jeudi 3 mai 2012

Le débat


On peut le revoir sur dailymotion ; quelques moments marquants sur http://francoishollande.fr/ ; si vous préférez lire, par exemple pour prendre ou reprendre connaissance de ce qui a été dit sur un thème, regardez Le Monde il y a un script complet.
Beaucoup de gens commentent, soyons bref. Au niveau du spectacle, FH n'est pas très vulnérable aux « katas » (figures de sport de combat) de NS, c'est le moins que l'on puisse dire. NS plus agité, FH plus calme, comme on s'y attendait. Au niveau des argumentations, rien de très neuf, bien sûr. Les batailles de chiffres toujours difficiles à entendre.
Comme d'hab, Libé fournit des éléments de désintox. Thomas Piketty y écrit un billet particulièrement pertinent et je ne résiste pas au désir d'en citer une large part :
"… Alors qu'il est au pouvoir depuis dix ans, Nicolas Sarkozy n'hésite pas, par exemple, à remonter à la politique de Lionel Jospin, avant 2002, pour trouver les origines de nos difficultés actuelles. Ce n'est vraiment pas sérieux et très gonflé.
Plus grave encore, le Président a menti sur l'Allemagne et le commerce extérieur de la France. En 2000, 2001 et 2002, le commerce extérieur français était excédentaire, au même niveau que celui de l'Allemagne. Aujourd'hui, à l'inverse, la France connait son plus fort déficit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Et ce serait la faute des 35 heures ? Il a également essayé de faire croire qu'il n'avait pas fait de cadeaux aux riches, alors que la France est le seul pays de l'Union Européenne à avoir allégé la fiscalité des très hauts patrimoines en pleine crise des finances publiques ! Unique. Contrairement à ce que le Président de la République a dit, la France n'est pas du tout le seul pays de l'UE à avoir un impôt sur la détention de patrimoine. Beaucoup d'autres pays ont, par exemple, une fiscalité bien plus haute que la nôtre sur le foncier.
La seule particularité de la France, c'est que l'impôt sur la fortune (ISF) a un aspect plus redistributif, puisqu'il touche plus ceux qui se trouvent tout en haut de l'échelle sociale. Mais c'est justement cette progressivité que Sarkozy a remise en cause en allégeant très fortement l'ISF. Hollande promet de la rétablir dans son ancien barème, et c'est une bonne chose. Quand le Président a abordé la question de l'immigration, je l'ai trouvé nauséabond. Ce drôle de mélange d'inspiration très libérale quand il s'agit de favoriser les riches et de fermeture nationaliste quand il s'agit de bloquer les étrangers, notamment les étudiants, m'a laissé un goût amer. Ce n'est pas ce qu'avait été la droite française, c'est quelque-chose de nouveau et de très dangereux."
Pour ma part, je me suis fait cette réflexion : NS fustige quelques leaders de gauche qui ont parfois « avoué » n'avoir pas tous les pouvoirs, pour empêcher des licenciements par exemple. Comme si les dirigeants de l'État ou les dirigeants politiques avaient tous les pouvoirs ; comme si on ne savait pas que l'essentiel du pouvoir économique appartient aux marchés ; NS feint-il de l'ignorer, lui si expérimenté ? Quelque part il raisonne comme ces personnes d'extrême gauche qui nous reprochent parfois de ne pas avoir pris (tout) le pouvoir pour le peuple. J'ai d'abord cru que cet argument était simplement une posture de rodomontade, de fier à bras. Il y a de ça, bien sûr. Mais il y a autre chose : fondamentalement, lorsque la gauche est « au pouvoir », elle est surtout, dans le domaine économique, un contre-pouvoir ; pour le moins, elle n'est pas Le pouvoir. Lorsque NS dispose du pouvoir politique, il n'y a plus d'équilibre des pouvoirs, une sorte de cohabitation économique : à travers une répartition des rôles plus ou moins transparente entre politiques et dirigeants économiques, les marchés ont tous les pouvoirs, ils ont nécessairement gain de cause en fin de compte, qu'ils aient « raison » on non du point de vue du peuple. La question de la dette est assez simple pour eux : il convient que les États aient la dette la plus grande possible compatible avec sa solvabilité, c'est ainsi qu'ils optimisent leur rente ; et si cette solvabilité vient à devenir douteuse, il faut réduire les autres dépenses, pas celles du remboursement de la dette et de ses intérêts. La destruction créative fait partie de leurs « bons » mécanismes. Mais ça ne marche pas toujours : ils peuvent se planter et nous pouvons nous défendre.
Nous pouvons aussi travailler à construire une société où le pouvoir économique ne soit pas dominé par les cupides. Plus facile à dire qu'à faire ? Certes ; mais il faudra bien sortir d'une perspective de situation à l'espagnole qui nous menace tous. NS fait mine de croire que c'est la faute des socialistes ; pour ma part, je vois les choses différemment : le fonctionnement des marchés a mis l'Espagne dans cette boue (un quart de chômeurs, la moitié parmi les jeunes) et les socialistes n'ont pas été capables de s'y opposer. Il faut sans doute changer quelque-chose chez eux ; il faut surtout inventer ou réinventer un autre monde, qui ne soit pas fondé sur l'hypothèse fausse que les hommes ne peuvent prendre de décision que dans leur intérêt individuel et immédiat, et que ces comportements assurent in fine l'intérêt général et doivent donc être déifiés. Vaste programme.  

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