jeudi 5 juillet 2012

Ferrand, Higgs et Carmignac


Olivier Ferrand

Le même jour, j'ai reçu un mot d'Olivier Ferrand à ses « amis facebook » disant : « Olivier Ferrand a ajouté un emploi : Assemblée Nationale à son timeline » et j'ai appris qu'il était victime d'un arrêt cardiaque après un jogging matinal près de sa maison de famille dans les Bouches du Rhône, là où il vient – il venait - d'être élu. C'est davantage qu'une minute de silence que cela a déclenché chez moi. Certes il n'était pas un intime ; seulement un expert que Michel Yahiel a fait venir l'an dernier à Bièvres pour parler d'Europe ; seulement un homme politique « différent » avec qui j'ai dîné un soir - avec une trentaine d'autres – à la Rochelle, avec qui j'ai eu quelques brefs échanges, dont j'ai lu un livre (L'Europe contre l'Europe : Appel à une nouvelle génération européenne) et quelques articles ; seulement un élu des Bouches du Rhône, comme mon grand père (Dominique Duverger) l'a été du temps de la SFIO d'avant le congrès de Tours ; seulement un socialiste peu enclin aux jeux d'appareils, comme je le suis ; seulement un homme réfléchissant vraiment à plusieurs questions ; seulement le fondateur d'un collectif de réflexion que j'ai rejoint, Terra Nova.
Olivier Ferrand a pris une part significative dans l'effort que plusieurs ont fait pour reprendre calmement quelques questions actuelles, parfois fondamentales, pour rénover le PS, pas d'un coup de com, mieux que ça. Il a heurté des sensibilités, la mienne parfois. Il a fait partie des gens qui ne croient guère à un changement fondamental, passant du capitalisme à (tout) autre chose. Je fais partie des gens qui n'attachent pas une telle importance au « socialisme réel » se réclamant de la pensée communiste qu'ils estiment que la seule alternative possible au capitalisme étant le communisme à la Brejnev, il en résulte que le capitalisme est indépassable et donc éternel. La chute du mur, l'échec du "communisme" n'impliquent pas qu'il n'y a rien hors du capitalisme. Je pense qu'il convient de le dépasser. Ce qui n'empêche pas de le réformer. On en reparlera. Avec Olivier Ferrand, on pouvait réfléchir calmement, analyser et proposer. Nous lui devons de continuer.
Je suis allé hier après-midi 4 juin à la cérémonie d'inhumation d'Olivier Ferrand. Ni fleurs ni couronnes ; ceux qui veulent participer peuvent envoyer des dons à l'intersyndicale de LyondellBaseul à Berre (à l'ordre de ADRSPB), cela sera cohérent avec l'engagement d'O.F. pour ces personnes menacées par la fermeture de leur site. Saint Sulpice est plus belle à l'intérieur qu'à l'extérieur. La nef était pleine ; j'ai reconnu Michel Rocard, Lionel Jospin, Claude Bartolone, Manuel Valls et quelques autres. Le prêtre officiant a évoqué Terra Nova, qui est aussi terre de justice dans l'apocalypse biblique. Jospin, Valls, Bartolone ont pris la parole après la famille. Tous ont souligné sa volonté, son ouverture, sa capacité à comprendre et à agir. Les derniers mots de Bartolone ont été quelque-chose comme « les larmes de l'Assemblée Nationale accompagnent un fils aimant, un fils aimé ». Beaucoup de costumes et de robes sombres, quelques tâches de couleur de robes d'été. Une émotion véritable, partagée. Puis le retour vers le RER, à travers le jardin du Luxembourg. Olivier Ferrand était une personne de grande qualité.

Le boson de Higgs

La matière est faite de particules généralement stables et d'autres qui incarnent et médiatisent les interactions électromagnétique, forte et faible ainsi que la gravité. Le médiateur, dans la gravité, est prévu comme probable depuis 1964, dans ce que l'on appelle le modèle standard ; c'est le boson de Higgs. Mais on ne l'avait pas « vu ». Compte tenu de son poids – plus de cent fois celui d'un proton, 125 Gev – il est difficile à isoler et l'on n'observe, compte tenu de sa durée de vie, que la gerbe des produits de sa décomposition. Il y a moins d'une chance sur un million pour que les observations faites au CERN ne soient qu'une fluctuation statistique. Le CERN abrite sous la frontière franco-suisse le plus grand accélérateur de cette planète, le LHC. Plus les accélérateurs sont grands, plus ils voient de petites choses ou des choses lourdes. A quoi ça sert ? La quête de l'humanité pour comprendre la nature est sans fin. Nous ne nous contentons pas d'un sac de lois indépendantes considérées comme immuables, nous comprenons de mieux en mieux comment elles s'articulent et d'où elles sortent. Cela donne des connaissances solides, mais toujours questionnables. Le « modèle standard » est fortement renforcé : sa capacité à prédire la particule lourde et cependant évanescente qui rend compte de la masse est impressionnante. L'histoire n'est pas terminée, ici n'est pas le lieu de développer. L'extrême difficulté de ces recherches, y compris d'un point de vue technique, a des retombées technologiques, un peu comme la recherche militaire ; à part que c'est moins dangereux et mieux partagé. En revanche, les retombées pratiques du boson de Brout-Englert-Higgs ne sont pas prévisibles aujourd'hui. L'accroissement de la robustesse du modèle standard renforce la crédibilité de ce que nous croyons savoir de l'histoire et du devenir de l'univers dont la planète bleue est l'infime partie où nous vivons. La matière et les interactions « noires » restent inconnues pour l'essentiel. Le monde dont on parle ici n'est pas le monde des physiciens, mais bien celui où nous vivons tous ; les physiciens nous proposent des lunettes pour en comprendre deux facettes, paradoxalement le très petit et le très grand. Notons que le monde est, un peu comme le langage (lettres, phonèmes, mots, phrases, discours) un empilement de couches portant chacune des propriétés émergentes de plus en plus difficiles à expliquer par la couche du dessous : particules « élémentaires », atomes, molécules, micro-biologie, biologie, sciences sociales. La découverte du boson de Higgs manifeste le succès de la coopération de personnes de grande qualité.

Carmignac

Monsieur Edouard Carmignac, financier de son état,  publie dans Le Monde daté d'aujourd'hui une pleine page où il explique à Monsieur François Hollande, calmement mais fermement (LOL), en quoi « Hélas, les projets annoncés par votre gouvernement ne vont pas en ce sens (réformer notre pays en profondeur pour l'aider à faire face aux imposants défis qui l'attendent) et constituent une accumulation de menaces funestes. La mise en place d'une fiscalité confiscatoire décapiterait les états-majors de nos entreprises, accélérant l'exode de leurs dirigeants... l'augmentation du Livret A faciliterait certes le placement de la dette publique, mais engouffrerait une part accrue de l'épargne populaire dans un placement à la rentabilité médiocre ». J'en passe.
Rappel : le livret A sert surtout à financer des logements sociaux ; il en manque.
Vous vous souvenez peut-être que j'ai écrit, plusieurs fois, que la victoire électorale de la gauche, socialistes en tête, allait ouvrir une période de cohabitation avec l'autre pouvoir, celui de la finance. Nous y voilà.
Les revenus des dirigeants du CAC40 représentent 240 SMIC. Il est vraisemblable qu'une partie des dirigeants actuels des grandes entreprises soient bons, voire excellents, à extraire une part croissante et indécente de la plus-value vers eux-mêmes et les grands détenteurs de la finance. Les entreprises ne pourraient être dirigées que par des cupides et pour des cupides ? Le seul vrai moteur des gens intelligents ne pourrait être que les intérêts personnels, les leurs et ceux pour qui ils travaillent ? Nous ne le croyons pas. Il n'y a pas que des Carmignac ; il y a aussi des Ferrand, des Higgs et même des entrepreneurs qui travaillent pour tous les porteurs d'enjeux, pour qui l'éthique a un sens. J'en ai connu un, un certain Louis Schweitzer, il y en a d'autres, déjà identifiés ou qui vont se révéler. Le dogme selon lequel les plus avides sont les plus compétents est une erreur ou un mensonge, on peut hésiter ; les deux, peut-être. Si vous voulez lire de bons auteurs à ce sujet, voyez Joseph Sitglitz, ou Jérôme Maucourant, par exemple dans « Avez-vous lu Polanyi ? ». Que les cupides partent ailleurs, je ne crois pas qu'on y perde.

Pouvoirs

Nous n'avons pas de baguette magique pour augmenter significativement les revenus des travailleurs, seulement quelques moyens très modérés dans l'immédiat et quelques idées. Le pouvoir économique appartient d'abord à la finance. Nous ne sommes pas leurs complices ; c'est en tous cas l'avis de Monsieur Carmignac. Nous avons « seulement » le moyen de casser les liens de complicité entre le pouvoir politique et le pouvoir financier. De travailler avec deux mains : l'une corrigeant ou atténuant les injustices les plus insupportables, l'autre construisant dans les esprits ouverts et dans des fragments de réalité d'autres entreprises, d'autres gouvernances, qui ne soient pas motivées d'abord, voire exclusivement, par le profit des détenteurs de capitaux. J'entendais un économiste tchèque dont je n'ai pas capté le nom, bon pédagogue, dit-on, expliquer qu'il ne fallait pas dépenser plus que l'on gagne (c'est expliqué dans la Bible), et que cela ne signifiait pas que le capitalisme était condamné, seulement celui qui veut croître à tout prix. Cet homme a « connu le communisme » et n'en veut plus. Il n'a pas encore bien compris, semble-t-il, que le capitalisme financier rassemble de plus en plus de pouvoir et organise ses efforts et les nôtres pour « améliorer les processus » et déplacer les capitaux de manière à optimiser ses gains, point à la ligne. La culture de la gouvernance moderne, sa littérature, ses séminaires, ses experts, ses formateurs, ses simulateurs, ses indicateurs, servent cet objectif unique. Cela implique la croissance, cela implique le confinement de l'écologie au développement de nouveaux business « verts », cela implique l'indépendance de l'économie, ou plutôt le renversement de l'enchâssement : l'économie n'est plus enchâssée dans la société, c'est la société, et le pouvoir politique, qui sont enchâssés dans l'économie.
Le gouvernement socialiste ne relève le SMIC que de 2 %, de quoi acheter un carambar par jour, dit-on. Le gouvernement n'est ni en mesure ni désireux de prendre en charge le gros des forces productives. Il peut modifier une partie du contexte, il peut aider à résister au transfert continu de la valeur ajoutée vers les 1 % les plus riches. Nous avons plusieurs voies de progrès. Résister au processus de transfert du pouvoir dans les entreprises vers les acteurs des « centres de profit », au détriment de ceux qui pilotaient le progrès technique, qualifié de « centres de coûts » auxquels on ne demande plus que de les réduire, ces coûts ; les compteurs de haricots prétendent diriger la technique et la recherche, entre autres. Construire, parfois reconstruire, une gouvernance équilibrée entre les différents porteurs d'enjeux : les clients, la planète, les travailleurs, les actionnaires, la société environnante ; vaste programme. Corriger, notamment par la voie fiscale, les invraisemblables transferts de plus-value vers les actionnaires ou les haut dirigeants ; oui, les décourager ; cela permettra peut-être le développement de nouveaux dirigeants et entrepreneurs. Faciliter le développement d'entreprises sociales et solidaires. Refuser le processus par lequel on ne peut maintenir quelque sécurité pour tous que par l'endettement de nos successeurs.
Nous avons beaucoup d'intelligence et de forces productives sous-employées, des hommes et des machines. Nous n'avons pas besoin de piller la planète, ni de transformer les ouvriers en sportifs de haut niveau, ni d'exclure ceux qui n'en peuvent plus, ni de voir bien des cadres tenter de trouver une échappatoire dans une PME proche du tourisme.
Les services publics produisent de la valeur pour tous. Un peu plus pour les 1 % que pour les autres, bien sûr : ils voyagent plus, ils vont plus au théâtre, ils se soignent davantage, mais pour tous quand même. Ils ne sont pas seulement un coût, comme les ultra-libéraux veulent nous le faire croire. Certes, une grande partie de la valeur est produite dans les entreprises. La « destruction créatrice » ne fonctionne plus très bien. Elle devient destruction tout court.
L'intelligence digne d'intérêt n'est pas d'abord celle des cupides. Beaucoup de pages et autres signaux vont tenter de nous le faire croire. Il n'en est rien.

lundi 18 juin 2012

Législatives : second tour


Voici les résultats dans la cinquième circonscription de l'Essonne et, pour comparaison, à Bièvres :


Maud Olivier, PS, est élue Députée de la cinquième circonscription de l'Essonne.

La photo ici présentée a été prise aux Ulis le 17 juin à 22 heures 21 par mes soins.

Nous remercions vivement toutes celles et tous ceux qui par leur travail, par leur soutien et par leur vote ont permis l'élection de Maud Olivier et ont donc choisi de donner à François Hollande les moyens du changement.
Dans l'Essonne sont élus :
Six Députés PS : Manuel Valls, Michel Pouzol, Maud Olivier, François Lamy, Thierry Mandon, Marek Boutih
Une Députée  EELV : Eva Sas
Deux Députés UMP : Frank Marlin, Nathalie Kosciusko-Morizet
Un Député «divers droite » (DLR) : Nicolas Dupont-Aignan.
En termes plus synthétiques, 7 députés de la majorité présidentielle, 3 députés d'opposition sont élus dans l'Essonne.
Au niveau national, voici une photo du résultat : [pour agrandir cette image du Monde daté du 19 juin, cliquez dessus]

Il y a eu 44% d'abstentions, c'est beaucoup. Le PS obtient à lui seul la majorité de l'Assemblée Nationale, l'UMP perd une centaine de sièges,  l'extrême droite obtient trois sièges (dont deux FN), le MODEM est très affaibli (sans doute à trois sièges), le Front de Gauche obtient dix sièges, ce qui est insuffisant pour former un groupe parlementaire. EELV obtient 18 sièges, le Nouveau Centre 14 sièges.
Globalement, le gouvernement est soutenu par une majorité parlementaire claire. Je choisis cette manière de dire plutôt que « dispose d'une majorité parlementaire » ; je préfère que le gouvernement ne dispose pas de l'Assemblée Nationale mais que cette Assemblée soutienne le Gouvernement dans son travail. Ce n'est pas une question de mots mais de pratiques.
La majorité parlementaire, certes forte en tenant compte de la majorité de gauche au Sénat, n'atteint pas les trois cinquième (alias 60%), ce qui ne permet pas à la dite gauche de modifier la constitution sans alliés dépassant la majorité présidentielle. Le nécessaire relatif consensus dans ce domaine n'est pas atteint avec les seules voix de gauche. Il faudra donc être très convaincants pour étendre le vote aux municipales à certains étrangers, par exemple.

Commentaires

L'association du système de scrutin au comportement des électeurs amplifie les mouvements. C'est une bonne chose que le gouvernement n'ait pas à marchander les moyens de son action, ce serait une mauvaise chose qu'il n'écoute que lui-même. L'aspect « rouleau compresseur » doit être tempéré par une écoute attentive d'abord des autres élus de gauche, plus généralement de tous les élus. Ceci dit, lorsqu'il y a divergence totale sur les causes de nos problèmes, il n'est pas possible de mettre en œuvre des solutions consensuelles. Selon que la cause du problème est la paresse et l'inconscience du peuple ramolli ou la cupidité des financiers, les solutions ne sont pas les mêmes.
J'entendais une copine bien biévroise dire qu'il était tout à fait possible d'être écologiste et de droite, que ça n'a rien à voir. Ce n'est pas l'avis de la majorité de l'écologie politique qui pense, semble-t-il avec quelque raison, que la préservation de la planète, dont nous-même dépendons quelque peu, est peu compatible avec la fuite en avant perpétuelle nécessaire à la finance. Mais, à mon humble avis, une idée proche de la sienne quoique distincte n'est pas sans fondement : être de gauche ne garantit pas un comportement écologiquement optimal. Encore faut-il, notamment, parvenir à sortir de la nécessité d'une croissance gaspilleuse pour inventer disons une croissance intelligente. Ce n'est pas gagné et la culture de gauche n'a pas totalement métabolisé les limites de la planète, qui lui apparaissent parfois comme de bonnes idées à examiner plus tard, lorsque les urgences seront traitées. Nous devons donc certes écouter nos amis d'EELV (ou même d'écologistes cherchant à se dégager de l'alternative gauche-droite), et surtout réfléchir nous-mêmes.
Le centre a été laminé par la bipolarisation. Il est vrai que la position de François Bayrou, partageant l'analyse économique avec la droite mais partageant cependant le gros des valeurs humanistes de la gauche, est difficile à tenir à la fois dans la pratique, dans la théorie et dans l'opinion des électeurs.
Le centre droit n'est-il qu'un faux nez de la droite la plus classique ? Pas sûr, ou du moins cela dépend de ce que l'on appelle la droite classique : il est différent de la droite extrême incarnée par le FN et une fraction actuellement non mesurable de l'UMP. Que va-t-il sortir de la traversée du désert de l'UMP ? Moi pas savoir, moi étranger à l'ump.
Et la gauche de la gauche ? Il y a plusieurs choses à faire ensemble ; j'en vois surtout deux : coopérer dans de nécessaires actions de résistance (on appelle ça des luttes), confronter nos recherches sur quelques facettes de la société humaine à construire.
L'essentiel est : le gouvernement va pouvoir s'ajuster rapidement ; l'Assemblée Nationale également : remplacement des Ministres par leurs suppléants, mise en place des cabinets, des assistants parlementaires, des commissions, d'une partie de la haute administration, des liens avec « le terrain ». Rendons hommage à Maud Olivier pour son engagement à ne conserver aucune fonction exécutive ni au Conseil Général ni en Mairie. Aidons la à ce que ce choix du non-cumul ne signifie pas se couper du terrain. Faisons en sorte que nous ne soyons pas surtout un « terrain » que labourent des élites mais un terrain où germent et se développent les forces d'innovation – pas seulement technologique, également sociales et démocratiques - ; que le peuple avec son travail, qui est la vraie poule aux œufs d'or, avance en maîtrisant de mieux en mieux son devenir, plutôt qu'en se laissant bercer par la communication du type « faites moi confiance, c'est trop compliqué pour vous ».
Bon. On va se reposer un peu ; puis on va s'occuper d'éviter que les élus ne se croient tranquilles pour cinq ans ; celles et ceux que nous apprécions ne sont pas dans cet état d'esprit. On va se faire écouter ; ça suppose aussi que l'on ne se laisse pas aller à penser et dire trop de bêtises, que l'on ne remplace pas nos têtes par nos réflexes ; que l'on progresse dans les débats qui nous traversent nous-mêmes, dans ceux que d'autres ont déjà explorés ; que l'on ne se laisse pas récupérer par TINA : there is no alternative, il n'y a pas d'alternative au pouvoir des marchés financiers. Mais si, il y a des alternatives. Nous venons de dégager un peu d'espace pour cela, en dégageant la droite. Il faut s'en servir, de cet espace.

vendredi 15 juin 2012

Un billet de Maud Olivier sur le plateau de Saclay

Nous transmettons ci-dessous un billet d'humeur de Maud Olivier, qui rappelle quelques réalités. Ne craignez rien : Maud Olivier ne fait pas que des billets d'humeur. Mais parfois, la courtoisie ne suffit plus et l'on ressent la nécessité de hausser le ton.
Les mensonges de M. Hocquard
Sur le métro aérien:
Le candidat UMP feint d’ignorer que la Société du Grand Paris, chargée de mettre en œuvre la future ligne, est présidée par ses propres amis politiques. Faut-il rappeler que c’est André SANTINI, membre du même parti que M. Hocquard, qui préside la SGP ?
A la faveur de la campagne électorale, le candidat UMP clame haut et fort qu’il est favorable à l’enterrement du métro. S’il avait eu une quelconque capacité à se faire entendre, il aurait été préférable qu’il en use auprès de ses amis de l’UMP, M. Santini en tête. 
La réalité, c’est que demain, si je suis députée, j’aurai les moyens d’agir auprès de Mme Cécile DUFLOT, Ministre qui assure la tutelle du Grand Paris, et auprès de François Lamy, Ministre de la Ville, pour que les doléances légitimes des habitant-e-s et des élu-e-s sur le futur métro soient prises en compte.
A la démagogie électoraliste de M. Hocquard, je répondrai par le pragmatisme et le travail de fond sur ce sujet, comme sur les autres.

Sur la préservation des hectares agricoles du Plateau de Saclay:
Dans les années 1990, M. Trimbach, Président du District du Plateau de Saclay (DIPS – future Communauté d’Agglomération du Plateau de Saclay) avait fait voter par l’ensemble des élus du DIPS une demande de protection de 2000 hectares « au moins » des terres agricoles du Plateau.
Le DIPS est transformé en CAPS en 2003. François Lamy, nouveau Président, demande alors la protection de 2100 hectares. Le président de la CAPS saisit ensuite à la fois l’OIN et la Région Ile-de-France pour signifier le vote unanime de l’ensemble des élus dela CAPS appuyant cette demande. 
En parallèle, une commission permanente mise en place par François LAMY a travaillé pendant un an pour délimiter et construire une carte des terres agricoles. Celle-ci a fait l’objet d’un vote d’approbation par l’ensemble des membres de la commission. Elle a été annexée au projet de révision du Schéma directeur de la Région Ile-de-France et communiquée pour prise en compte à l’Etat. Cette commission était composée de l’ensemble des agriculteurs du Plateau, des directions départementales de l’Agriculture de l’Essonne et des Yvelines, dela SAFER et des associations concernées.
La Région Ile-de-France a approuvé son Schéma directeur (SDRIF) en 2008. Il reprend cette formulation : « au moins 2100 hectares plus les 200 hectares au nord/ouest de Toussus le Noble ».
C’est donc bien à l’initiative de la Gauche et grâce à ses collectivités que cette carte des 2300 ha a vu le jour et a été entérinée, y compris par l’Etat.

La commune de Bièvres a quitté la CAPS :
Le départ de la commune de Bièvres s’est produit au lendemain de l’élection de François Lamy, qui a obtenu la majorité des voix des élus, contre… M. Hocquard. L’argument mis en avant à l’époque pour justifier ce départ était le refus que la CAPS ne se transforme en « communauté d’agglomération ». Résultat, Bièvres appartient aujourd’hui à la communauté d’agglomération de Versailles Grand Parc, et le poids de sa commune est complètement dilué face aux grandes villes des Yvelines. En réalité, ne supportant pas de voir la CAPS passer à gauche, il a préféré sacrifier les intérêts de ses propres habitants, par sectarisme et pour se retrouver dans une intercommunalité de droite !!! Drôle de conception de l’intérêt général…
Il fait aujourd’hui porter le chapeau à son prédécesseur, en omettant de rappeler qu’à cette époque il était bien membre du conseil de la Communauté de communes du Plateau de Saclay, au même titre que l’ancien maire de Bièvres.


Comme pas mal de gens, HH est meilleur (ou moins mauvais, comme vous voudrez) lorsqu'il pose des questions, comme à la fin de son éditorial concernant le logement sur le site municipal, que lorsqu'il tente de donner des réponses... 
Ceci dit, le dernier tract de HH où il quitte sa posture relativement modérée pour déverser des flots de bave bien peu fondés sur la réalité de l'action de Maud Olivier en particulier et de la gauche en général témoigne surtout, espérons le, d'une forme de panique. La principale volonté de ses semblables est le soutien à la volonté des gestionnaires de la fortune amassée par la confiscation des fruits du travail, qu'ils appellent "les marchés" ; la situation de plus en plus catastrophique des peuples du sud de l'Europe n'est que la caricature et l'annonce de ce qui nous attendrait si nous, les électeurs, leur rendions tout le pouvoir : soutenir la finance devenue un groupement d'usuriers, écraser les peuples. Relisez le message précédent : ils s'appliquent à renverser la perception et la compréhension de la réalité et veulent sauver les profiteurs en accusant leurs victimes. Ils font semblant de prendre la prison pour une école de vertu. Ils défendent "la famille" mais lui ôtent les moyens de soigner ses membres. Ils sidèrent les anciens immigrés devenus français (j'en suis un) qui se croyaient chez eux. Espérons qu'ils ne convaincront que ceux qu'ils aveuglent encore. Pour ma part, ce que j'en dis n'est pas le fruit d'une quelconque idéologie, mais de l'analyse des données socio-économiques. Il semble bien que HH fasse partie de ces "experts" qui s'appliquent surtout à nous faire prendre des vessies pour des lanternes et vice versa. Il nous appartient de sortir de cette tristesse et de calmer ces discours en manifestant par nos votes que nous ne sommes pas dupes.

mercredi 13 juin 2012

La poule aux oeufs d'or


J'entendais il y a un instant sur France Culture, qui laisse encore s'exprimer – cela est nécessaire et cela durera – de braves gens intoxiqués par les évidences de pseudo-économistes, j'entendais donc Alain-Gérard Slama expliquer que la position de François Hollande, voulant « faire payer les riches » c'était tuer la poule aux œufs d'or. Le pauvre homme (FH) est, dit-il en substance, aveuglé par l'idéologie. Permettez-moi de réagir ; il y a plusieurs sortes de « réactions ».
Pour ce Monsieur et ses semblables, la poule aux œufs d'or, c'est les riches. Ils ont bien intégré la doxa : les riches seuls savent faire travailler utilement les autres et le capital ; d'ailleurs, c'est pour ça qu'ils sont riches ; imparable. Mais ne serait-ce pas cette idée qui serait « idéologique » ? Et si, par hasard, la poule aux œufs d'or, c'était ceux qui produisent les richesses et non ceux qui les stockent et ne savent plus les rendre productives ? Et si par hasard c'était le travail qui produisait les richesses, et si mettre les gens au chômage, diminuer leur niveau de vie, capter une part toujours plus grande de la valeur ajoutée, c'était ça, tuer la poule aux œufs d'or ? Et si par hasard, Franklin Roosevelt avait eu raison de relancer l'économie américaine en 1933 en mettant les financiers au pas ? Et si par hasard la spéculation était improductive ? Et si par hasard, être incapable d'utiliser nos forces productives au profit des populations européennes, entre autres, c'était ça le problème ? Et si par hasard, c'était la finance débridée et cupide qui tuait la poule aux œufs d'or en abandonnant l'idée et la pratique de faire croître les revenus des travailleurs comme la productivité ?
Vous l'avez compris, nous pensons comme bien des économistes dignes de ce nom que là est le problème. Nous devrons faire des efforts pour reprendre quelque pouvoir, pour apprendre, par exemple, à gérer une scop, suffisamment pour changer la donne, comme on dit, et mettre l'économie au service des populations ; je ne dis pas « le peuple », ça fait populiste, parait-il. A propos de populisme, le Front National et la fraction de l'UMP qui louche avec concupiscence sur ceux qui voient son discours comme porteur de victoires futures ne dit jamais, bien sûr qui est la poule aux œufs d'or et qui la tue. Ils ne sont porteurs d'aucune solution. Chasser les immigrés ne réglerait aucun problème. Dépouiller les juifs pendant la période nazie (je ne parle pas de les massacrer) a effectivement distribué des biens au peuple allemand, pour un temps ; si-si, je vous assure. Faire les poches des immigrés du sud ne donnerait pas ce résultat, devinez pourquoi : ce n'est pas eux qui accumulent le fruit de notre travail.
Pourrons-nous simplement revenir à un capitalisme bien tempéré ? Je n'en sais rien, beaucoup d'autres non plus. Personnellement, je préférerais contribuer à penser puis constater la naissance d'une autre manière de faire fonctionner nos forces et de distribuer leur produit. Dans une économie de marché où le pouvoir ne soit pas abandonné aux cupides mais partagé intelligemment entre tous les porteurs d'enjeux, pas seulement les détenteurs de capital, et pas du tout les spéculateurs. Voter à droite n'autorise aucun espoir de ce coté. Voter à droite n'autorise guère d'espoir de retour à un capitalisme intelligent : ils veulent seulement que nous caressions leur poule aux œufs d'or dans le sens du poil, si j'ose dire. Et ils croient que la poule aux œufs d'or, c'est les bénéficiaires-grignoteurs-gestionnaires du stock d'or. Ils ne voient pas que le capitalisme capable de créer et distribuer les richesses cède rapidement la place à un autre capitalisme, qui ne sait plus que créer l'austérité pour 99 % d'entre nous. Ils croient ou tentent de faire croire que ce n'est qu'un mauvais moment à passer.
L'histoire n'est pas écrite d'avance, nous le savons maintenant. Nous avons besoin d'intelligence, de justice. La gauche est encore capable d'erreurs. La droite n'est plus capable de progrès. Nous devons voter à gauche et faire travailler (aussi) nos méninges.

lundi 11 juin 2012

Résultats premier tour Législatives

Voici quelques résultats à Bièvres et dans la cinquième circonscription de l'Essonne ; à Bièvres d'abord (pour agrandir le tableau, cliquez dessus):

Hervé Hocquard frôle la majorité absolue dans sa commune. Les gauches y font environ 38%.
Dans la cinquième circonscription, nous présentons aussi les résultats des Ulis et de Verrières le Buisson.


Globalement, on remarque la prime au Maire local. Sur la cinquième circonscription, les gauches font  ensemble environ 53% en sorte que Maud Olivier est, comme on dit, en ballotage favorable. Nous remercions toutes celles et ceux qui ont voté pour Maud Olivier et celles et ceux qui ont fait un autre choix de premier tour et convergeront avec nous au second. Bien sûr, rien n'est joué. 
Nous appelons à voter pour Maud Olivier au second tour pour trois raisons : contrairement au contenu des attaques passées et prévisibles du second tour, elle fait bien son travail, en optimisant ses ressources, nos ressources, dans un contexte qui n'est pas facile ; nous avons confiance en elle. Elle travaillera dans le sens que nous avons voulu en élisant François Hollande président ; nous voulons que le changement que nous avons choisi se réalise. Elle écoutera les citoyens, en premier lieu ceux de sa circonscription ; un signe parmi d'autres en est que le cycle de réunions thématiques qu'elle a tenues ou parrainées n'a pas été un lieu de rabâchage d'autosatisfaction mais un lieu où elle a parlé et écouté ; pour ma part, j'y ai appris pas mal de choses.

vendredi 8 juin 2012

Se loger


Avant le premier tour des élections législatives, nous abordons ici la question de la pénurie de logements abordables.
La Fondation Abbé Pierre par exemple, rappelle quelques données : en France, aujourd’hui, 3,6 millions de personnes, seules, fragilisées, perdues sont victimes de mal-logement. En France, aujourd’hui, 10 millions de personnes souffrent, de près ou de loin, de la crise du logement. En France, aujourd’hui, une majorité de familles est tenue au quotidien de faire des sacrifices sur l’essentiel(santé, alimentation, éducation des enfants...) pour accéder ou se maintenir dans un logement.
Bièvres n'est pas un lieu de concentration de personnes ayant des revenus modetses, quoique il y en ait comme partout. Mais dans cette ville, les jeunes sont souvent incapables de quitter le logement des parents ou du moins de rester dans la commune. Des personnes, notamment âgées, se replient ailleurs.
La loi DALO (droit au logement opposable) exprime un droit fondamental et est à ce titre positive. Le problème est que la pénurie de logements accessibles aux personnes de revenus modestes jointe au choix d'une partie des élus de préférer payer des amendes plutôt que de (laisser) construire des logements sociaux aboutit à des situations toxiques : lorsqu'une personne ou une famille cherche à faire valoir son droit au logement, le Préfet ne peut, bien sûr, que lui proposer un logement social là où il y en a, aux Ulis par exemple, où il y en a grosso-modo 50 %. Cela a plusieurs conséquences : ces personnes sont déplacées, le plus souvent loin des écoles des enfants, loin du travail actuel ou possible des parents ; de plus, le logement ainsi alloué cesse d'être disponible pour de légitimes demandeurs locaux ; certains demandeurs, à juste titre scandalisés de ne pas recevoir d'aide, et voyant que des immigrés, par exemple de l'Est de l'Europe, en reçoivent, votent Front National, ce qui ne leur crée pas de logement. Par ailleurs, ces mal ou non-logés sont parfois trimbalés dans des hôtels pour quelques semaines, ce qui est très inadéquat pour les enfants, coûte très cher à la collectivité et les ramène souvent un peu peu plus tard à la rue. Tous les gens qui ont examiné ce type de situations savent deux choses : ces personnes ne doivent pas être des intermittents du logement, doivent être accompagnées et surtout, il faut davantage de logements abordables.
La perception des voisins possibles de logements sociaux est parfois, trop souvent, paradoxale : ils n'ont rien contre l'infirmière, l'agent de police, le facteur, lesquels ne peuvent payer qu'un logement social : ces gens sont des travailleurs, pas des paresseux ni des gens particulièrement bruyants, mais ils ne peuvent pas payer un loyer de huit cent euros ou davantage. Ce qui n'empêche pas les pétitions de fleurir pour les envoyer un peu ou beaucoup plus loin et les Maires complaisants de s'aligner sur cette soit-disant vox populi. La solution est bien sûr la mixité sociale : un petit immeuble de logements sociaux est aisément supporté, à la différence de barres imposantes dans le style des années soixante. C'est pourquoi tous les gens conscients favorisent des programmes mixtes, où il est souvent difficile de distinguer les logements sociaux de ceux en accession à la propriété. Reste la résistance de certains habitants à des voisins différents. Beaucoup de gens, dont votre serviteur, préfèrent les quartiers socialement mixtes à ceux où tout le monde a le même genre de look, de revenu et d'âge, vite ennuyeux.
La pénurie de logements disponibles est imputable à plusieurs facteurs. Certains sont sociologiques : le vieillissement de la population, la moindre stabilité des couples font croître le nombre de logements nécessaires par habitant : il n'y a plus que 2,3 personnes par ménage en moyenne en France. D'autres sont liés au désengagement de l'État, qui n'abonde plus que des prêts d'accession à la propriété. Bien que les classes moyennes supérieures aient à peu près abandonné la bourse (sauf à la rigueur à travers l'assurance vie) et choisissent d'investir leurs économies dans l'immobilier, alléchées par les « économies d'impôt » en partie redirigées vers les promoteurs, les logements ainsi créés ne sont pas toujours accessibles au ménage moyen, très rarement aux plus défavorisés.
Rappelons quelques données sur les revenus : le revenu médian par ménage est actuellement de 2314 € (cela veut dire que la moitié des ménages gagne plus, l'autre moitié gagne moins). Ceci pour des ménages de 2,3 personnes. Sont considérés comme pauvres par l'INSEE ceux qui gagnent moins de la moitié de ce revenu médian, à savoir 1157 € par mois. Il y en a près de 20 %.
Que penser de l'achat par leurs habitants de certains logements sociaux ? A Bièvres, l'ancienne Maire notamment s'est élevée contre cette mesure, créant disait-elle une course poursuite sans fin vers les 20 % de logements sociaux demandés par la loi SRU. J'avais été perplexe, étant élu, par rapport à ce discours. La semaine dernière à Bures sur Yvette, Marie-Noëlle Lienemann nous a expliqué que cette possibilité, encouragée par l'ancien gouvernement, était censée faciliter le financement de nouveaux logements par les offices HLM, sans coût pour l'État ; vendre un logement devait permettre d'en construire deux. C'est malheureusement le contraire qui se produit : il faut en vendre deux pour en construire un, en chiffres ronds.

Que propose le nouveau gouvernement ?

Plusieurs mesures sont de nature à infléchir cette situation.
Modération des augmentations de loyers. Des dispositifs existent déjà, limitant les augmentations de loyers ; il s'agit de renforcer cette loi. Cela jouera dans les cas où les prix augmentent de façon excessive, il ne s'agit pas d'un insoutenable blocage général dans le style 1948. Les gens qui poussent des hauts cris et annoncent l'augmentation de la pénurie sont les ineptes adeptes de TINA, « there is no alternative », il n'y a pas d'alternative, ce cri de Madame Thatcher exprimant la foi naïvement ou consciemment en faveur des mécanismes de marché vus comme seule régulation saine.
Mise à disposition des terrains disponibles appartenant à l'État. L'effet de cette mesure n'est pas encore quantifié ; elle aura notamment un effet d'accélération des programmes de construction (ce qui compte, c'est la mise à disposition effective de logements, plus que leur programmation), et de réduction des coûts, en utilisant une formule de péréquation afin que dans les programmes mixtes (locatifs et accession) il n'y ait pas d'aubaine pour la spéculation.
Le doublement des plafonds de Livrets A dégagera des ressources importantes au service du logement (à travers la Caisse des Dépôts et Consignations) et du même coup mettra une part plus importante de l'épargne des français au service de l'économie réelle, celle qui donne du travail et fournit de la valeur à la population plutôt qu'aux financiers.
On parle aussi de renforcer les pénalités des municipalités qui s'opposent aux constructions de logement sociaux, y compris par leurs PLU ; les Préfets pourraient devoir (plutôt que pouvoir) constater les carences locales.
Enfin, l'intention d'isoler thermiquement un million de logements par an est de nature à réduire les coûts énergétiques de manière importante ; en effet, ce qui compte n'est pas seulement le coût des loyers et des emprunts, mais aussi celui des charges, en premier lieu de celles liées au chauffage. Les dispositifs prévus n'auront bien sûr qu'un effet progressif, en raison des coûts d'amortissement de ces travaux, mais le renchérissement prévisible de l'énergie renforcera l'effet de ces économies.
Localement – dans la cinquième circonscription de l'Essonne) – rappelons que c'est l'État et non les élus locaux qui a construit des tours dans les années soixante, aux Ulis notamment.
En conclusion, disons qu'il y a du boulot et que le nouveau gouvernement se dirige clairement vers de vraies solutions. Nous devons confirmer notre volonté de changement. La confiance "religieuse"  dans les marchés est une impasse. D'autres forces que les socialistes veulent le progrès, ou simplement sont conscientes qu'il faut sortir des culs de sac actuels ; il y a des gens de bonne volonté même en dehors du PS (souriez). Voter pour Maud Olivier, ici, est nécessaire pour que nous puissions ensemble aller dans la bonne direction.

mardi 5 juin 2012

Nous ne sommes pas d'accord avec Hervé Hocquard


La profession de foi de Hervé Hocquard appelle quelques réflexions ou réactions. HH affirme que François Hollande ignore dangereusement les ressorts de la croissance, qui sont selon lui outre la diminution des dépenses publiques de fonctionnement, la limitation des ponctions fiscales et une compétitivité accrue de notre économie (entendez le maintien d'un Euro surévalué à la mode allemande et la baisse des revenus du travail, avec, soyons complets, des efforts d'innovation et de productivité). HH ne sait pas ou ne reconnaît pas que les dettes publiques – celle des États-Unis n'étant pas plus raisonnables que celles du sud de l'Europe – ont commencé avec la Révolution Conservatrice des Reagan et Thatcher suivis par les Bush et Sarkozy qui depuis trente ans ont abandonné l'alignement de la croissance des salaires sur celle de la productivité, ont transféré dix pour cent de la valeur ajoutée vers les patrons puis les financiers, en sorte que le maintien d'un minimum de services rendus par les collectivités (pas seulement les États) n'a pu se faire que par l'endettement. Autrement dit, c'est bien sûr toujours la valeur ajoutée qui finance les dépenses publiques, mais de moins en moins par l'impôt, de plus en plus en passant par les fortunes financières qui prêtent et touchent ainsi des intérêts supplémentaires. Bien sûr ce processus ne peut durer éternellement. Aussi, bien que les richesses créées continuent à croître, la « solution » évidente pour Hervé Hocquard et ses semblables consiste à serrer la ceinture du peuple, par deux voies complémentaires : la compétitivité (synonyme de baisser les salaires ou plus précisément continuer à diminuer la part de la valeur ajoutée distribuée en salaires) et la réduction des prestations des collectivités.
Certes, personne ne peut nier la nécessité d'éviter de gaspiller, de mieux organiser tous les services ; ceux de Bièvres dont HH est Maire ne montrent guère l'exemple de ce progrès. Nous devrons rationaliser, en utilisant mieux l'intelligence et le travail de ceux qui font le boulot, pas en sous-traitant de plus en plus pour payer moins cher et déclasser, comme le font tant d'entreprises. Nous ne sommes  en effet pas d'accord avec HH et ses amis politiques, parce que nous comprenons d'où vient le problème et n'essayons pas de faire croire que le peuple doit se serrer la ceinture parce que c'est une loi mystérieuse mais impérative de l'économie, et d'ailleurs ça va d'autant mieux s'arranger qu'on se la serrera davantage.
François Lamy chef dangereux et bétonneur ? La semaine dernière le danger s'appelait Cécile Duflot et était trop vert. C'est oublier que la préservation des terres agricoles du Plateau de Saclay a été assez rapidement obtenue par consensus (peu affiché, bien sûr) des élus locaux contre le plan de l'État de MM Chirac et Villepin.
La vérité est que HH a essentiellement écouté les citoyens voulant préserver leur jardin, préférant tourner leurs regards nostalgiques vers Versailles plutôt que vers Saclay ; à moins que décidément il ne puisse envisager un seul instant de coopérer avec François Lamy. Son action a souvent été de reconnaître la vertu de l'inaction. Cela n'a pas eu que des inconvénients et il reste à Bièvres une biomasse et des paysages agréables. Le patrimoine culturel ne s'est pas développé, la vocation touristique reste un discours, discret il est vrai, la sociologie est de plus en plus uniforme. Il est difficile de considérer ce « village » comme représentatif d'équilibres plus vastes.
Quant à la liberté annoncée de HH dans ses votes s'il devient notre Député, elle est difficile à imaginer, que son futur patron s'appelle Copé ou Fillon. On peut rêver.
Rappelons que si François Hollande obtient une majorité parlementaire, nous vivrons une cohabitation entre le pouvoir des financiers et un pouvoir politique cherchant à rendre quelque pouvoir au peuple. Si les amis de HH conservent la majorité à l'Assemblée Nationale, nous continuerons à « bénéficier » de la domination de la finance et de ceux qui prônent l'austérité comme remède aux insupportables prétentions du peuple à bénéficier des progrès de la productivité.
Que le ciel, ou plutôt nos votes nous en préservent. Cela ne nous empêchera pas de dialoguer avec l'opposition. Par exemple, on peut remarquer que HH prend soin de ne vouloir diminuer que les dépenses publiques de fonctionnement. Il ne condamne pas toute dépense d'investissement, tout « project-bond » européen ou français. Il ne dit pas que tout ça est de la faute des immigrés. Je vous dis, on pourra encore causer.

lundi 28 mai 2012

Maud Olivier, une femme normale


Maud Olivier est candidate du PS aux élections législatives de juin, pour la cinquième circonscription de l'Essonne ; mais encore ? Beaucoup s'apprêtent à voter pour elle, moi par exemple. Mais que savons nous d'elle, à part le fait qu'elle est Maire des Ulis et qu'elle représente le PS dans cette bataille ? On en dit un peu plus ici ; on n'a pas besoin de tout savoir sur sa couleur préférée et ses lectures quand elle avait seize ans. C'est la personne publique qui nous intéresse. Mais trop séparer les deux facettes peut nuire ; et on ne perd pas à en savoir un peu plus aussi sur la militante.
Racines. Les origines sont limousines : parmi les quatre grand parents, une agricultrice, un cheminot, un professeur de violon, une couturière. Du côté des racines militantes, un père permanent à la CFDT d'Edmond Maire. Où a-t-telle vécu ? Paris, puis l'Essonne dès l'âge de cinq ans : Longjumeau, Massy, Palaiseau, Les Ulis...
Des études classiques à la fac, langues vivantes, puis relations publiques ; en pensant d'abord à travailler en entreprise. Nous avons besoin de personnes qui connaissent la vie normale, j'allais dire la vraie vie.
Travail. Maud Olivier a travaillé dans une grande entreprise privée, dans les relations publiques surtout ; elle y a rencontré son mari, chercheur, qui est encore vraiment à ses cotés, j'en témoigne. Puis comme commerciale, dans d'autres entreprises ; jusqu'à son élection comme Maire.
Famille. Une fille ingénieur CNRS, une petite fille, un mari, le même depuis trente cinq ans. Une femme normale, on vous dit.
Vie politique. Maud Olivier a rejoint le PS en 1981. Elle est devenue conseillère municipale aux Ulis en 83, Maire Adjoint à l'urbanisme en 89. A la mort de Jean-Marc Salinier en 2002, elle prend sa succession comme premier adjoint. En 2008 elle devient Maire. Elle est persévérante. Du coté du Conseil Général, elle le rejoint en 2002, est d’abord vice-présidente en charge des sports, maintenant vice-présidente en charge de la lutte contre la discrimination et pour l'égalité.
Les Ulis ont environ vingt cinq mille habitants, c'est essentiellement une ville nouvelle, caractérisée par la mixité sociale ; il n'y a pas que des couches populaires, il y a aussi des cadres par exemple. Des immigrés, pas de ghettos ; j'y ai circulé pas mal à pied, je n'ai pas vu de quartier où un français de souche est regardé avec méfiance, ni de quartier où un immigré semble saugrenu. Une vie culturelle, associative, des conseils de quartier qui décident vraiment des choses. La médiathèque est riche. Ce n'est pas Neuilly, ni Bièvres ; ce n'est pas désagréable. Je crois même que ce serait difficile d'avoir mieux fait ; il faut toujours mieux faire, certes : la terre va continuer à tourner.
Cumuls. Maud Olivier a signé l'engagement du PS, qui va plus loin que la Loi pour limiter les cumuls : élue Députée, elle n'aura pas d'autre mandat exécutif (Maire ou Adjointe, Vice-Présidente au Conseil Général). "Les parlementaires ne pourront cumuler leur mandat et leur fonction avec la responsabilité d'un exécutif local" dit le texte. Mais elle conservera les deux bouts de la ficelle : l'intérêt pour nos territoires et ses habitants, et le travail législatif à portée nationale.
Quand on demande à Maud Olivier sur quelles questions elle focalise sont attention et son effort, elle a une seconde d'hésitation : son parcours, son expérience de Maire ont fait d'elle une généraliste en quelque sorte : elle a travaillé sur les questions sociales, scolaires, le cadre de vie, le logement, la recherche ; et sur l'égalité et les discriminations, bien sûr. Députée, elle va affronter de nouvelles questions et utiliser un peu autrement son expérience, ses valeurs, sa capacité de travail. Sans se séparer de ses racines limousines, essonniennes, militantes. Une personne qui vit dans la réalité et ne perd pas le nord.  

samedi 26 mai 2012

Débat du 24 mai à Bièvres : quatre thèmes

Le social et l'économique

Cette section présente à peu de choses près mon intervention le 24 mai 2012 lors de la réunion publique à Bièvres. 
La période actuelle est fatigante pour celles et ceux qui sont concernés par les enjeux actuels et choisissent de comprendre et d'agir. Je réalise ces jours-ci qu'il y a une contre-partie à ce travail : il ne se passe pas de jour ou presque où je ne croise un éclairage nouveau (au sens ignoré ou négligé jusqu'ici), souvent significatif. Pour moi – parmi bien d'autres - , je suis concerné par plusieurs questions : « qui a le pouvoir » et « mais c'est quoi, ce bazar où nous sommes ». Autrement dit par le Pouvoir et l'Intelligence ; par comprendre et pouvoir. On dit banalement que l'intelligence est nécessaire au pouvoir. Depuis longtemps, l'intelligence tout court ne m'intéresse guère. J'ai été chercheur en physique, en intelligence artificielle, analyste des performances industrielles, j'ai cherché à dimensionner des équipes, des tuyaux d'eau des tuyaux d'air, des poteaux en bois. A chaque fois, ce n'était pas la même chose qu'il fallait comprendre et mon « intelligence » passée se manifestait comme assez impuissante pour le nouveau défi. Alors, j'ai pris deux partis, l'un sage et l'autre fou. Le parti sage est de réaliser que « comprendre », ce qui est l'objet de l'intelligence, est un verbe transitif : il faut dire ce que l'on comprend ou ce que l'on cherche à comprendre ; sinon, on est n'est qu'un fat, un imbécile heureux, pas assez intelligent pour savoir qu'il ne comprend pas tout, notamment pas ce qu'il devrait comprendre. J'avais depuis longtemps distingué l'intelligence de type Métis (habileté, notamment à dominer les autres) et celle de type Thémis (capacité d'en comprendre assez pour résoudre les problèmes). Lundi dernier, j'ai écouté un exposé de Patrick Villeret à la Bourse du travail où il a développé un argument similaire concernant Pouvoir. Le Pouvoir, substantif, prend lui aussi un sens moins magique lorsqu'on examine le verbe : pouvoir quoi ? Le Président de la République peut beaucoup, mais pas tout : il y a les autres pouvoirs institués, il y a les marchés, il y a le peuple, il y a la nature. Chacun à sa manière peut faire ou bloquer certaines choses, pas tout, même le peuple, même la nature, si l'on accepte l'idée de s'en distinguer sans s'en retirer. Le truc qui peut tout est une idée, que l'on peut penser « réalisée » quelque part, qui ne nous concerne pas ici, on ne cause pas théologie. Ces temps-ci on s'intéresse plutôt au pouvoir législatif, que l'on espère être davantage qu'une courroie de transmission de l'exécutif, mais un autre contributeur à cette espérance dont le Président est une pièce importante. J'ai annoncé un second parti, fou celui là : c'est celui d'être un honnête homme ; pas au sens d'un type pas trop malhonnête, au sens du XVIIème siècle, rendez-vous compte : pas tellement au sens d'un type bien élevé non plus ; au sens d'une personne qui peut, moyennant quelques efforts, comprendre l'essentiel de ce qui est humainement entendable et le concerne, lui et quelques cercles de ses semblables. Bien sûr c'est plus difficile aujourd'hui qu'il y a quatre siècles. Mais je ne peux me résigner à ne « comprendre » que ce qui est nécessaire à mon patron augmenté de quelques autres leaders et décideurs dont je dépend, ainsi qu'à mon fonctionnement quotidien de base : je veux aussi comprendre, au moins pour partie, d'où je viens et nous venons, ce qui nous conditionne ou nous contraint, ce que nous pouvons vouloir, ce que nous pouvons construire. C'est ma conception exigeante de la vie en général et de la citoyenneté en particulier.
Essayons de comprendre la situation sociale, la situation économique, la dette, la crise, la croissance, tout ça. N'ayez crainte, c'est rapide, mais c'est cette semaine un peu plus complet que la semaine dernière. Tout ça est horriblement complexe, sauf à être un adepte néandertalien de slogans  ou pseudo-solutions usés jusqu'à la corde ? Ou sauf à croire au grand complot ? Voyons voir.
Ce que j'avais déjà compris la semaine dernière.
L'économie de marché a longtemps fonctionné à peu près correctement, à part quelques guerres qui ne sont pas des détails, lorsqu'elle a accepté quelques règles du type de celles de l'accord de Philadelphie. Extrait :
a) le travail n'est pas une marchandise;
b) la liberté d'expression et d'association est une condition indispensable d'un progrès soutenu;
c) la pauvreté, où qu'elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous;
d) la lutte contre le besoin doit être menée avec une inlassable énergie au sein de chaque nation et par un effort international continu et concerté dans lequel les représentants des travailleurs et des employeurs, coopérant sur un pied d'égalité avec ceux des gouvernements, participent à de libres discussions et à des décisions de caractère démocratique en vue de promouvoir le bien commun.
Cet accord reste le fondement de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), organisation beaucoup moins contraignante que celle du commerce...
L'idée, clairement exprimée par Ford notamment et effectivement mise en œuvre, était que les salaires devaient augmenter autant que la productivité. C'est la révolution conservatrice de Reagan et Thatcher qui a fait dériver les choses.



Depuis 1975 et la contre-révolution conservatrice, la dette globale a explosé : pour maintenir leur niveau de vie et leur « rêve américain », l'État fédéral, les États fédérés, les entreprises et les ménages se sont ensemble lourdement endettés (358 % fin 2011). Les uns pour faire bonne figure vis à vis des électeurs, les autres pour maintenir leur niveau de vie, en comptant notamment sur la croissance des prix de l'immobilier, c'est à dire en spéculant sur ces prix. Cela a produit des bulles aux États-Unis, en Espagne, en Chine. Cela a été fait avec la bénédiction de la finance : tant que l'emprunteur reste solvable, le prêteur est content de prêter. Surtout lorsque, comme c'est le cas, c'est lui (banquier) qui crée la monnaie et touche des intérêts sur la monnaie créée par lui-même. Où est passé l'argent ? Par la baisse des impôts et les intérêts de la dette, il est passé dans la poche des 1% des gros revenus. Les gains de productivité ont été confisqués. La part des salaires dans la valeur ajoutée a diminué de 10 % en trente ans.


Résultat : le chômage a augmenté lourdement. Sans parler du fait que la moitié des gens qui sortent de Pôle-Emploi le font sans avoir retrouvé de travail (l'indemnisation n'a qu'un temps).
Mais les arbres ne montent pas jusqu'au ciel, les dettes ne peuvent croître indéfiniment, les bulles finissent par éclater.

On peut alors à juste titre tenter de relancer la croissance. Mais il est possible que cet effort nécessaire ne donne que des résultats partiels et insuffisants.




En effet, au delà de ce que montre ce graphique, la croissance dans les pays de l'OCDE baisse tendanciellement depuis plusieurs dizaines d'années.

Ici intervient un nouveau phénomène et je vais vous raconter une petite histoire. Depuis fort longtemps, face au risque d'incendie, on peut assurer sa maison : si elle brûle, on sera à peu près remboursé. De même, un producteur de blé peut prendre une sorte d'assurance : si la grêle est forte et au mauvais moment, il pourra, s'il a acheté les produits financiers adéquats et éviter d'être ruiné par la perte de sa récolte. Puis sont apparus d'autres produits financiers : si le prix du blé s'effondre, le cultivateur va toucher de l'argent ; cela fonctionne encore comme une assurance contre des aléas économiques cette fois-ci. Mais, au nom de la liberté, un verrou saute : il n'est plus nécessaire de produire du blé pour acheter des produits qui vont vous enrichir si ce cours baisse. C'est tout à fait comme si vous pouviez assurer non plus votre maison mais celle du voisin contre l'incendie ! L'acheteur de ce type de produit peut être tenté d'utiliser une boite d'allumettes, n'est-ce pas ? Si vous êtes un petit épargnant qui achète des produits financiers (on appelle ça des produits dérivés) permettant de gagner lorsque un prix baisse, vous ne pourrez qu'utiliser votre doigt mouillé. Si la valeur qui sert de référence est la valeur de la dette d'un pays et si vous êtes un gros investisseur opaque et non régulé – cela s'appelle un fond alternatif ou hedge fund – vous pourrez prendre des positions sur cette dette, puis en vendre en masse quoique discrètement, organiser la chute des prix grâce au comportement moutonnier des autres investisseurs et de leurs ordinateurs, et faire fortune sans fatigue sur le dos de ceux qui sont endettés. Ah - ah, disent-ils en haussant les épaules, encore la théorie du complot... Si vous avez la patiente d'écouter par exemple cette vidéo, vous verrez que ce n'est pas du cinéma. C'est bien une cause majeure de l'énorme pression faite sur les peuples du sud de l'Europe, prenant bien sûr avantage de leurs réelles faiblesses. Pour faire passer un mensonge, il faut toujours l'accompagner de quelques vérités. Cette pression peut nous atteindre, notamment par contagion : « nous » avons des créances bien plus importantes sur l'Espagne que sur la Grèce.
Empêcher ces comportements est très simple ; de même que l'on ne peut prendre une assurance sur l'incendie de la maison du voisin, qu'est-ce qui empêche de ne laisser acheter des produits qui rapportent lorsque le prix du blé baisse que si l'on a du blé ? Qu'est-ce qui empêche de ne laisser acheter des produits qui rapportent quand un titre de dette espagnole baisse que si on a des produits fondés sur cette dette, bien sûr en quantité suffisante pour justifier cette soi-disant assurance ? Qu'est-ce qui l'empêche ? La réponse est simple : une liberté sacralisée de concevoir, vendre et acheter n'importe quel produit spéculatif, liberté invoquée par les dirigeants anglo-saxons : MM Cameron et Obama s'il faut dire leurs noms, malgré leurs cotés sympathiques.
Que faire ? Mettre déjà de l'ordre chez nous, se battre pour le faire en Europe, se battre aussi pour le faire sur le marché mondial. Expliquer sans relâche que s'opposer à la spéculation, ce n'est pas être naïf et angélique mais empêcher des comportements malhonnêtes (mettre le feu à la maison du voisin pour laquelle on s'est assuré, pour reprendre la métaphore) qui détruisent aujourd'hui nos voisins, qui nous détruirons peut-être demain nous même si nous ne nous défendons pas.
Il y a une autre explication possible à ces comportements : la dette américaine est énorme, bien plus grande que la nôtre ; en 2013 il ne sera pas facile de financer le déficit américain, le trouble en Europe peut utilement servir de diversion. Une diversion qui protège (et enrichit) au moins les hedge funds. Le désordre financier cherche à sauver sa peau en jouant sur le désordre des autres, voire en le provoquant ; on appelle ça la destruction créative ou "fleurir sur le chaos". C'est bien d'une sorte de guerre qu'il s'agit. François Hollande n'a pas tort de désigner une certaine finance comme l'ennemi. Je ne viens pas de découvrir le caractère toxique de divers produits dérivés ; mais l'articulation de leur usage avec les développements des crises s'éclaire maintenant d'un jour nouveau.
Les grandes entreprises se structurent de plus en plus souvent en distinguant centres de coûts et centres de profits : quand vous vous levez le matin pour aller au boulot dans un champ, dans une usine, dans un hôpital, dans une Mairie, dans un laboratoire, vous êtes un coût, honte à vous ; et bien sûr tout ce que fait l'État est un coût. Si vous faites du marketing, si vous êtes vendeur, financier, vous êtes une source de profit, vous créez de la valeur, honneur à vous, vous êtes du coté du manche, pas de la pelle. Le travail lui-même est improductif, seule l'extraction de plus-value est vraiment productive. Nous somme largement formatés par ces idées, qui sont assurément parfaitement idéologiques. Pensée unique, disiez-vous ? A mon humble avis, la pensée unique est remplacée par une certaine confusion, d'où les idées libérales dominantes (le social coûte trop cher, l'argent "gagné" par les plus riches ruisselle vers tout le monde) ne sont pas exclues mais ne sont plus les seules ni toujours dominantes.
Je résume : la productivité augmente mais ces gains sont confisqués par les plus riches, ils ne vont plus au peuple. La dette a augmenté parce que des ménages ont cru pouvoir compenser leur baisse de revenus salariaux par la spéculation immobilière, ou ont cru pouvoir s'endetter, parce que les États n'ont pas su quoi faire d'autre pour maintenir quelques services, tout en réduisant les impôts des riches. Les règles d'équité sociale (Ford, Philadelphie, Roosevelt, social démocratie) ont été démantelées (un peu moins en France, certes). Les règles de transparence et de contrôle, empêchant les produits financier toxiques d'exister ou de nuire ont été abolies au nom de la liberté, parfois (1985-1986) avec l'étonnante complicité de la gauche ; sans doute avons-nous dépassé le point où nous étions capables de cette erreur.
Alors que faire ? Les grandes lignes des solutions sont souvent assez claires : retrouver la règle d'augmenter les salaires autant que la productivité, lutter contre les produits toxiques, les interdire partout où on le peut, trouver une croissance intelligente, non destructrice de notre environnement ; penser la dette financière en liaison avec la dette écologique et la dette sociale : elles sont inséparables.

Est-ce que les propositions de François Hollande sont adéquates ? Dans une large mesure, oui :
  • renforcer les moyens de financement qui ne sont pas aux mains des spéculateurs,
  • diriger davantage de ressources vers l'économie réelle, vers celle qui crée des emplois,
  • renforcer l'enseignement, la recherche, l'économie numérique,
  • séparer les activités des banques de dépôt de celles qui spéculent, lutter contre les produits toxiques,
  • garantir l'épargne populaire,
  • réduire notre endettement.
Est-ce que la Droite essaierait d'en faire autant ? Non
  • Elle ne lutterait pas contre la spéculation ; elle prendrait au mieux un air légèrement contrit et nous expliquerait qu'il faut bien vivre dans le monde « tel qu'il est », où les spéculateurs ont toutes liberté, mais bien sûr pas les travailleurs, ces paresseux qui s'ignorent. Malgré leurs cravates parfois desserrées, les spéculateurs se couchent tard et même parfois se lèvent tôt ; au moins leurs agents, les traders.
  • Elle ferait diversion sur de faux coupables.
  • Elle créerait de nouveaux impôts, durables pour le peuple, provisoires pour les privilégiés.
Est-ce que les mesures prévues par François Hollande vont suffire ?
Il faudra déjà qu'elle soient effectives ; cela demandera de l'intelligence et du courage, pas seulement de FH mais du gouvernement, des assemblées, des acteurs économiques (non, ce ne sont pas tous des saboteurs), des citoyens.
Il faut surtout, maintenant, qu'une assemblée soit élue qui travaille au changement que nous voulons. Votons pour Maud Olivier.
Si la croissance est insuffisante, il faudra d'autres mesures. Nos élus en seront d'autant plus capables qu'ils seront aidés par la société civile, pas par les lobbys.
Le mouvement social sera nécessaire : si besoin en marchant dans la rue, assurément en renforçant notre intelligence collective, en luttant contre le risque d'isolement des gouvernants, en proposant, en inventant, en travaillant, en nous organisant, en luttant contre ceux qui organisent le malheur des autres et en bénéficient.
En inventant aussi à plusieurs niveaux une société moins frénétique pour les uns et congelée pour les autres, plus paisible, moins destructrice, plus douce, plus égalitaire, plus humaine.
La justice sociale ne s'oppose pas au développement économique ; seule la juste répartition des fruits du travail permet une société durable. La cupidité aboutit à l'endettement insoutenable, au chaos, à la guerre économique ou militaire.
Après cet exposé, un débat a été tenu. Citons ici quelques interrogations ou remarques auxquelles je crois pertinent de donner des éléments de réponse.
« La spéculation, on n'y peut pas grand chose, ce n'est pas l'essentiel, le problème principal, c'est la dette ».
La spéculation aggrave la dette de façon significative ; l'expliquer, la dénoncer sont nécessaires ; y mettre fin est en effet difficile. Il faut notamment convaincre les détenteurs de ressources qui sont de bonne volonté de s'éloigner des pratiques toxiques, de manière à isoler les cyniques. Les exigences des marchés financiers sont pleines de contradictions : soyez solvables, donc diminuez votre dette, continuez à nous servir la rente des intérêts, achetez nous plus des voitures et d'iPad. Pour caricaturer : survivez pour pouvoir continuer à nous enrichir.
« Certes, il y a une bulle immobilière qui éclate en Chine, mais ils ont les reins assez solides (suffisamment de réserves) pour tenir le coup ».
La plupart des Banques chinoises pourront tenir le coup ou être refinancées par le vaste fond souverain chinois, en effet. Mais de nombreux immeubles sont vides et se dégradent avant d'avoir été utilisés et de nombreux chinois qui pensaient s'enrichir sont ruinés. La Chine réussit à croître (un peu moins qu'avant, mais cependant beaucoup), elle ne réduit pas les inégalités – c'est une litote – et ne protège guère le peuple. Leur « communisme » est étrange (LOL). Leur « modèle » n'est pas notre modèle.
« Les anglo-saxons ne peuvent se passer de produits dérivés, leurs économies sont virtuelles ».
Les américains ont aussi une économie réelle et même les britanniques, quoique dans une plus faible mesure. Leurs économies globales dépendent en effet de la confiance dans leurs monnaies, de la défiance dans les autres monnaies, de l'habileté de leurs financiers, ce qui suppose de faire surestimer leur force et sous-estimer celles des autres. Peut-être ne peuvent-ils pas retomber sur terre. C'est certainement notre intérêt de les aider à retomber sur terre, pas de tenter d'être plus virtuels qu'eux. Cela peut même être leur propre intérêt de vivre moins en vendant des illusions.

Trois autres thèmes

Suivent trois autres exposés entrelacés de débats.
Pierre Guyard a parlé de développement durable, d'énergie et de logement notamment. Il a manifesté les lignes de force de nos efforts à venir, esquissé une vision moins productiviste de notre avenir, une croissance intelligente.
Patrick Souchon nous a parlé de culture d'une manière qui fait contraste avec l'idée guindée comme avec l'idée divertissante : comprendre et inventer, avec les neurones scientifiques et les neurones poétiques.
David Ros a principalement parlé du plateau de Saclay, mis en lumière les postures souvent peu crédibles du candidat UMP, identifié des difficultés, dans le cadre d'un projet globalement bienvenu.
Bien sûr je développe plus facilement ma propre intervention que celle des trois autres intervenants. Peut-être pourrai-je en (faire) dire plus. Nous n'étions pas très nombreux (un peu moins de vingt, je crois), mais un vrai débat s'est tenu. Nous avons aussi montré une capacité à préparer et présenter des interventions porteuses de sens, ne rabâchant pas des platitudes, avec des ressources locales. Cela ne remplace pas mais complète utilement, croyons nous, l'intervention de personnes plus célèbres.
Dans la conclusion présentée par Pierre Guyard et David Ros, ils ont insisté sur un point important : élue, Maud Olivier ne pratiquera pas le cumul de mandats ; en revanche, elle maintiendra et développera un réel contact avec les citoyen(ne)s de nos territoires, tant pour partager des expertises que pour exprimer des attentes, dans le cadre de la démocratie participative qu'elle pratique déjà dans un cadre plus local. Ce type de débat peut être une composante de ce travail. Au fait : il faut l'élire, Maud Olivier, pour être cohérents et mettre vraiment en œuvre le changement porté par François Hollande.

jeudi 24 mai 2012

Réunion publique à Bièvres jeudi 24 mai


Nous vous invitons cordialement à venir écouter, questionner, témoigner  et proposer à notre réunion publique.

Une Députée pour le changement
Le 10 juin, choisissez Maud Olivier
Maud Olivier et David Ros vous invitent à débattre
Réunion Publique
Enjeux et thèmes des années à venir : des questions socio-économiques au développement durable en passant par la culture, l'enseignement et le plateau de Saclay.

Avec David Ros, Maire d'Orsay, Vice Président du Conseil Général
Pierre Guyard, Président du Comité de Soutien de Maud Olivier,
Jean-Luc Escudié, Secrétaire de la section PS de Bièvres,
Patrick Souchon, auteur et enseignant.

Jeudi 24 mai 2012 à 20 heures 30
La Grange aux Fraises (3, rue de Paris)

mardi 15 mai 2012

à propos de Hervé Hocquard


Je viens de lire un tract de Hervé Hocquard déposé dans ma boite aux lettres. Intéressant. HH s'y montre (modérément) humble, indique qu'il ne fera pas d'opposition systématique, s'occupera surtout des intérêts de nos proches territoires, qu'il s'opposera aux (pro)positions dogmatiques d'un parti rassemblant trop de pouvoirs, suivez son regard. Il se place implicitement dans l'hypothèse où il serait bientôt Député d'opposition.
Je préfère le crédit d'intention au procès d'intention, même pour ce qui concerne nos adversaires politiques, du moins lorsque une mauvaise foi récurrente ne rend pas impossible cette disposition d'esprit. Le problème est que ce programme d'opposition républicaine modérée sera difficile à tenir. D'abord, si de nombreux citoyens suivent cette voie, sait-on jamais, nous aurons une cohabitation politique paralysant la volonté de changement portée par François Hollande et choisie par les Français. Le pouvoir des marchés et des conservateurs européens ne serait pas combattu, pas même contenu, les puissants n'auraient vécu qu'un frisson avec l'épisode de l'élection présidentielle, frisson rétrospectivement agréable et stimulant. La majorité des Français n'aurait vécu qu'un court moment d'apaisement et d'espérance.
Hervé Hocquard n'établissant que marginalement l'ordre du jour de l'Assemblée Nationale, même élu Député, ce lieu ne serait pas le meilleur pour les questions concernant les territoires locaux : peut-être vaudrait-il mieux qu'il reste Conseiller Régional, ce qui n'est bien sûr pas compatible avec un mandat de Député, en plus d'un mandat de Maire et de quelques autres responsabilités.
Hervé Hocquard sachant si besoin être discipliné, il suivrait les consignes de vote de Monsieur Copé ou d'un de ses semblables, dont nous serions étonnés qu'il ne verse pas dans l'opposition systématique. Quant à notre dogmatisme, si vous lisez mon Blog, vous savez sans doute qu'il ne nous submerge pas. Je ne suis pas isolé dans la capacité à dialoguer.
Réjouissons-nous cependant de ne pas entendre de sa part un chant des partisans à l'envers et que ce candidat se situe dans une perspective d'opposition républicaine ; c'est moins pire que le ralliement aux thèmes UMPFN. Nous lui souhaitons bon courage lorsque la droite se restructurera ; vraiment.
Nous souhaitons surtout que la France confirme sa volonté de changement en élisant une majorité de Députés cohérente avec l'orientation du Président qui entre en fonction aujourd'hui. Que nous ayons sur divers bancs des gens de droite avec qui on peut parfois dialoguer, tant mieux ; HH ne va pas disparaître dans la bonde du lavabo de l'Histoire. Je n'en demande pas tant.
Votons pour Maud Olivier.

lundi 14 mai 2012

Un débat à venir ?


Y a-t-il un débat à gauche ?
   concerne-t-il tous les progressistes ?
   tous les humanistes ?
   tous les républicains ?

Je lisais ce matin une note d'Olivier Ferrand, que je vous propose de lire également. Cette note est à mon avis intéressante, parce qu'elle dit des choses justes, mais atténue cependant une part du discours classique de la gauche et par suite s'y oppose en creux, avec modération bien sûr.
Citons O.F. :
On assiste aujourd’hui à une recomposition du paysage politique qui se structure moins exclusivement qu’auparavant sur les questions économiques et sociales, mais aussi désormais sur les questions « culturelles », identitaires (identité nationale, immigration, place de l’islam dans la République, etc).
On peut citer d'autres éléments, mieux vaut lire l'ensemble, on ne perd pas son temps.
Ce discours suggère une réflexion, qui est pour moi plus qu'actuelle : fondamentale. Quelle question est ainsi posée ? Cette question est-elle une simple interrogation, est-elle un clivage potentiel  ? Qui concerne-elle ? Qu'est-ce que j'en pense ?

La question identitaire

O.F. explique que le vote des Français pour François Hollande et donc le désaveu de Nicolas Sarkozy est pour son conseiller Patrick Buisson une « défaite à la Pyrrhus » parce que l'élection a certes été perdue pour lui et son camp, mais l'on assiste déjà à un glissement de la Droite d'un positionnement centre-droit, nettement séparé du discours nationaliste et proche du discours démocrate-chrétien traditionnel vers un discours de Droite dure, que l'on peut nommer UMPFN, un peu comme les Républicains américains se sont « droitisés » ; merci Nicolas. C'en serait donc fini de l'UMPS comme lieu de débat républicain entre des gens certes adversaires mais partageant cependant quelques convictions de base. L'UMP va-t-elle devenir UMPFN ou se recentrer sur des valeurs disons plus classiquement républicaines ? Va-t-elle éclater et se disputer les dépouilles après les Législatives ? Je ne sais pas. On avisera.
Concentrons nous un instant sur la question identitaire. Je ne suis peut-être pas le mieux placé étant né à Bruxelles, de deux parents français, avec une grand-mère italienne, une enfance belge, des études en France, une carrière professionnelle en partie à l'étranger (Italie, Russie, Allemagne, Angleterre, États-Unis), j'ai une sœur en Californie, un cousin à New-York, je lis chaque semaine quelques dizaines de pages de la presse anglo-saxonne ainsi que Courrier International. Je connais moins bien l'Asie et l'Afrique, mais y ai passé plus d'un trimestre, surtout en Asie, cependant (Inde, Chine, Japon). Je connais le conflit flamands-wallons. J'ai connu des protestants qui avaient encore les lampes sourdes qu'utilisaient leurs ancêtres pour aller prier au « désert » en cachette ; en France. J'ai lu beaucoup de textes chrétiens, quelques uns d'autres religions, pas toutes de la trilogie monothéiste. Lorsque, jeune, je prenais part aux réunions de l'Action Catholique, nous ne considérions pas notre religion comme une affaire purement privée : nous étions concernés par nos comportements de citoyens ; sans vouloir imposer la Loi de Dieu. Je parle avec des gens de plusieurs cultures, y compris politiques, y compris religieuses. J'ai donc aussi une vue sur l'immigration, sur l'émigration, sur quelques épurations ethnico-religieuses pas toujours soft, pas toujours lointaines. Je suis Français, pas par le lieu de naissance, mais par les gènes et la culture, par l'amour de la France, par l'adhésion à ses idéaux, notamment l'égalité. Je ne connais pas bien plusieurs autres régions du monde, mais je sais qu'elles existent et ont des citoyens intelligents sur plusieurs sujets identifiés ; l'Australie par exemple. Après tout, quelques relations avec « les autres » donnent aussi un peu de recul.
Il y a eu et il y aura encore bien des discours stigmatisant les gens d'autres cultures, nomades ou sédentaires, musulmans amalgamés comme immigrés même s'ils sont ici depuis trois générations, même s'ils sont Français. Il y a bien parfois de subtiles distinctions entre Islam de France et Islam en France, mais c'est trop subtil, pour beaucoup. L'intégration n'est pas nécessairement, n'est pas toujours l'effacement des différences et la négation des racines. Trop souvent, l'intégration ne fonctionne pas bien ou pas assez bien. Une personne fiable m'a raconté avoir entendu dans le bus une conversation entre de jeunes copines apparemment d'origine maghrébine ; l'une d'elles venait de déménager et les autres lui demandaient si elle était contente de son nouveau logement. Oui, répondait-elle, mais on sentait une réserve. Les copines insistant lourdement, elle a fini par dire « il y a un peu trop de Français parmi les voisins »... Elle n'était pas très à l'aise avec ceux-là ; à moins que ce soient les voisins qui n'étaient pas tous très à l'aise avec elle. Les beurettes peuvent avoir du mal à s'intégrer, par exemple en avoir assez de la stigmatisation.
Je passe rapidement sur les questions socio-économiques concernant l'immigration. On sait (quand on regarde les études sur le sujet) que les immigrés non français nous prennent fort peu du travail disponible ici. On sait aussi qu'en période de crise - et Dieu ou Allah seul(s) savent combien de temps ça va durer, autant dire qu'on ne sait pas -, on ne peut éviter de modérer l'immigration légale et de combattre l'immigration illégale, et on le fera. On sait aussi – ou plutôt peu de gens savent, mais c'est ainsi – que l'immigration est beaucoup plus faible en France que dans la plupart des pays occidentaux, Olivier Ferrand le rappelle. On sait, si l'on prend le RER le matin avant sept heures, que les gens de couleur que l'on côtoie ne vont pas tous manger un couscous ou à la mosquée mais plutôt au boulot.
J'ai été chrétien ; vraiment ; je ne le suis plus ; assurément. Ça ne m'a pas fait sombrer profond dans le « matérialisme vulgaire ». C'est pas demain la veille que je sera mahométan. Je n'apprécie pas l'ostracisme persistant des Turcs envers les chrétiens, pour citer un exemple relativement peu connu. Dans son âge d'or, l'Islam était ouvert aux autres ; espérons que cela reviendra. Inutile de nous fermer en attendant. Un grand nombre de musulmans sont morts pour la France. On a le droit de croire ; beaucoup moins d'obliger les autres à en faire autant. Politiquement, citoyennement, soyons laïcs.
Le matraquage de divers « militants » de droite ayant contrairement à leurs protestations tout l'accès désiré aux médias étant ce qu'il est, bien des immigrés ne se sentent pas bien ici, bien des Français pensent que ces fichus étrangers sont responsables de nos maux. Ont-ils comparé les chiffres des ressources utilisées par ces gens et ceux des ressources partant vers les actionnaires un peu partout dans le monde et même à Neuilly ou dans le Golfe ? Non, bien sûr. Ont-ils des différends théologiques ? Pas très souvent, je crois. Parce que les pauvres musulmans visibles, ils les voient et ils sont différents, alors que les riches dans leurs quartiers sécurisés – parfois musulmans - ils ne les voient pas, ou seulement sur la plage dans la presse people. Parce que les chiffres ne leur disent rien quand il s'agit de milliards d'euros, mais leur disent quelque-chose lorsqu'il s'agit de centaines d'euros.
C'est vrai qu'il y a eu pas mal de gens d'origine maghrébine à la bastille le 6 mai au soir ; beaucoup, des Français le plus souvent – eux seuls ont voté parmi les musulmans -, ont ressenti une sorte de libération ; moi, je suis seulement allé boire un verre à Verrières. J'ai aussi ressenti une vraie joie, un véritable espoir. Cela ne m'est pas venu à l'idée d'aller agiter un drapeau, fût-il bleu-blanc-rouge.
Pourquoi proposer le vote des immigrés stabilisés - depuis cinq ans par exemple - aux élections locales ? Parce que ceux qui sont ici légalement depuis des années, paient des impôts et des cotisations sociales, qu'ils soient destinés à repartir ou à devenir Français ne doivent pas nécessairement rester des sujets, comme l'a rappelé Robert Badinter ; parce qu'ils peuvent apprendre la démocratie, pas seulement en regardant la télé, mais en participant eux même à la vie démocratique. Cela les rapprochera de nous, qui nous souvenons parfois que nous avons même élu des gens qui ne se souciaient guère de nous. Cela ne leur ouvrira pas le droit à être élus. Nous ne sommes pas pour l'isolement communautaire : personne n'a à y gagner. François Hollande ne fera adopter cette mesure que si elle bénéficie d'un large consensus, il a été clair à ce sujet.
Résumons : même si c'est pour beaucoup une diversion évitant de porter le regard sur les vraies causes de nos problèmes, la question identitaire a pris, de fait, beaucoup d'importance. Nous devons assumer la question : être nous-mêmes, respecter les Français d'origine ou de religion différente, accueillir et respecter les immigrés légaux, maintenir modérée l'immigration légale, lutter contre l'immigration illégale, être ouverts aux autres, être patriotes, pas nationalistes. La fermeture consiste à penser que nous seuls pouvons adhérer à nos propres idéaux. Le patriotisme consiste aussi à savoir que nos valeurs peuvent être partagées, peuvent intéresser les autres, qu'ils soient européens ou africains ou qu'ils viennent de plus loin.
Ceci ne fait guère débat à l'intérieur de la gauche et la note d'Olivier Ferrand est claire, plus que mon propre texte, sans doute. A vrai dire, l'essentiel est aussi partagé par le centre et la tradition démocrate-chrétienne, disons les républicains humanistes. Pas par l'UMPFN bien sûr.
Le débat plus ouvert – qui traverse souvent chacun de nous – concerne d'autres sujets ; nous y viendrons.

La question socio-économique

Ce n'est pas du baratin : alors que le capitalisme d'après guerre, que ce soit en Amérique ou en France, pratiquait une certaine égalité ou plutôt modérait les inégalités, disons dans la lignée du Fordisme, celles-ci ont explosé à partir des années 1975, lors de la victoire de Reagan et Thatcher, de l'émergence des Chicago boys (ces économistes néo-libéraux). La part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises de l'OCDE a baissé de 10 % depuis cette « révolution conservatrice ». Lorsque j'ai dit cela à la dernière réunion de Hervé Hocquard - merci pour son ouverture au dialogue -, il a répondu avec un zeste d'ironie ou d'incompréhension que je remontais bien loin. Pour comprendre, il ne suffit pas toujours de se souvenir de l'an dernier. Les dettes publiques ont explosé surtout parce que les impôts des riches ont été réduits ; Nicolas Sarkozy y a fortement contribué. Ces riches ont gagné sur les deux tableaux : d'un coté ils paient moins d'impôts, de l'autre ils bénéficient des intérêts de leurs prêts aux États, sans trop de travail ou de risque jusqu'à ce que ça ne marche plus ou que ça ne « passe » plus. Et ils gagnent sur un troisième tableau : comme créanciers importants, ils dictent leur loi. C'est normal, une société où plus on est dans les problèmes – pour être poli -, plus il faut payer d'intérêts aux prêteurs, ça ne vous rappelle pas le système des usuriers ? C'est normal une société où plus on est dans les problèmes, moins on travaille par la vertu du chômage ? Vous savez que le temps de travail réel des nations occidentales, immigrés compris, baisse en ces temps de crises par la « vertu » du chômage et du temps partiel ? En Allemagne, sans même prendre en compte l'effet du chômage, la durée effective moyenne de travail est passée de 31,6 heures par semaine en 2000 à 30,3 heures en 2006 (avant la crise des subprimes) et 30,05 heures en 2010. Ça colle avec ce que l'UMP vous a expliqué ?
J'écris un peu, je lis beaucoup. Je suis en train de lire « La zone d'inconfort » de Jonathan Franzen, un des meilleurs auteurs américains actuels. Publiée en 2006, c'est une autobiographie. Je vous la recommande. Les constatations socio-économiques de cette semi-fiction n'en sont pas moins exactes et saisissantes. Citons en une.
Page 23, je raccourcis la phrase : « Le pays [les États-Unis] finit [en 2006] dans un système où un pour cent de la population accapare 60 % des revenus, c'était 8 % en 1975. »
Si vous voulez des chiffres très officiels sur l'évolution de la dette publique américaine et de la distribution des revenus, consultez le site internet de la Federal Reserve. Il est parfois utile de ne pas se contenter de regarder la télé et de remonter aux sources. Si vous voulez savoir où en sont les revenus en France, consultez salaire moyens. Si vous voulez voir l'évolution de nombreux indicateurs en France, consultez l'open data français. Il faut un peu de patience, mais on trouve, en cherchant par exemple « dette publique » ou « revenu des ménages ».

Quelles sont les clés de notre avenir ?

Jusqu'ici, pas de problème si j'ose dire. Personne ne peut nier la réalité, on peut seulement la taire, ou parler d'autre chose, des immigrés par exemple (encore que... le mensonge, ça existe aussi). Mais ça se complique si l'on parle de l'avenir, si l'on parle des avenirs possibles. A mon humble avis – mais je ne suis pas le seul – on ne lit pas dans le marc de café, on ignore si l'on va sortir de la crise, ou si vous préférez des crises à rebondissements. Il est de plus en plus clair que compter sur les seules politiques d'austérité ne nous permettra pas de sortir de « la » crise, qu'il faut donc, comme le dit François Hollande, chercher la relance, en plus d'une meilleure équité fiscale et d'efforts d'économie. Il ne peut guère avoir tort sur ces deux points fortement corrélés.
Là où ça devient plus incertain, c'est quand on se pose la question suivante : « la ou les crises actuelles sont-elles de nature cyclique, conjoncturelle, ou plus grave, plus structurelle, plus systémique, pour employer différents vocabulaires ? ». Autrement dit, est-ce qu'on va retrouver la croissance et avec elle un niveau supportable d'inégalités, un niveau supportable de revenus pour ceux qui travaillent, par les mesures aujourd'hui prévues ? Est-ce que cela suffira, par exemple, pour ne plus avoir de travailleurs pauvres, de ceux qui doivent arbitrer entre un logement décent, une nourriture saine et les soins nécessaires, pour ne pas parler d'un bouquin de temps en temps ? Certains immigrés africains entretiennent un village africain entier par le versement Western Union d'une partie de leur salaire. La redirection d'un bonus de plusieurs millions d'euros permet de sortir de la pauvreté quelques milliers de personnes.
Là, il y a à gauche disons deux perspectives : les uns pensent que François Hollande a raison d'être relativement confiant, que le calme va revenir après la tempête, comme toujours. D'autres pensent qu'il faut (il faudrait si vous voulez) une sorte de métamorphose de nos sociétés, qui ne peut pas être dans un seul pays, même pas le nôtre, pour sortir d'une « logique » où le pouvoir économique est de plus en plus dans les mains de gens qui ne pensent qu'à optimiser leurs profits, appelons les les cupides pour simplifier ; qu'on ne peut compter seulement sur l'État, qu'il faut encourager et faire émerger des agents économiques qui fonctionnent dans une autre logique, en tenant compte de tous les porteurs d'enjeux : ceux qui apportent des capitaux, ceux qui travaillent, les États et autres collectivités démocratiques (les Régions par exemple) représentant l'intérêt général, notamment la société soucieuse de l'environnement et des ressources à long terme, sans parler des clients. Ceci peut s'exercer par les agents de l’Économie Sociale et Solidaire, notamment ; cela peut être, cela doit être un lieu d'innovation de la gouvernance, de la démocratie. Aussi par des réformes de la régulation et de la gouvernance des entreprises « ordinaires », sans doute. Personnellement, je n'en sais rien. Je ne suis pas le seul, malheureusement. François Hollande et beaucoup de nos futurs Députés de gauche sont favorables à l'ESS mais pensent sans doute que cela restera minoritaire, voire interstitiel ou négligeable globalement, quoique utile et sympathique. On peut aussi envisager non pas de « faire défaut » sur la dette, mais d'imposer par le pouvoir politique, probablement à l'échelle européenne, de ne rembourser qu'avec un taux d'intérêts de 1 % les dettes anciennes, par exemple de plus de cinq ans. Souvenez-vous que les banques empruntent à 1 % à la BCE. Cette mesure n'est pas dans le programme de François Hollande et il a peut-être raison ; peut-être ; pour ne pas affronter le dragon de face et cela tout seul ; ce n'est pas Saint Michel. Assurément nous devons nous libérer de la dette pour reconquérir nos libertés collectives (on appelle aussi ça « retrouver des marges de manœuvre ») et sans doute pas mal de nos libertés individuelles ; tout le monde est d'accord (je simplifie).
Deux visions possibles, donc, deux visions qui coexistent réellement, à vrai dire : (1) rétablir davantage de justice et d'égalité et compter sur la croissance, ou (2) s'engager dans des transformations plus profondes, plus structurelles. Et ne nous dites pas que les réformes structurelles doivent être d'abord le détricotage de la protection sociale ou de ce qu'il en reste. C'est le discours de Madame Merkel, il est de moins en moins dominant. Il faut aussi plus de mobilité, au moins dans nos têtes, certes. Une possible rechute grave dans la crise nous placera devant un dilemme : rendre le pouvoir à la Droite ou s'atteler à des changements plus profonds, s'il n'est pas trop tard. D'un mal peut venir un bien. Mais rien ne nous empêche d'y travailler maintenant, à cette métamorphose. Pour revenir à la lecture qui a déclenché ce texte, Olivier Ferrand est plus proche de la première vision. Tant pis : même ceux qui mettent plus de confiance – et de désir - dans la seconde auront besoin de lui quand même. On n'est pas prêts ? Il faudra bien se bouger quelques organes pour sortir du cercle vicieux austérité – nouvelle crise – inégalités qui explosent et deviennent... explosives. Tous les déclassés ne vont pas se terrer indéfiniment. Les charités publique ou privée peuvent être insuffisantes si la vision (1) s'avère insuffisante.
S'il y a une chose dont je suis sûr, c'est que la « solution » que propose ou va proposer la droite n'en est pas une. Cette certitude ne rassure pas.

Quelles relations pouvons-nous articuler entre ces deux visions ?

Voici la question annoncée, celle dont la réponse n'est pas évidente : on peut avoir plusieurs attitudes face à cette alternative.
L'une consiste à dire qu'un seul des deux termes de l'alternative est réaliste. Le problème est qu'on ne sait pas très bien lequel est réaliste, c'est à dire lequel permet de résoudre le problème.
Une autre attitude consiste à transformer cette interrogation en lutte politique – interne aux progressistes – entre les partisans d'une démarche et ceux de l'autre. C'est peut-être ce que l'on fera, mais j'imagine assez bien le résultat : le retour de la nouvelle droite UMPFN. Même si retour et nouvelle contiennent un paradoxe, cela peut se produire. A moins que cette lutte ne soit surtout un débat.
Personnellement, je propose une troisième attitude, qui n'est pas la moyenne arithmétique des deux précédentes : reconnaître que nous ne sommes pas devins, travailler à concevoir et commencer à mettre en œuvre une autre société (les « lois » économiques dépendent aussi de nos comportements collectifs et individuels, que nous pouvons choisir plus qu'on ne croit), prendre dès maintenant le plus possible de mesures réduisant le coté systémique (disons profond) de la crise à rebondissements, débattre et expliquer, se préparer à de plus grands changements structurels. Pour revenir à un capitalisme plus bienveillant ? Pour inventer une autre société ? Pourquoi pas ? Les mots sont importants mais ne sont pas tout et ne doivent pas nous empêcher de tirer dans le même sens, concrètement. Voyez l'annexe, à la fin de ce message.
Parlons un peu de rêves, justement. Le rêve américain, celui dont la droite américaine revendique l'héritage, celui de familles libres travaillant dans la saine compétition mais aussi dans la coopération, sans État ou presque, ressemble plus qu'on ne croit au rêve communiste, après le dépérissement de l'État, dans la société sans classes. Ils ne le savent pas mais ces deux rêves là sont libertaires et pourquoi pas. Le rêve de la charia, que je connais moins bien il est vrai, me semble davantage ressembler au rêve de l'autorité bleu marine ; intéressant paradoxe. Le problème est que le rêve ultra libéral américain s'est transformé et continue à se transformer en cauchemar de la dictature des cupides. Le problème est que la dictature du prolétariat s'est transformée en cauchemar de la dictature des apparatchiks, puis en dictature de néo-féodaux, de capitalistes enthousiastes et de la mafia. Le rêve français, Liberté-Égalité-Fraternité, quelque peu incomplet en termes économiques, peut cependant rester le nôtre, être partagé et approfondi. C'est aussi celui de la séparation des pouvoirs, pas exactement celui du mépris des magistrats, celui où les magistrats doivent obéir (à qui, grands dieux ?), travailler plus vite et se taire. Il peut et doit être approfondi. Cela veut dire aussi extension du domaine de la démocratie. On a besoin de Direction (de chefs) pour cordonner les gestes, comme un chirurgien ou une chef d'orchestre le font. Pas pour choisir les grandes orientations : pour cela, la démocratie est une meilleure perspective, y compris au sein des agents économiques ; il faut travailler à son approfondissement, à ses méthodes concrètes. J'ai fait allusion à la démocratie délibérative, qui n'est pas exactement la démocratie participative ; certainement pas le chèque en blanc ; on peut faire mieux que déléguer le pouvoir à ses élus, bien que ce ne soit pas facile ; et beaucoup mieux que se résigner au pouvoir absolu des seuls actionnaires. On a besoin de maîtriser les chefs, de les contenir dans le rôle de coordination des gestes qui exigent la coordination. Les Législateurs, c'est autre chose : leur rôle n'est pas d'être des chefs, ni de servir d'intermédiaire pour accéder aux puissants, mais de faire la Loi ; pas seulement (!) de valider le travail des cabinets ministériels de la majorité. Donner des idées, clarifier une perspective, faire une synthèse, c'est un autre rôle que celui de chef, et même que celui de tribun. C'est un travail de connaissance de la réalité, de clarification des objectifs, de réflexion, de parole. Il y a plusieurs sortes d'acteurs pour cela, plusieurs canaux. La nouvelle société, l'autre société, la société dont nous avons besoin, celle que nous voulons, la société solidaire, qui ne gaspille pas, écologique, qui donne à tous plus qu'une chance, une réelle capacité d'accomplissement et de bonheur, une réelle égalité des personnes et des peuples, sans uniformité, qui donne le respect pas seulement dans la forme, qui évite les vraies ou fausses naïvetés, qui assume la complexité mais ne nous embrouille pas dans la confusion mentale, qui ne pense pas qu'à court terme, qui ne prêche pas pour les miracles, qui ne nous détourne pas vers les divertissements dénués de sens mais où l'on fasse la fête, qui ne nous fatigue pas avec le sucre sans sucre, le sexe sans contact physique et la graisse sans graisse, elle s'appellera comment ? Un « nouveau capitalisme », un « nouveau socialisme », autrement ? Moi pas savoir, moi pas prophète. J'explore un peu la question en annexe. L'important est de travailler sur les solutions et leurs cohérences ; avec audace, persévérance, modestie, intelligence, courage ; les mots viendront sans doute au bon moment. Pas très grave si ils viennent un peu trop tôt ou un peu trop tard. Idéalisme ? Cet idéalisme là, ou son cousin, est le seul réalisme qui nous reste.
Inventer, disons-nous, mais avec qui ? Certainement pas avec (seulement) une fraction de la gauche. En écoutant plusieurs discours, en en construisant de nouveaux – je parle de discours traçant des perspectives et des chemins, pas de baratin –, en évitant de se tromper sur le diagnostic ou de cacher la réalité pour sauver ses meubles, en se mettant d'accord dans la pratique avec tous les gens qui souhaitent humanisme et progrès, qui comprennent quelques mécanismes, qui acceptent de contribuer au nécessaire effort commun. En écoutant les professionnels de la politique, de l'administration ? Certes, mais pas seulement ceux là ; ils sont formés aux solutions connues et peuvent même penser à des réformes ; c'est déjà ça mais ils ne suffisent pas. Certainement pas en attendant tout d'un Président, fût-il excellent ; et François Hollande peut l'être. La politique ne doit pas être d'abord l'art de conquérir « le pouvoir » mais surtout celui de construire des solutions, d'identifier des perspectives et des chemins. Au travail. Haut les cœurs. Et tant pis si ça sent la sueur.
Ce que je viens de dire est une perspective quelque peu personnelle ; je me suis un peu lâché comme on dit vulgairement, ça m'arrive parfois. Pas très éloignée cependant de ce que pensent d'autres personnes qui acceptent de se prendre la tête et d'espérer. Comment éviter de se prendre la tête dans la situation actuelle ? Mais ne cherchez pas à me cataloguer un peu plus ou un peu moins à gauche : ce n'est pas le problème et vous n'y arriverez pas. Les solutions toutes faites sont naïves ou comptent sur la naïveté des autres ; pour un temps.

Annexe : des mots et des choses

Explorons les mots. C'est pas tout, mais ça compte. Dans notre effort pour réformer ou dépasser le capitalisme (je préfère dépasser, vous l'avez compris), plusieurs vont chercher des mots et des signes ; il n'y a pas que des linguistes, il y a aussi des sémiologues, même s'ils sont des Monsieur Jourdain de la sémiologie. On cherche des mots avec raison : les mots sont chargés ; on voudrait rallier large, donc utiliser les mots multi-fétiches ; à moins qu'il ne faille inventer des mots sans connotation, sans fétichisme, justement, pour rassembler. Des mots presque vides comme « nouveau », « génération », « changement », « fort » : la politique, ça marche aussi comme ça, enfin d'après les grands muftis communicateurs. Comment dépasser les connotations négatives, éviter les crises allergiques, sans fournir un sac fade et vide ? Petit remue-méninges. Il y a aussi moyen de changer radicalement le contenu sans changer le mot ; exemple « Parti Communiste de Chine » ; on pourrait faire çà avec le capitalisme ; je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. Avec un peu d'humour et de patience, un nouveau groupe nominal, on devrait arriver à le construire ; enfin peut-être.
Les raisonnables vont préférer nouveau capitalisme ; les fidèles (mais pas trop) vont vouloir nouveau socialisme – mais socialisme, c'est une injure, en Amérique on n'est pas en Amérique ; et chez eux, Libéral en est aussi une, pour les buveurs de thé et même des buveurs de bière à cou rouge. Les alter-mondialistes ont fait un effort intéressant, du coté des mots ; d'ailleurs, il faut travailler avec eux ; mais la place est prise et ils se défendront de toute récupération. Plusieurs vont vouloir un coté graphique, une ou des couleurs, peut-être : rose et vert ? - ça fait caca d'oie ; rose tout court, c'est trop modéré, on veut la métamorphose (révolution, arrête ton char ; arrête ton charre) ; rouge, ça ne va pas, en général, sauf au Premier Mai ; blanc, c'est trop royal, bleu faut voir, mais pas marine ; orange, c'est pris par les Ukrainiens – et alors ? Mauve ? C'est rose et bleu, la lavande, ça sent bon - on met en réserve. Vert tout court c'est islamiste - mais non, c'est écologiste ; l'écologie n'est qu'une facette ; et puis on n'a rien contre la polysémie, au contraire ; sauf si elle est trop incongrue. Plusieurs facettes ? Un Rubik's cube ? Tu veux vraiment un casse-tête ? Mais le monde est complexe, hombre. Des gays et lesbiennes come-outés proposent un arc en ciel. Des maçons pas come-outés tentent d'introduire un trois. Des anciens gaullistes d'origine slave proposent une sorte de croix de Lorraine revisitée – tout aussi abscons et complètement à coté de la plaque. Des sémites réconciliateurs, d'origine viennoise (ils connaissent Hundertwasser), proposent un triangle avec une étoile de David, un croissant et même une croix, genre ☽✞✡- mais non voyons, soyons laïcs, pas syncrétiques. Des amateurs de réseaux sociaux proposent des cercles qui s'entrecroisent – comme les jeux olympiques ? Non, comme Google+ ; c'est déjà pris, non ? Une photo de quelques anonymes sympathiques : une employée de banque coopérative, un ouvrier bien de chez nous, un consommateur éclairé, un énarque prenant le métro, une vendeuse de super-marché, un conducteur de charrue, un cadre à la cravate froissée – et un hacker avec un masque ? Un Africain propose un baobab à coté d'un sapin et d'un chêne : du Nord au Sud et même de l'Est à l'Ouest – silence gêné : tu crois que ça peut pousser ensemble ? Je préférais le clocher - c'est pas possible, on peut pas mettre de minaret. Les Libanais ont bien un cèdre et ils poussent parfois ensemble. On parle d'Économie, voyons. OK, mais la réunion de l'arbre à palabres et de Tannenbaum, c'est intéressant, non ? Depuis quand les baobabs sont-ils des arbres à palabres ? Ce sont les Belges qui ont besoin d'arbre à palabre – pas seulement eux. On s'égare ?
On revient aux mots, peut-être par les initiales. Des chrétiens prudemment prophétiques proposent Nouvelle Cité – pourquoi pas phalanstère, tant que tu y es ? Des gens d'origine asiatique proposent l'Économie Éveillée – personne ne comprendra, voyons, les gens ne connaissent pas Bouddha. Des européens cherchent un sigle qui se lise dans un sens en français et dans l'autre en anglais, comme ONU et UNO. Tant qu'on y est, cherchons un palindrome – un palindrome bilingue, c'est difficile ; il nous faudrait un surréaliste – mais non, on est des réalistes. Maître Xavier du Schmoll de la France Des Traditions propose une approche héraldique – pour une ville, d'accord, mais pour un nouveau cours socio-économique ? On a eu la faucille et le marteau ; vous voulez l'IPAD et la cocotte-minute ? Le robot de soudure et le pulvérisateur d'insecticide ? Le jean et la cravate ? Économie Libre, Sociale, Solidaire et Humaniste, ça fait ELISOSOHU – trop long, pas assez de gauche, incongru. Et merde !
Bon, il faudra améliorer le brain-storming, pardon, le remue-méninges. Rigoler, d'accord, mais aussi inventer, pardon, créer. L'idée est que les mots, les sigles, les graphismes, les couleurs, les sons ont leurs poids, charrient des souvenirs, des morceaux d'inconscient, des sentiments, des désirs, des peurs, des malaises sournois, des analogies, des liens imprévus, des fenêtres ouvertes, des portes fermées, parfois même des concepts ; ils connotent, parfois même ils dénotent. Ce n'est pas indifférent. Il en surgira. L'idée est surtout de réunir les efforts de plusieurs familles, de rassembler sans trahir. De construire des consensus sur des mesures importantes, qui nous permettent d'avancer, de résoudre nos principaux problèmes, et de mettre un signe de ralliement sur cette communauté d'effort, sur cette convergence, fût-elle multicolore ou métissée. Aujourd'hui, le signe du changement et du rassemblement, c'est largement la photo d'un homme normal. Mais on ne va pas tomber dans le culte de la personnalité, n'est-ce pas ? Nous, les français, on n'est pas très portés sur le culte de la personnalité ou alors ça ne dure pas, et c'est tant mieux. Pourtant, la synthèse de la distance et de la proximité, pas facile, mais possible ; la preuve par François. Ce serait bien de trouver un signe qui ait ces qualités et ne soit pas la photo d'un homme en costard ; ce serait surtout bien de continuer à converger malgré nos différences.