mercredi 28 mars 2012

La démarche Roosevelt 2012 est-elle la démarche nécessaire ?

Je suis allé mardi soit 27 octobre prendre part à une réunion du groupe Roosevelt2012 pour écouter, si possible comprendre et si possible évaluer la pertinence de l'attitude de ce comité. Le présent message ne relaie pas une position officielle du P.S. ni de François Hollande. Il ne rapporte que ce que j'ai cru comprendre, en toute humilité. Comme il s'agit d'une proposition politique fondée sur une analyse économique, et que les économistes se trompent plus souvent qu'à leur tour lorsqu'il s'agit de savoir si l'on va sortir de la crise ou s'y enfoncer, j'ose espérer que cette humilité peut être partagée.
Le comité Roosevelt 2012 rassemble outre quelques milliers de citoyens des personnes connues, en général pour leurs positions de gauche, toujours pour leur liberté d'analyse. Citons Stéphane Hessel, Michel Rocard, Pierre Larroutourou, Edgar Morin. Le fait est que j'ai eu l'occasion d'échanger directement quelques idées avec trois de ceux que je viens de citer, que je les respecte tous et invite mes amis à en faire autant. Cela ne signifie pas qu'ils aient en tout raison dans ce cas. De quoi s'agit-il ?
Un mot d'histoire d'abord : Franklin Delanoe Roosevelt fut élu Président des États-Unis en mars 1932, à la fin de la grande crise, pendant laquelle il était gouverneur de New-York. Dès son élection et très rapidement, il a pris une série de mesures importantes qui ont changé la situation aux États-Unis, dont une très forte imposition des citoyens les plus riches. Citons un paragraphe de ce qu'en dit Wikipedia.
Au début de son mandat, Roosevelt prit de nombreuses mesures pour rassurer la population et redresser l’économie. Entre le 4 mars et le 16 juin, il proposa 15 nouvelles lois qui furent toutes votées par le Congrès. Le premier New Deal ne fut pas une politique socialiste et Roosevelt gouverna plutôt au centre. Entre le 9 mars et le 16 juin 1933, période de Cent Jours qui correspond à la durée de la session du Congrès américain, il fit passer un nombre record de projets de loi qui furent facilement adoptés grâce à la majorité démocrate, au soutien de sénateurs comme George NorrisRobert F. Wagner ou Hugo Black, mais aussi grâce à l’action de son Brain Trust, l'équipe de ses conseillers issus pour la plupart de l'université Columbia.
Il n'est donc pas très étonnant que l'on puisse évoquer la possibilité pour François Hollande, s'il est élu, de se comporter de manière analogue à Roosevelt. Mais ne poussons pas trop loin ici l'analogie et écoutons le discours, à travers ce que j'en ai compris ; si vous voulez voir par vous-même et plus directement, consultez le site du comité ou lisez le petit bouquin de Pierre Larroutourou qui vient de sortir et dont le titre est un résumé : C'est plus grave que ce qu'on vous dit... Mais on peut s'en sortir. 15 propositions centre la crise économique à appliquer d'urgence. 3 euros.
J'aborde trois facettes : le diagnostic, les propositions, l'attitude politique.
Le diagnostic. On ne peut éviter de développer, car là réside le fondement de la possible pertinence de l'ensemble de la démarche.
On n'est pas sortis de l'auberge. La dette américaine vient d'atteindre 358% du PIB. Les deux partis américains font consensus pour arrêter l'hémorragie dès la prochaine élection Présidentielle. Ni eux ni les européens n'auront plus de paquets de centaines de milliards à donner aux banques pour les empêcher de couler lorsqu'elles font de mauvais calculs. La part des richesses créées qui est distribuée en salaires est passée dans les dernières années de deux tiers à un peu plus de la moitié (OCDE). La différence est accumulée par 0,2% de la population et représente 150% du PIB.
La baisse de la croissance est tendancielle depuis trente ans, ce n'est pas un accident récent. Il est difficile d'imaginer que l'on va repartir vers 2,5%, le chiffre magique où les gains de productivité cessent de détruire des emplois.
La Chine n'est pas responsable de nos malheurs : l'explosion de la dette et l'augmentation du chômage datent précisément de la mise en œuvre des politiques néolibérales (Reagan et Thatcher), pas de l'explosion de l'excédent commercial chinois (2006).
La Chine ne peut pas sauver la croissance : la croissance des salaires chinois s'est transformée en décroissance depuis que la Chine est admise à l'OMC. La bulle immobilière chinoise est bien plus grande que celle d'Espagne ; son explosion est en cours.
L'explosion du chômage est due pour 15% au commerce extérieur, pour 85% aux gains de productivité. La production industrielle ne baisse pas dans l'OCDE, c'est le travail nécessaire à cette production qui baisse. Les gains de productivité, énormes et continus peuvent être compensés de deux manières : en donnant plus aux actionnaires – « solution » actuelle – ou en diminuant le temps de travail, en améliorant la qualité de vie de tous. Travailler plus alors que moins de travail est nécessaire pour la même production n'arrange que les banquiers. La politique allemande dite kurzarbeit consiste lorsque la demande baisse de 20% pour une entreprise, non pas à licencier 20% du personnel, mais à diminuer le temps de travail de 20%, l'État payant les heures chômées. Ils ne font pas que de bonnes choses, mais ils en font, parfois.
Les propositions. Je ne développe pas. Elles comportent 15 mesures, surtout pour reprendre le pouvoir face à la finance. En voici une : séparer les banques de dépôt et les banques d'affaires (Roosevelt l'avait fait) permet de sortir du cercle infernal que voici : si la banque gagne de l'argent en spéculant, cela part en dividendes ; si elle en perd, elle se fait renflouer par les États, c'est à dire par les impôts et la destruction des services rendus par l'État, afin d'éviter la destruction des maigres économies des citoyens ordinaires. Cette séparation est dans le programme socialiste. La question est qu'elle soit mise en œuvre.
L'attitude politique. Dans cette réunion, tous ceux qui se sont exprimés (une dizaine de personnes sur les cinquante présents, certains appartenant au PS) ont exprimé comme une évidence leur intention de voter pour François Hollande, au moins au second tour (oui, il y aura d'autres choix au premier tour). S'il y avait un UMP, il n'a pas fait son come out. L'attitude générale était respectueuse, consistait à faire effort pour comprendre, dans la confusion mentale entretenue principalement par les droites et à se rendre disponible pour agir et pousser à agir. Roosevelt2012 n'en demande pas plus (ah si, que cela soit fait tout de suite). La crainte de ce courant de pensée est simple : si la gauche venant au pouvoir ne prend pas rapidement les mesures nécessaires, elle ne pourra pas faire face aux prochains épisodes de « la crise » et sera balayée électoralement dès le mi-mandat ; ce serait dommage. L'état de grâce est fugitif. Naturellement, prendre les mesures adéquates ne signifie pas celles qui arrangent la finance. D'ailleurs c'est impossible : le matin ils nous demandent de nous serrer la ceinture pour réduire les déficits (pas trop la dette : elle permet de bons transferts vers les financiers), l'après-midi ils demandent la relance : il faut bien vendre des bagnoles. Ô Ford, toi qui avais compris que pour vendre il fallait des clients, prie pour nous. Fin de la description de ce que j'ai cru comprendre.
En conclusion, voici ce que je me permet de penser, librement : (1) il est vraisemblable que le diagnostic est bon (2) il est bien possible qu'il y ait en effet besoin d'agir vite, fort et de manière cohérente – pas de manière chaotique et spectaculaire comme NS qui parle de la toxicité des paradis fiscaux puis finit par se rendre aux bons conseils de Michel Pebereau, patron de la BNP – (3) il faut à cet effet commencer par élire François Hollande, puis ne pas attendre béatement mais agir ensemble, pas seulement dans les cabinets ministériels, pas seulement dans les (indispensables) partis qui portent aujourd'hui la candidature de François Hollande.
Naturellement, vous pouvez par la voie des commentaires ou par la voie de courriels directs expliquer que je n'ai pas tout compris des positions de Roosevelt2012 ou qu'elles comportent des inexactitudes ou de possibles effets pervers, que sais-je ? La période électorale ne nécessite pas l'apnée de la pensée. Après, il faudra encore, surtout peut-être, réfléchir, débattre, agir.
JLE

1 commentaire:

MKL a dit…

Super résumé du projet.

J'ajouterai juste un point qui fait une différence fondamentale avec les projets des différents candidats, c'est l'accent mis sur la lutte contre ce que Roosevelt 2012 considère comme l'origine directe de la crise actuelle :

le chômage de masse.

Et les solutions préconisées sont pour une fois à la hauteur de l'enjeu :

2 MILLIONS d'emplois CDI en 5 ans sans ruiner l'état ni les entreprises ni le contribuable.

Associées au "Kurzarbeit" que vous mentionnez, qui permettrait d'interrompre quasi-instantanément l'hémorragie de plans de licenciements actuelle (j'ai entendu parler d'1 million de nouveaux chômeurs attendu d'ici 18 mois...)