dimanche 15 avril 2012

A propos du gaz et des huiles de schiste

Une amie Biévroise – qui a déjà évoqué la question lors de notre réunion publique du 12 avril - m'a transmis les réponses de François Hollande et de Jean-Luc Mélenchon au questionnaire d'une association qui lutte contre les gaz et huiles de schiste. Cette amie fait remarquer – à juste titre – que la réponse de FH est plus floue que cette de JLM. En gros, FH est plus prudent et s'oppose à la recherche et l'exploitation de ces combustibles fossiles dans l'état actuel des techniques, laissant ainsi la porte ouverte à une éventuelle évolution, tout en actant le caractère inacceptable des techniques actuelles.
Ma réponse est personnelle, mais je pense qu'elle est au moins compatible avec l'orientation de FH. D'abord, il se trouve que je m'intéresse, de manière durable bien sûr :-) , aux questions énergétiques, notamment en ce qui concerne l'usage des combustibles fossiles, qui reste dominant sur la planète et particulièrement chez ceux qui en ont beaucoup. Il faut savoir deux ou trois choses lorsque l'on s'oppose à l'usage des combustibles fossiles. Sans entrer dans les chiffres, le pic de la production de pétrole classique (de bonne qualité et relativement aisé à exploiter) est probablement passé et la comparaison des réserves avec les prévisions de consommation indique qu'il en reste, grosso-modo, pour une génération ; ça passe vite. Quelles sont les autres sources d'énergie ? D'abord, assurément ce que l'on appelle par jeu de mots les négawatts, à savoir les économies d'énergie ; ensuite l'énergie nucléaire, qui pose en effet de graves problèmes même sans raz de marée, mais – on l'oublie parfois – peut elle aussi nous réserver de bonnes surprises technologiques, du coté de la fusion notamment - si l'on n'est pas trop pressés (pour être clair, je ne suis pas certain qu'il soit plus facile d'exploiter proprement les huiles de schiste que l'énergie des noyaux de nos atomes) ; également les combustibles fossiles du coté solide, charbon et autres tourbes, qui restent très présents en Chine et en Allemagne ; également le gaz, notamment Russe, dont il reste de grandes quantités, mais pas éternelles ; puis viennent les « nouveaux hydrocarbures », dont les huiles et gaz de schiste font partie ; enfin les énergies renouvelables.
Je pense qu'il est utile de dire deux ou trois choses sur les nouveaux hydrocarbures, car ces choses ne sont pas encore dans nos têtes, le plus souvent :
  1. Pour certains usages (essentiellement le transport) il est difficile de se passer d'hydrocarbures parce que l'électricité se stocke mal et que l'usage de l'hydrogène (qui n'est pas une source d'énergie mais un moyen de la stocker) reste difficile et dangereux, dans l'état actuel des techniques, au moins dans des voitures ou avions.
  2. Les nouveaux hydrocarbures sont de trois sortes : (a) les forages très profonds et/ou dans des lieux exotiques comme l'Arctique (b) les sables bitumineux (c) les gaz et huiles de schiste. Ces trois nouvelles sources ne sont pas un détail mais changent ensemble fortement la donne énergétique globale pour plusieurs raisons.
  3. Il y en a de grandes réserves, probablement pour plusieurs siècles et non pour une génération.
  4. Il n'y en a pas que dans le Sud (arabe ou non) mais aussi aux États-Unis, au Canada, et même en France. Au point que les États-Unis peuvent sérieusement envisager l'indépendance énergétique et assurément obtenir une dépendance beaucoup moins grande des pays de Golfe ou du Vénézuela. Ils préfèrent acheter au Canada ou exploiter chez eux. Cela va avoir un impact géopolitique important, peut-être majeur.
  5. L'exploitation de ces nouveaux hydrocarbures est et restera très coûteuse, beaucoup plus coûteuse que celle du pétrole brut actuel.
  6. L'exploitation de ces nouveaux hydrocarbures est et restera dangereuse et toxique du point de vue écologique ou environnemental : importants risques d'accidents – il serait intéressant de comparer au nucléaire -, forte empreinte carbone – il faut dépenser beaucoup d'énergie pour en produire -, effets de pollution chimique assurés, le seul espoir étant de confiner cette pollution dans les formations géologiques stables (cela ne vous rappelle pas quelque-chose du coté des déchets nucléaire ?).
Dans ces conditions, il y a fort à parier que l'économie de marché s'arrangera pour utiliser massivement cette ressource. « C'est leur problème mais pas chez nous » peut être notre réaction. On peut se poser deux questions :
  • Polluez, mais un peu plus loin s'il vous plaît (not in my backyard, pas dans mon jardin) n'est pas très moral et relève aussi de la politique de l'autruche ;
  • Saurons nous maîtriser suffisamment les forces du marché, de l'argent ? Voilà un cas de figure, très réel, où cela ne se fera pas, à mon humble avis, sans quelque métamorphose de nos sociétés, sans maîtrise de la cupidité.
Résister à la croissance de ce type d'énergie est possible mais assurément difficile. Les personnes qui luttent à juste titre contre l'énergie schisteuse ont-elles fortement isolé leur logement ? Se préparent-elles à habiter à coté de leur travail ? Difficile quand il est précaire, n'est-ce pas ? Ou quand on est en couple, parfois. Et puis il y a encore pas mal de gens dans la philosophie « Vous m'emmerdez avec votre bio et votre écologie, j'aime la bière, les 4x4 et les gros seins » ; même si ils ne le disent pas comme ça. Ou bien on attend que l'État paie tout ? Avec l'argent de qui ?
Les énergies renouvelables sont nécessaires et nous devons augmenter massivement notre effort. Savez-vous que les chinois en font beaucoup plus que nous dans ce domaine ? Et que pourtant ils ne sont pas vertueux coté carbone ? Nous devons résister aux énergies schisteuses. Mais certainement pas croire que ce sera facile. Voilà donc une affaire à suivre, pas un détail.
François Hollande, là dedans ? Il faudra l'aider ; avec notre intelligence, avec notre esprit de responsabilité, avec notre courage.  

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