soit de fission nucléaires ; donc indirectement l'énergie solaire, fossile et géothermique ; et le bois bien sûr. Il n'est donc pas tout à fait ridicule de chercher une compréhension et une capacité de maîtrise directe de ces énergies. Cela est largement fait dans le domaine militaire dont nous parlons peu, alors que ses dangers existent vraiment, cela est partiellement fait dans le domaine de l'énergie et il m'apparaît légitime sinon nécessaire de continuer à travailler pour maîtriser les énergies qui gouvernent l'univers plutôt que de les rejeter hors de notre sphère mentale et de notre sphère d'action. Cela prendra du temps pour maîtriser la fusion, mais je pense que l'on y arrivera ; je préfère une pensée environnementale qui pense aussi à long terme en matière technologique, qui pense aussi en terme de système économique, pas seulement en termes d'épuisement des ressources et de nuisances. L'énergie dominante de l'univers, l'énergie nucléaire, est bien sûr aussi une énergie naturelle, pas une énergie surnaturelle. Ce qui n'empêche pas d'utiliser l'énergie renouvelable, qui n'est nucléaire qu'indirectement.
Modernité. Dire comme je l'ai entendu dire par Madame Joly que l'énergie nucléaire est celle du passé relève de la propagande et non de la pensée sérieuse : dire que ce qui est moderne est bien, donc que ce qui est mal est démodé relève d'une « communication » digne de la plus mauvaise pub. On comprend qu'elle veuille lutter contre l'idée que l'atome c'est moderne donc c'est bien, mais il vaut mieux utiliser de bons arguments que de tenter d'en retourner de mauvais, à mon humble mais stable avis.
Manipulations génétiques. Le plus grand pourvoyeur de telles manipulation est bien sûr la nature. Le problème est que lorsque c'est Monsanto qui les fait, son objectif est le profit immédiat et qu'il est peu concerné par les effets collatéraux ou à long terme. Les effets aux Etats-Unis de ses herbicides sont très intéressants (prolifération d'une mauvaise herbe résistante). Cette question relève d'un sujet de rédaction de lycée : « science sans conscience n'est que ruine de l'âme ». Les multinationales cupides sont peu crédibles en termes de conscience, même lorsqu'elles communiquent sur le thème ; les États ne le sont pas nécessairement davantage : encore leur faut-il pilotage démocratique et transparence. Des acteurs a priori éthiques de la société civile posent des problèmes analogues : les déclarations d'intention ne suffisent pas, la bonne volonté non plus, la compétence est chère, les idées préconçues ont la vie dure. Problèmes difficiles, donc, mais non pas insurmontables. Il n'y a pas de paradis terrestre en vue, l'apocalypse est plutôt une menace qu'une opportunité, pour la plupart d'entre nous. La société communiste (idéale, pas réelle au sens soviétique, que je connais bien pour y avoir travaillé) n'est pas au programme, en tous cas pour 2012. Sans aucun doute, nos sociétés réelles futures devront assumer cette difficulté : continuer et maîtriser des progrès scientifiques et technologiques dangereux. Il restera quelques problèmes même si on élit François Hollande, il le sait, je crois. Un naturisme naïf ne fera pas l'affaire, pas plus que la foi dans l'identification automatique du progrès technique avec le progrès humain. Pas de foi naïve, ni de délégation aveugle à des acteurs insoupçonnables par nature (le Président, l'Etat, l'Europe, les Marchés, le Parti, la Science, une ONG), donc : travail, transparence, intelligence, critique, débat, démocratie. Ou catastrophe. Bien sûr, ne nous privons pas de travailler avec et au sein des acteurs mentionnés, autant qu'il est pertinent : tous ont quelque-chose à dire et à faire.
Pour en savoir plus, procurez-vous le magasine hors série du journal Le Monde qui vient de paraître sur le sujet.
Exprimez-vous si vous voulez en remplissant tout ou partie de notre questionnaire.
Je me suis réveillé – pardon j'ai réveillé ce blog – à l'occasion d'un débat que je crois important, par les questions qu'il pose, non par le spectacle qu'il offre ; comme d'hab. A mon avis il n'est pas terminé avec ce message. Bien sûr... A plus.