vendredi 8 juin 2012

Se loger


Avant le premier tour des élections législatives, nous abordons ici la question de la pénurie de logements abordables.
La Fondation Abbé Pierre par exemple, rappelle quelques données : en France, aujourd’hui, 3,6 millions de personnes, seules, fragilisées, perdues sont victimes de mal-logement. En France, aujourd’hui, 10 millions de personnes souffrent, de près ou de loin, de la crise du logement. En France, aujourd’hui, une majorité de familles est tenue au quotidien de faire des sacrifices sur l’essentiel(santé, alimentation, éducation des enfants...) pour accéder ou se maintenir dans un logement.
Bièvres n'est pas un lieu de concentration de personnes ayant des revenus modetses, quoique il y en ait comme partout. Mais dans cette ville, les jeunes sont souvent incapables de quitter le logement des parents ou du moins de rester dans la commune. Des personnes, notamment âgées, se replient ailleurs.
La loi DALO (droit au logement opposable) exprime un droit fondamental et est à ce titre positive. Le problème est que la pénurie de logements accessibles aux personnes de revenus modestes jointe au choix d'une partie des élus de préférer payer des amendes plutôt que de (laisser) construire des logements sociaux aboutit à des situations toxiques : lorsqu'une personne ou une famille cherche à faire valoir son droit au logement, le Préfet ne peut, bien sûr, que lui proposer un logement social là où il y en a, aux Ulis par exemple, où il y en a grosso-modo 50 %. Cela a plusieurs conséquences : ces personnes sont déplacées, le plus souvent loin des écoles des enfants, loin du travail actuel ou possible des parents ; de plus, le logement ainsi alloué cesse d'être disponible pour de légitimes demandeurs locaux ; certains demandeurs, à juste titre scandalisés de ne pas recevoir d'aide, et voyant que des immigrés, par exemple de l'Est de l'Europe, en reçoivent, votent Front National, ce qui ne leur crée pas de logement. Par ailleurs, ces mal ou non-logés sont parfois trimbalés dans des hôtels pour quelques semaines, ce qui est très inadéquat pour les enfants, coûte très cher à la collectivité et les ramène souvent un peu peu plus tard à la rue. Tous les gens qui ont examiné ce type de situations savent deux choses : ces personnes ne doivent pas être des intermittents du logement, doivent être accompagnées et surtout, il faut davantage de logements abordables.
La perception des voisins possibles de logements sociaux est parfois, trop souvent, paradoxale : ils n'ont rien contre l'infirmière, l'agent de police, le facteur, lesquels ne peuvent payer qu'un logement social : ces gens sont des travailleurs, pas des paresseux ni des gens particulièrement bruyants, mais ils ne peuvent pas payer un loyer de huit cent euros ou davantage. Ce qui n'empêche pas les pétitions de fleurir pour les envoyer un peu ou beaucoup plus loin et les Maires complaisants de s'aligner sur cette soit-disant vox populi. La solution est bien sûr la mixité sociale : un petit immeuble de logements sociaux est aisément supporté, à la différence de barres imposantes dans le style des années soixante. C'est pourquoi tous les gens conscients favorisent des programmes mixtes, où il est souvent difficile de distinguer les logements sociaux de ceux en accession à la propriété. Reste la résistance de certains habitants à des voisins différents. Beaucoup de gens, dont votre serviteur, préfèrent les quartiers socialement mixtes à ceux où tout le monde a le même genre de look, de revenu et d'âge, vite ennuyeux.
La pénurie de logements disponibles est imputable à plusieurs facteurs. Certains sont sociologiques : le vieillissement de la population, la moindre stabilité des couples font croître le nombre de logements nécessaires par habitant : il n'y a plus que 2,3 personnes par ménage en moyenne en France. D'autres sont liés au désengagement de l'État, qui n'abonde plus que des prêts d'accession à la propriété. Bien que les classes moyennes supérieures aient à peu près abandonné la bourse (sauf à la rigueur à travers l'assurance vie) et choisissent d'investir leurs économies dans l'immobilier, alléchées par les « économies d'impôt » en partie redirigées vers les promoteurs, les logements ainsi créés ne sont pas toujours accessibles au ménage moyen, très rarement aux plus défavorisés.
Rappelons quelques données sur les revenus : le revenu médian par ménage est actuellement de 2314 € (cela veut dire que la moitié des ménages gagne plus, l'autre moitié gagne moins). Ceci pour des ménages de 2,3 personnes. Sont considérés comme pauvres par l'INSEE ceux qui gagnent moins de la moitié de ce revenu médian, à savoir 1157 € par mois. Il y en a près de 20 %.
Que penser de l'achat par leurs habitants de certains logements sociaux ? A Bièvres, l'ancienne Maire notamment s'est élevée contre cette mesure, créant disait-elle une course poursuite sans fin vers les 20 % de logements sociaux demandés par la loi SRU. J'avais été perplexe, étant élu, par rapport à ce discours. La semaine dernière à Bures sur Yvette, Marie-Noëlle Lienemann nous a expliqué que cette possibilité, encouragée par l'ancien gouvernement, était censée faciliter le financement de nouveaux logements par les offices HLM, sans coût pour l'État ; vendre un logement devait permettre d'en construire deux. C'est malheureusement le contraire qui se produit : il faut en vendre deux pour en construire un, en chiffres ronds.

Que propose le nouveau gouvernement ?

Plusieurs mesures sont de nature à infléchir cette situation.
Modération des augmentations de loyers. Des dispositifs existent déjà, limitant les augmentations de loyers ; il s'agit de renforcer cette loi. Cela jouera dans les cas où les prix augmentent de façon excessive, il ne s'agit pas d'un insoutenable blocage général dans le style 1948. Les gens qui poussent des hauts cris et annoncent l'augmentation de la pénurie sont les ineptes adeptes de TINA, « there is no alternative », il n'y a pas d'alternative, ce cri de Madame Thatcher exprimant la foi naïvement ou consciemment en faveur des mécanismes de marché vus comme seule régulation saine.
Mise à disposition des terrains disponibles appartenant à l'État. L'effet de cette mesure n'est pas encore quantifié ; elle aura notamment un effet d'accélération des programmes de construction (ce qui compte, c'est la mise à disposition effective de logements, plus que leur programmation), et de réduction des coûts, en utilisant une formule de péréquation afin que dans les programmes mixtes (locatifs et accession) il n'y ait pas d'aubaine pour la spéculation.
Le doublement des plafonds de Livrets A dégagera des ressources importantes au service du logement (à travers la Caisse des Dépôts et Consignations) et du même coup mettra une part plus importante de l'épargne des français au service de l'économie réelle, celle qui donne du travail et fournit de la valeur à la population plutôt qu'aux financiers.
On parle aussi de renforcer les pénalités des municipalités qui s'opposent aux constructions de logement sociaux, y compris par leurs PLU ; les Préfets pourraient devoir (plutôt que pouvoir) constater les carences locales.
Enfin, l'intention d'isoler thermiquement un million de logements par an est de nature à réduire les coûts énergétiques de manière importante ; en effet, ce qui compte n'est pas seulement le coût des loyers et des emprunts, mais aussi celui des charges, en premier lieu de celles liées au chauffage. Les dispositifs prévus n'auront bien sûr qu'un effet progressif, en raison des coûts d'amortissement de ces travaux, mais le renchérissement prévisible de l'énergie renforcera l'effet de ces économies.
Localement – dans la cinquième circonscription de l'Essonne) – rappelons que c'est l'État et non les élus locaux qui a construit des tours dans les années soixante, aux Ulis notamment.
En conclusion, disons qu'il y a du boulot et que le nouveau gouvernement se dirige clairement vers de vraies solutions. Nous devons confirmer notre volonté de changement. La confiance "religieuse"  dans les marchés est une impasse. D'autres forces que les socialistes veulent le progrès, ou simplement sont conscientes qu'il faut sortir des culs de sac actuels ; il y a des gens de bonne volonté même en dehors du PS (souriez). Voter pour Maud Olivier, ici, est nécessaire pour que nous puissions ensemble aller dans la bonne direction.

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